Pierre-Jean Ruff
1 - Dieu, le mal et
le salut
2 - Le Christ et Jésus
3 - L'Esprit et la trinité
4 - Le sacrement cathare
Les cathares sont des chrétiens du Moyen Age
et des chrétiens intelligents. Parce qu'ils sont redevables
de leur époque, ils ont souvent des positions fermes. Mais,
parce que les théologiens cathares sont intelligents, ils
ne veulent pas avoir un dogme officiel, ni légiférer
sur tout.
À propos de la puissance du Mal, de l'identité
du Christ sur terre ou des modalités de notre salut, des
options dominantes se dégagent chez eux, mais elles ne sont
ni uniques, ni obligatoires. Les théologiens cathares sont
des hommes de terrain, plus soucieux du message à apporter
à leurs fidèles que d'une réflexion théologique
spéculative.
De la théologie cathare,
je propose ici quatre axes déterminants.
1 - Dieu,
le mal et le salut
Pour les cathares, la pierre
de touche incontournable, c'est l'amour de Dieu. Parce que le
Père est amour et que
l'on ne peut pas nier l'existence du mal sur terre, il n'est pas
tout-puissant. Aujourd'hui, dans ce monde, l'œuvre de Dieu
est contrecarrée par celle de l'Ennemi, le Prince de ce
monde.
Se référant à l'enseignement de
l'évangile de Jean, les cathares ne croyaient pas en un second
dieu, mais en l'existence d'un principe du mal. Pour eux, le dualisme
ne fut jamais un dogme, mais le fruit d'une réflexion évolutive
sur le problème du mal. De ce fait, la plupart des cathares croyaient
en un salut généralisé. Dieu ne peut pas vouloir
un enfer éternel. Le mal n'a eut que peu temps pour se manifester. « Toutes les âmes sont à Dieu, disaient-ils,
et toutes retourneront à lui, mêmes les âmes
des inquisiteurs ». Un tel message ne manquait pas de
plaire en un temps où la prédication de l'église
officielle se fondait en grande partie sur la peur de l'enfer.
La majorité d'entre eux optèrent
d'abord pour un dualisme mitigé, la théologie sous-jacente du livre de Job (Satan
est une créature céleste, révoltée contre
son créateur, mais dépendante de lui), pour opter
ensuite pour un dualisme
absolu (Satan existe
dès les origines, il est le créateur de ce monde qui
ne reflète de loin pas la perfection céleste, mais
il sera anéanti).
Enfin, les cathares étaient souvent les adeptes,
non de la réincarnation au sens bouddhiste du terme, mais
des transmigrations successives des âmes jusqu'à
leur salut final auprès du Père. Rappelons qu'alors
les thèmes du dualisme et de la chute des anges étaient reconnus
par beaucoup et nullement considérés hérétiques.
2 - Le Christ
et Jésus
Concernant la personne de Jésus, les cathares
n'ont pas une position claire. La plupart d'entre eux sont docètes
: Jésus serait une puissance céleste à apparence
humaine, donc plus que spirituelle. D'autres se disaient adoptianistes
: Jésus serait un homme transformé par son baptême,
tout en restant lui-même. Les cathares reconnaissaient une
alliance exceptionnelle entre le Christ et Jésus, sans qu'il
y ait une totale adéquation de l'un à l'autre. Le
dogme de la double nature du Christ (vrai homme et vrai Dieu) leur
est étranger.
Si les cathares n'ont pas une
position commune quant à la personne de Jésus, ils se retrouvent tous à
propos de sa mission : il annonce le Royaume de Dieu et, ainsi,
appelle toutes les âmes à la lumière. Jésus
est le porte-parole d'un message libérateur signifié par
le Consolament ou baptême de l'Esprit.
Jésus est donc le chantre qui invite les âmes
à retrouver leur vraie patrie : le Royaume du Père.
En revanche, les cathares dénient à
Jésus une vocation sacrificielle, comme toutes les églises
officielles l'enseignent. Pour eux, l'idée d'un sacrifice
nécessaire et voulu par Dieu pour sauver les hommes contredit
la plénitude d'amour qui est en lui. À leurs
yeux, l'importance donnée à la Croix est un contresens
théologique et symbolique.
3 - L'Esprit
et la trinité
Les cathares employaient des
formules trinitaires, mais la trinité en tant que dogme ne signifiait rien pour
eux. Pour eux, explicitement, Jésus n'était pas Dieu.
Au centre de leur conviction,
il n'y a pas la personne de Jésus ou une visée sacrificielle liée à
lui, mais la relation directe et personnelle avec Dieu, sans autre
médiatisation que l'Esprit. Nous sommes proches de la
théologie du réformateur Zwingli. Le pasteur Napoléon
Peyrat, historien des cathares, parlera de l'église
chrétienne
du Paraclet.
L'hérésie cathare est bien d'être une église
de la Pentecôte plus que de Pâques : l'Esprit avant
le sacrifice de Jésus.
Aussi, en son temps, le catharisme
constitue bien une tendance spiritualiste et mystique du christianisme -
au sens large du terme - non focalisée sur le sacrifice et
les mérites du Christ.
Ce courant s'accompagne du
refus de l'emprise de l'institution ecclésiale sur les âmes
et les consciences. Spirituellement, c'est bien une voie de liberté.
4 - Le
sacrement cathare
Le Consolament,
le don de l'Esprit, est le seul sacrement reconnu et pratiqué par les cathares.
Chez eux, il y avait des agapes - prières et fraction du
pain avant chaque repas - mais aucunement un sacrement lié
à la mort et à la résurrection de Jésus.
Le Consolament était pour eux le signe du baptême
ou de l'entrée en vie chrétienne ; il était
aussi sacrement de pénitence et de pardon ; signe d'ordination
et d'entrée en vie monastique.
Il tenait lieu également d'extrême
onction, ce que les cathares appelaient: faire
une bonne
fin.
Pour eux, ce sacrement résumait et englobait
tous les autres. On sait que le clivage originel entre l'Église
catholique et l'Église cathare portait sur la christologie
et les sacrements et d'aucune manière, comme aujourd'hui,
sur la question du dualisme ou des chemins conduisant au salut.
La pratique sacramentelle
cathare est l'expression fidèle de leur théologie,
toute axée sur l'Esprit et la relation personnelle avec Dieu.
Le sacrement, bien que transmis par l'Église instituée,
relie directement à Dieu et ne fait qu'indirectement de l'église
la médiatrice du salut.
Pierre-Jean Ruff, le
28 décembre 2003
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