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 Théologie
L'historicité de Jésus

André Gounelle

Depuis deux siècles, les travaux des historiens ont amplement démontré qu'on ne peut accorder aucune confiance aux évangiles quant à l'exactitude matérielle des faits qu'ils racontent. Leurs récits ont été arrangés, voire inventés en vue de défendre certaines idées et d'en combattre d'autres. Ils ont été rédigés en fonction de visées doctrinales et ecclésiastiques. Ils entendent légitimer les opinions d'un des groupes ou courants du christianisme primitif (1). Ils nous renseignent sur les croyances des premières communautés, sur les débats qui les agitaient, sur les tendances qui s'y affrontaient à la fin du premier siècle de notre ère.

Par contre, ils ne nous permettent pas de savoir ce que Jésus a vraiment fait et dit, ni de reconstituer ce qui s'est réellement passé autour des années trente (de quarante à soixante-dix années avant qu'ils ne soient écrits).

Pour prendre un exemple classique, une analyse serrée et rigoureuse des récits de Noël conduit à y voir des romans à thèse, fabriqués pour établir la supériorité de Jésus sur Jean-Baptiste et pour présenter Jésus comme le nouveau Moïse (2). Dans le premier Testament, l'histoire de Joseph, le fils de Jacob, précède immédiatement les pages concernant Moïse. Le père de Jésus s'appelle aussi Joseph, et les deux Joseph se ressemblent en ce que Dieu communique avec eux par des songes. De même que celle de Moïse, la naissance de Jésus s'accompagne d'un massacre d'enfants. Il va également en Égypte et en revient. Les mages s'inclinent devant lui comme les magiciens d'Égypte devant Moïse.

L'évangile de Matthieu poursuit l'analogie au-delà de la nativité : Jésus prononce un sermon sur la montagne, charte de la nouvelle alliance, qui évoque le Sinaï où Moïse reçoit la loi de la première alliance; la cène du jeudi saint s'inscrit dans le cadre de la Pâque juive qui commémore la sortie d'Égypte sous la conduite de Moïse.

Le parallélisme est trop massif pour n'avoir pas été forgé sinon de toutes pièces, du moins dans une large mesure.

De plus, dans leurs récits de Noël, par ailleurs très différents, Matthieu et Luc reprennent un thème mythologique fréquent aussi bien dans le monde gréco-romain que dans la culture sémite: celui de la mère-vierge et de la naissance miraculeuse. Ils en donnent une version plus juive que païenne, en suggérant que la conception de Jésus ne découle pas d'une union sexuelle entre un être divin et une mortelle; elle vient d'un acte créateur (l'esprit qui vient sur Marie dans Luc 1;35 évoque l'esprit qui plane sur les eaux dans Gen 1;3).

Ces récits relèvent évidemment d'une construction littéraire et ne renvoient pas à des faits réels (3). N'accusons cependant pas les évangélistes de fraude ou de malhonnêteté. Ils utilisent des procédés d'écriture et de composition d'ouvrages courants à leur époque et largement admis.

Certes, tout ne relève pas de la fabulation dans les récits évangéliques, mais nous ne disposons d'aucun moyen sûr pour distinguer la réalité de la fiction. On estime, en général, hautement probable que Jésus a bien existé (encore que certains en aient douté) et qu'il a été exécuté sur une croix. Tout le reste paraît incertain. Ce constat, progressivement mais solidement établi, a secoué des croyants, divisé les églises et provoqué quantité de crises. […]

André Gounelle, Parler du Christ, Ed. van Dieren, 2003, p.113-114   
(1) Cf., entre autres, E. Trocmé, Jésus de Nazareth vu par les témoins de sa vie; Fr. Vouga, À l'aube du christianisme.
(2) Voir A. Malet, Les évangile de Noël, Mythe ou réalité?; A. Gounelle, La naissance de Jésus. le récit, le mythe et le message, in Theolib, 2000, n° 12; P. Saintyves, Les vierges mères et les naissances miraculeuses.
(3) Cf. J.-P. Gabus, La nouveauté de Jésus Christ, p.29-32
  



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