Nadine de Vos
Le sceptique est celui qui se défie de toute affirmation
dogmatique. Chaque fois qu’il est possible et efficace, le
doute accompagne sa réflexion. Autrement dit, le sceptique
s’efforce de ne pas mélanger connaissances et croyances
et, parmi ces dernières, de faire la distinction entre celles
qui, appartenant au réel, peuvent être examinées
et celles qui font appel au surnaturel ; celles-ci, parce qu’irréfutables,
ne peuvent faire l’objet que d’un choix individuel à propos
duquel il est vain de polémiquer.
Personne ne peut prétendre
cerner l’ensemble du réel
et, sur bien des sujets, une attitude nuancée serait la
bienvenue. Il est en effet présomptueux d’affirmer
ou de nier sans preuve, du moins sans prendre alors la petite précaution
oratoire du « selon moi ».
Même si on s’accorde à dire,
avec Euclide de Mégare, que « ce qui peut être
affirmé sans
preuve, peut être nié sans preuve » cela ne
grandit aucun athée d'adopter ce genre de comportement et
de faire, finalement, en creux ou en négatif, ce qui est
si souvent – et à raison – reproché aux
croyants.
Cela n’implique pas que, face aux croyances métaphysiques
ou religieuses, il faille se complaire dans un agnosticisme prudent,
mou, ou radicalement relativiste. Agnostique, on ne peut que l’être,
par la force des choses et de l’ignorance. Mais cela ne doit
pas empêcher de prendre position, ce qui – soit dit
en passant – n’est pas spécialement synonyme
de croire.
Pour l’athée, c’est un truisme de
dire qu’il
n’y a pas de dieu créateur, pas de transcendance,
pas de providence divine, pas plus qu’il n’y a une
entité dite « spirituelle » séparée
du corps. L’âme est un mot polysémique, une
sorte de fourre-tout commode dont les contours flous permettent
d’en dire à peu près ce que l’on veut.
Prise dans l’acception de « ce qui anime », et
selon une approche matérialiste, elle n’est pas réservée
aux hommes mais à tous les vivants animés. L’âme,
ce n’est pas l’esprit qui n’existerait pas sans
corps. Et bien que l’esprit semble propre aux humains, on
peut même être favorable à l’idée
que les animaux pensent, eux aussi, à leur manière.
En tout cas, ils rêvent.
Si la croyance au divin, au surnaturel, à l'irrationnel,
est aussi absurde pour l’athée que celle de l'existence
de la théière d’Atkins dans l'espace intersidéral,
force lui est de constater que pour nombre de ses semblables, ces
croyances sont fondamentales et n'ont rien à voir avec un
quelconque objet céleste prétendu en orbite quelque
part. Pousser la comparaison à sa limite la rend inopérante
et ridicule. Aussi ridicule que pourrait l'être la lecture
matérialiste d'un poème, d’un mythe ou… d’un évangile,
qui d’un certain point de vue, relève à la
fois des deux.
L’athéisme est un choix qu’il
serait tout autant stupide de vouloir imposer que la croyance au
surnaturel ou la
foi en un dieu. Ce n’est pas de l’agnosticisme radical
comme l’avancent un peu simplement tels rationalistes toujours
désireux de classer et d'étiqueter rapidement, c’est
seulement une volonté délibérée de
respecter la pensée de l’autre, sans mésestime
ni arrogance, sans agiter le spectre du blasphème ou du
délit d’opinion.
Tout simplement, parce que personne
ne peut se substituer à autrui
: ni penser, ni sentir, ni vivre, ni mourir à sa place.
Parce que chaque âme est singulière, dans tous les
sens du terme : individuelle, elle est unique en son genre avec
ses caractéristiques propres et ses différences ;
elle est étonnante et importante ; elle ne concerne et ne
s’applique qu’à un seul. C’est pourquoi
chacun d’entre nous, dans la richesse de son unicité,
est définitivement seul, du début à la fin.
Cette solitude est un trésor inestimable, un défi
de chaque instant, un moteur qui donne un sens à la vie
et qui l’enrichit. Mais pour d’aucuns, nombreux, elle
est la source d’une angoisse qui trouve quelque apaisement
dans les croyances et les espérances, fussent-elles sacrées
ou profanes, religieuses ou laïques.
Personne ne peut se mettre à la place d’autrui… Sauf
peut-être son reflet, ou son compagnon imaginaire ou surnaturel… Nadine
de Vos. 29 avril 2007
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