Philippe
Vasseaux
Visitant la grande mosquée de Paris avec un
groupe de jeunes, le gardien, à l'entrée, me demande
si nous sommes croyants. Je lui explique que nous appartenons à
une Eglise protestante et que nous ne sommes pas musulmans. "Les
gens du Livre, me répond-il, sont aussi des croyants. Vous
avez droit au demi-tarif !"
Dans ma jeunesse j'ai été embarrassé
par la question indiscrète: "As-tu la foi ?" De
quelle foi s'agissait-il ? Quelle est l'origine de la foi ? J'ai
mis un certain temps pour faire la différence entre la foi,
qui est avant tout confiance et qui est insufflée en nous
par l'Esprit lorsque nous sommes à l'écoute de l'Evangile,
et la croyance, expression humaine et par conséquent discutable
de la foi.
Est-ce que je crois en Dieu
? S'il s'agit du Dieu des talibans, du "Dieu avec nous" des boutons des uniformes
ou du "nous croyons en Dieu" des billets verts, s'il s'agit
du Dieu vengeur assoiffé de sang dont la colère ne
peut etre apaisée que par le sacrifice de son fils, je m'empresse
de dire que je me considère comme résolument athée
par rapport à ce Dieu-là.
L'Evangile ne m'invite pas pour
autant à m'en
vanter et à paraphraser la prière du pharisien; "Seigneur,
je te remercie de ce que je ne sois pas comme tous ces adeptes d'une
orthodoxie absconte, prêts à croire n'importe quoi
alors que j'ai trouvé dans un libéralisme bien compris
la seule voie authentique".
Dans l'évangile selon Saint Luc, être
devant Dieu, c'est être introduit par le Christ dans la familiarité
de Dieu au point de pouvoir l'appeler abba, ce qui signifie "papa"
en araméen. Même si Jesus de Nazareth est tout simplement
le fils de Joseph et de Marie, comme l'a confessé Jean Vallière,
le premier martyr de la Réforme francaise, brûlé
vif, au marché aux pourceaux à Paris, le 8 août
1523, ou encore s'il est le fils de Marie et d'un soldat romain,
selon l'hypothèse, fort peu vraisemblable, il est vrai, des
tout premiers détracteurs de la foi chrétienne, cela
ne retirerait rien à l'éminente dignité de
sa personne et à la véracite de son message.
Nous n'avons nul besoin des
longues et emphatiques formules de politesse ni des lourdes constructions
dogmatiques qui
cherchent à scruter l'état civil de Dieu, comme le
disait le pasteur Elie Lauriol. Dieu est la réalite supra-personnelle
qui nous donne la vie. Cette réalite peut nous sembler proche
ou lointaine car elle est à la foi dans et au-dessus de notre
histoire. Si elle transparaît à travers le monde, elle
s'y cache parfois aussi. Dieu est celui sur qui nous ne mettons
pas la main. Dire qu'il est dans les cieux n'est évidemment
pas une localisation géographique.
Dieu nous échappe, mais nous ne lui échappons
pas. Il vient à nous en libérateur. Comme l'ont souvent
dit les sages de l' Ancienne Alliance: "Dieu était là
et je ne le savais pas". Son Esprit vivant et vivifiant rend
pourtant témoignage à notre esprit que, grâce
au ministère de Jésus-Christ, notre frêre aîné,
nous sommes tous ses enfants adoptifs.
Philippe Vassaux, Octobre
2001
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