Pratiquement depuis le début de l'année
scolaire, les enseignants - et peut-être plus particulièrement
ceux qui ont en charge des cours de citoyenneté ou des
cours dits philosophiques - sont confrontés au problème
insoluble de n'enseigner que par l'absurde les valeurs qui sous-tendent
notre Enseignement Officiel (1).
Depuis l'attentat du 11 septembre,
le président
le plus puissant du monde, que des manipulations électorales
douteuses n'avaient d'ailleurs pas tout à fait légitimé,
donne en effet dans le délire obsessionnel. Assoiffé
de revanche à tout prix, il s'est choisi une victime expiatoire
symbolique, qui ne constituait pas un trop grand danger pour ses
"boys". Une autre dictature - par exemple, la Corée
du Nord - aurait été nettement plus dangereuse compte
tenu de sa puissance intrinsèque et de son voisin chinois.
Ayant abandonné la bouteille pour un Dieu
aussi sectaire que dogmatique et intransigeant, il prêche
la croisade pour un bien contre un mal qu'il a lui-même
définis, sans se soucier que d'autres conceptions tout
aussi inacceptables et radicales lui assignent le même rôle
de "Grand Satan". Les tireurs de ficelles qui animent
son théâtre de marionnettes l'amènent à
ne pas entendre les conseils de ses amis les plus avisés
et de la majorité des nations représentées
à l'ONU. En revanche, il s'associe aux gamins turbulents
de la classe qui, par opportunisme, méprisent leur opinion
publique massivement hostile à tout conflit.
On réunit une armada disproportionnée
et, par des discours confondants, on conditionne une nation traumatisée
de n'être pas ou plus invincible sur son propre territoire.
On menace, on achète, on fait chanter les pays hésitants…
on avance des preuves péremptoires qui s'avèrent
aussitôt illusoires… on ignore même les appels
pourtant unanimes de Dieux moins belliqueux…
Et, à l'échéance d'un ultimatum
qu'on a fixé unilatéralement, l'ogre se lance à
l'assaut pour découvrir ces redoutables armes chimiques,
biologiques et de destruction massive mais surtout pas pour rendre
aux irakiens leur liberté… La résistance initiale
qu'on prétend surprenante permet de justifier l'utilisation
de tout le potentiel guerrier de la "coalition" et cette
guerre "propre" devient comme toutes les autres, meurtrière
et destructrice, sans respect des civils ni du patrimoine architectural
et culturel inestimable. Quand, après peu de jours, s'évanouissent
le régime dictatorial et ses relais, s'installe une anarchie
sauvage et plus déstabilisante que le pire des régimes.
La victoire est acquise…- mais a-t-on pu avoir
le moindre doute sur l'issue du conflit ? – et le "justicier"
envahisseur y voit la justification des son action. Mieux, il
y puise la raison de sanctions futures contre ceux qui ont osé
manifester leur opposition à ce projet stupide.
Entre-temps, on a dépensé des milliards
de dollars pour "libérer" un pays qui souffrait
déjà considérablement de l'embargo et de
la rapacité du régime, des milliards qui auraient
pu être utilisés à soulager la misère
non seulement de l'Irak mais de tous ces pays qui crèvent
sous la dette. Notons que ces dollars ne sont pas perdus pour
tous car, pour reconstruire le pays qu'on a si bien démoli,
les entreprises américaines les plus proches du pouvoir
ont déjà décroché des contrats écœurants.
Et maintenant, on va pouvoir réguler les cours du pétrole…
Stars and stripes… la main droite sur le cœur
et God bless America !
Monsieur le professeur, j'ai
bien compris : soyez assuré que, dans ma vie d'adulte, je vais être honnête,
tolérant, démocrate, humaniste. Je vais faire preuve
d'ouverture, respecter la liberté de conscience de chacun
et m'enrichir de leurs différences…
S. Mondo, Rédacteur
en chef, Convergences, Bulletin du Centre de Concertation
de l'Enseignement Officiel n° 50, 2003
(1) en Belgique