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Et si l'on parlait vrai ?

Jacques Herman

Parlons-en mais évitons d'évoquer ce qui vient après

La mort, contrairement à ce que l'on affirme souvent, n'est pas un sujet tabou. On en parle même volontiers, on évoque les instants parfois douloureux qui la précèdent, on disserte abondamment sur l'accompagnement des mourants, on met en place un peu partout des soins palliatifs, on entretient soigneusement les cimetières avec, peut-être, le secret espoir que les noms ne s'effaceront jamais des pierres sur lesquelles ils sont gravés.

Non, objectivement, nous devons admettre qu'à l'aube du 21ème siècle, la mort, pas plus que la vie, ne s'inscrit dans la longue liste des sujets tabous. Certes, il arrive que des pasteurs, des diacres ou des anciens soient confrontés à des interrogations difficiles :
   - Pourquoi Dieu, s'il est amour, n'agit-il pas ?
   - Où donc est-il dans l'épreuve de la séparation définitive et cruelle ?
Même alors, on dispose d'un arsenal de thérapies à court terme et les paroles consolantes arrivent quasi naturellement sur les lèvres. C'est ainsi que l'on peut faire entrevoir la présence consolante de Dieu dans les bras d'un proche qui soutient l'affligé. Même dans ces instants pourtant bien difficiles, la mort n'est décidément pas un sujet tabou.

Des artifices de langages

Il en va bien différemment de ce qu'il advient après la mort. De ce moment où, comme le chantait Brassens, l'âme et le corps ne sont plus d'accord que sur un seul point : la rupture. Pour ne pas manifester de manière trop outrancière une ignorance gênée que d'aucuns considèrent, non sans quelques outrecuidance il est vrai, comme carrément coupable, les spécialistes se perdent dans des considérations théologico-philosophiques qui n'ont rien à envier au flou artistique le plus caractérisé. Il faut dire que pour mener à bien leur tâche, ils disposent d'un vaste arsenal d'artifices de langage et de métaphores passe-partout, commodes certes, mais le plus souvent parfaitement lamentables.

Quelques questions

Qui ose encore évoquer en chaire aujourd'hui les peines éternelles et les images monstrueuses de la damnation perpétuelle qui ne paraissaient pas nécessairement compatibles avec l'amour infini du Père ? J'ai entendu parfois, il est vrai, quelques pasteurs illuminés qui s'inscrivaient dans des mouvances théologiques plus ou moins fanatiques, s'adresser sans rire à une congrégation en agitant tous ces hochets monstrueux qui ne font même plus peur aux petits enfants. Mais dans des assemblées moins enclines aux joies du fondamentalisme, il y a belle lurette que je n'ai plus entendu un seul pasteur menacer sa congrégation des feux de l'enfer.
   - Faut-il pour autant, lorsque la question se fait pressante, procéder à une sorte d'évacuation de la problématique en faisant appel à des subtilités de langage ?
   - Est-il bienséant d'évoquer la résurrection en termes de " champ d'espérance d'une vie nouvelle " ?
   - Un pasteur responsable peut-il faire la sourde oreille lorsqu'on l'interroge au sujet du devenir post mortem de ces milliards de bipèdes humains qui n'ont jamais adhéré à la foi chrétienne ?

L'art de tourner autour du pot

Que l'on me comprenne bien : je ne reproche à personne d'être ignorant. Je le suis du reste moi-même et je revendiquerai toujours pour chacun le droit de ne pas savoir. Ce qui me dérange, c'est l'art de tourner autour du pot. Beaucoup de chrétiens souhaitent entendre un discours vrai, sans artifice, sans miroir aux alouettes. Leur raisonnement est parfaitement limpide : si je fais appel à mon dentiste, ce n'est pas pour qu'il me prenne en pitié ou qu'il m'adresse des vœux de sympathie, c'est pour qu'il m'arrache ou me soigne une dent. De même, si je fais appel à un théologien, ce n'est pas pour qu'il prenne acte de mes certitudes ou de mes doutes, c'est pour qu'il me fasse part des siens propres.

Jacques Herman, Cèdres Formation   

 



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