Pierre A. Bailleux
Le
sens de la Bible n’est pas dans la Bible,
mais dans la lecture de la Bible. Cela nous avertit d’emblée
contre toutes les doctrines prétendument “objectives” qui
nous expliqueraient le “sens” de la Bible. La lecture seule (c'est-à-dire
le lecteur) produira du sens (1).
Il faut donc le découvrir à travers
les seuls documents dont nous disposons. Par exemple, pour la Torah,
que signifient ces récits que nous trouvons dans le livre
la Genèse ? Ou, pour les écrits du Nouveau Testament,
découvrir ce qu’ont été l’enseignement
et la personnalité de Jésus (2) car son discours n'est
pas concevable sans la culture qui était la sienne, et les
interprétations de ce discours sont ancrées dans la
culture du lecteur. “Cette enquête, nous dit André
Gounelle, se fait selon les méthodes historiques les plus
rigoureuses; elle exige une étude attentive du texte; elle
demande une connaissance approfondie du contexte; elle aboutit plus
souvent à des hypothèses vraisemblables qu’à
des certitudes” (3).
La foi est vivante lorsqu’elle est pensée,
réfléchie et confrontée au regard de la raison
et de la science, quand elle accepte de ne pas pouvoir tout comprendre,
incluant le doute comme étape positive de son questionnement
spirituel, philosophique et humaniste.
A cela il faut ajouter que si
la Bible est la référence
première, elle n’est pas une référence
exclusive de la foi. Comment dès lors filtrer, écrémer,
et déterminer la “vérité” ? La
“vérité” sera-t-elle une doctrine ou un
dogme? C’est-à-dire des interprétations officielles,
mais différentes, que les églises donnent de Dieu
? La “vérité” est-elle objective, une,
commune et officielle ? Ou est-elle subjective, c’est-à-dire
que j’y adhère totalement en mon âme et conscience
?
Lorsque l’homme est confronté à
ce qui le dépasse, à l’indicible, à ce
qui lui est inconnaissable, il se réfère aux symboles
qui lui permettent de franchir l’infranchissable. Par son
essence le symbole est antérieur à notre pensée;
par son essence, il embrasse l’infini et il dépasse
notre compréhension consciente.
La foi est le fait d’être saisi et profondément
ému par ce qui nous intéresse au plus haut point.
Mais croire ne veut pas dire qu’on tienne des histoires de
tout genre pour historiques. Croire veut dire qu’on accepte
des symboles exprimant l’état de notre recherche spirituelle
qui s'apparente, du point de vue spirituel, à l'agnosticisme.
Il n’y a que le langage des symboles qui soit capable d’exprimer
le caractère de cette recherche.
Pierre A. Bailleux
(1) Jacques Chopineau, Lire
la Bible, Éditions de l'Alliance, Lillois, 1993
(2) La tradition chrétienne et les Églises
ont accordé plus d’importance à la personne
de Jésus qu’à son enseignement. L’enchaînement
du second article du symbole dit des apôtres, qui parle du
Christ, est significatif : “Il a été conçu
du saint Esprit, il est né de la Vierge Marie, il a souffert
sous Ponce Pilate, il a été crucifié, il est
mort, il est descendu aux enfers; le troisième jour, il est
ressuscité..” On énumère des événements,
et on ne dit pas un mot de la prédication de Jésus.
(3) André Gounelle, in article “Le protestantisme libéral”,
revue pluraliste Vivre, Lillois, vol. II, n° 1994/1, pp. 30-37.
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