Nadine de Vos
Marre ! Marre des mots aseptisés, des phrases
stérilisées,
des ronds de jambes sémantiques et des langues tournées
sept fois, qui finissent par recracher des banalités incolores,
inodores et insipides.
Marre des stéréotypes, des
uniformes et des petits nœuds bien comme il faut là où il
faut.
Marre des étiquettes, des classements et
des clubs dans lesquels on se retrouve enfermé et dont on
n’a
pas d’autre choix que d’en accepter les règlements
d’ordre intérieur, faute de quoi on se retrouve censuré voire
banni (tant mieux !)
Dans une atmosphère frileuse, peureuse,
bouffie de bien-pensante et de culpabilités diverses, tout
autant mortifères
les unes que les autres, nous avons le droit de garder le silence
si nous ne parlons pas droit, entendez : conformément aux
règles du club ou, d’une manière générale, à celles
de la société érigée en gardienne de
l’expression convenable, policée, monocorde.
«
Ah ça s’ fait pas ! » devient le refrain à la
mode.
Plus un mot plus haut que l’autre, plus une phrase insolente
: le calme est plat et la vie est rose. Gommages, liftings et cosmétiques
maquillent le quotidien pour tenter de le rendre plus agréable à regarder.
La pensée se croit libre et belle derrière le masque
de l’euphémisme et des slogans consacrés. Adieu
fraîcheur, naturel et spontanéité du franc-parler
de ce « parler vrai » si mal considéré.
Balisé et
banalisé, le discours se coule dans un
lit déjà creusé, marche dans le sens indiqué,
suit le pointillé : plus question de se livrer à des
débats jugés « dangereux », plus question
de donner la parole aux fauteurs de troubles et aux semeurs de
doute, plus question de confrontation libre des opinion et des
idées.
Pluralisme RIP !
Et vive la liberté d’expression… du moins pour
ceux qui sont restés dans le tamis de la xyloglossie (1).
Et
pour terminer, voici une petite chanson © 2006 : si elle
ne vous plaît pas, je la remets dans mon violon…
L’anarchiste
rangé
Ne pas dire ce qu’on pense parce que c’est
mal élevé
Ne pas penser ce qu’on dit mais beaucoup en parler
Ne pas trop réfléchir…
Et se laisser guider par le prêt à penser
Il y a des principes qu’on ne peut pas négocier
Et si rien n’est sacré, ne pas le proclamer
Tout ne peut pas se dire…
C’est la règle de notre jeu de société
Et puis de temps en temps se permettre une audace
Pour bien prouver qu’on n’est pas devenu une limace
Puis rentrer dans le rang…
Retourner dans le moule et se voiler la face
On ne reconnaît plus son reflet dans la glace
Et ça ne s’arrange pas avec le temps qui passe
On est défiguré…
Un pantin formaté décide à notre place
Refrain
:
Je suis un anar de boulevard, un marginal embourgeoisé
Un non-conformiste aligné, recyclé en BCBG
Je suis un opposant complaisant, un farfelu normalisé
Un manifestant chevrotant, un contestataire enroué
Nadine
de Vos. Bruxelles, le 23 mars 2007
(1) Du grec xulon
(bois) et glossa (langue)
NDLR : Dans la chanson ci-dessus on peut remplacer
avantageusemnt le mot anarchiste ou anar par... unitarien.
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