Jacques Cécius
En France
Le 15 juillet 1801, Napoléon signe un concordat avec Rome.
Il marque la fin des hostilités entre la République
et le Vatican.
N’acceptant pas ce qu’ils considéraient
comme une abdication de Pie VII, des catholiques français,
fidèles à la
royauté et au clergé anti-constitutionnel, refusent
la réconciliation acceptée par le Saint Siège
avec les prêtres et évêques assermentés,
et surtout la démission prévue des évêques
titulaires des diocèses, l’Etat désormais
désignant
ceux-ci.
La Vendée des chouans, mais aussi une partie
des paroisses bretonnes et lyonnaises entrent en rébellion.
Ils sont emmenés
par trois évêques : MMgr de Courcy, évêque
de La Rochelle, jadis place forte du protestantisme sous l’Edit
de Nantes, de Castle-Hill, évêque de Rodez et de
Thémines, évêque
de Blois, tous trois issus de la noblesse.Chose curieuse, aucun
de ces évêques n’ordonne
des prêtres, et ce qu’on appelle depuis quelques
temps la Petite Eglise doit, après leur mort, s’organiser
sans clergé, situation pour le moins originale.
Les fidèles
désignent des « anciens »,
lesquels baptisent, récitent la prière des agonisants
au chevet des mourants, prennent acte des mariages. Chaque dimanche
les prières de la messe sont dites devant des tabernacles
vides et les « anciens » prennent bien soin de rallonger
l’eau bénite, afin que les adeptes n’en manquent
pas.
Les fidèles sont de nos jours au moins 3.500. (cf Ivan de
la Thibauderie : Eglises et évêques catholiques
non romains, éditions de l’Etincelle, 1962).
Une
tentative de réconciliation avec Rome, à l’initiative
du pape Pie XII, en 1957, échoue de peu. Aujourd’hui
encore le « petit troupeau fidèle » est actif
et respecté par les autres Eglises chrétiennes,
dont l’Eglise romaine, et les anciens entretiennent généralement
de bonnes relations avec le clergé.
En Belgique Faisons un retour en
arrière : en Belgique occupée
par les troupes françaises, des chrétiens s’organisent
pour résister à l’obligation faite aux prêtres
de prêter serment de fidélité à la
République.
Le chef de file de ces catholiques purs et durs est le chanoine
Stevens, Corneille de son prénom, qui parvient à créer
des petites poches de résistance dans la région
mosane : Namur, Andenne, Huy, mais aussi à Sambreville,
Gembloux et Bruxelles. Stevens et ceux qui le suivent décident
de créer l’Eglise apostolique, mieux connue sous
le qualificatif d’Eglise stéveniste.
Le chanoine
Stevens est consacré évêque, sous
le nom de Mar Theophilos, dans « la succession Ferette ».
Succession Ferette, qu’est-ce donc ? Le Père Ferette,
ancien dominicain ayant rompu avec Rome aurait, selon ses dires, été consacré lui-même évêque
par la patriarche d’Antioche de l’Eglise Syro-Jacobite,
Ignatius Peter III. Ivan de la Thibeauderie, (op. c.) affirme
que cette consécration n’est pas admise par beaucoup
d’autres
Eglises catholiques non romaines. Mais ici n’est pas notre
propos.
Stevens administre la preuve de ses talents d’organisateur
et donne force et vigueur, pour un temps, à la nouvelle
Eglise parallèle, schismatique, malgré l’opposition
farouche des évêques fidèles à Rome,
qui ne le ménagent pas et qui, eux, approuvent le concordat
France-Vatican, applicable à la Belgique.
Les communautés,
composées comme en France d’adversaires
de la Révolution française, sont respectées
par la population qui, dans son immense majorité, est
néanmoins
restée fidèle à Rome, et ce malgré les
prêches vigoureusement anti-stévenistes d’un
clergé parfois fanatisé.
Lorsque le régime napoléonien s’écroule
après la défaite de Waterloo, Mgr Stevens, peu
glorieusement, fait amende honorable et se rallie à l’évêque
de Namur, Mgr Pisani de la Gaude, au grand dam d’une bonne
partie de ses adeptes.
Un nouveau leader est alors élu,
l’abbé Gilles
Theys (jumet). Celui-ci est plus dur encore que le Stevens d’avant
sa capitulation, et s’oppose à toute tentative de
réconciliation avec Rome. Un consistoire est nommé avec,
bien entendu l’abbé Theys à sa tête,
auquel succède l’abbé Philippe Winnepenninckx
(Wavre). C’est sous la direction de ce dernier que les
stévenistes
se rapprochent, chose qui ne manque pas d’étonner,
de l’Eglise catholique française de Mgr François
Chatel. En effet, celle-ci est farouchement moderniste, donc
aux antipodes des positions stévenistes. Chatel, cette
année-là,
pour concrétiser le rapprochement, désigne un évêque,
Mgr Julien Le Rousseau, au siège épiscopal de Bruxelles.
Ce dernier, désormais à la tête du Consistoire
stéveniste, ouvre une chapelle dans la capitale. Par la
suite l’Eglise de Mgr Chatel disparait de la circulation,
sous les coups de boutoir d’un gouvernement désirant
plaire à Rome.
Les communautés stévenistes élisent,
en 1866, un « Père spirituel » qui les prend
en charge. Cent trois ans plus tard, la tradition du « Père
spirituel » ayant été maintenue,
le treizième successeur du chanoine Stevens, qui, rappelons-le,
avait fait amende honorable entre les mains de l’évêque
de Namur, est ordonné prêtre et consacré évêque
par Mgr Brearley, évêque de la Sainte Eglise vieille
catholique d’Angleterre.
De nos jours c’est un prélat dynamique, Mgr Christian
Verstraet, qui conduit le petit troupeau, lequel s’appelle
désormais « Petite Eglise apostolique vieille catholique »,
qui est reconnue par l’Eglise vieille catholique de l’Union
d’Utrecht. Cette dernière, forte d’environ
600.000 fidèles, en Allemagne, Hollande, France, est appelée
Eglise catholique chrétienne en Suisse. Elle est née
du refus par un certain nombre de catholiques de la définition,
par le concile Vatican I, du dogme de l’infaillibilité pontificale.
Elle fait partie du Conseil Œcuménique des Eglises
et jouit donc d’une véritable reconnaissance. D’autre
part elle a des liens privilégiés avec l’Eglise
d’Angleterre depuis quelques années.
Dixit le site,
par ailleurs très complet, de la Petite Eglise
apostolique vieille catholique, celle-ci possède plusieurs
Evêchés et paroisses. Les prêtres, peu nombreux,
sont aidés par des diacres.
Ceux qu’on appelle encore
les stévenistes sont néanmoins
discrets et font preuve d’une tolérance remarquable
envers les autres Eglises.
Ainsi donc, deux religions, très différentes, sont
nées en Belgique : le «
Culte
antoiniste »,
en 1910, religion syncrétiste, composée de christianisme,
de théosophie et de spiritisme qui s’est répandu
dans quelques autres pays, dont la France, et l’ « Eglise
apostolique vieille catholique », encore appelée
stéveniste.
La différence, outre la doctrine, entre ces deux mouvements
religieux, est que le premier est une religion originale, fondée
par un « prophète » qui sera déifié après
sa mort, tandis que le second se considère toujours comme
authentiquement catholique, bien que séparé de Rome.
|