Albert Gaillard
Ressusciter, c'est être
remis debout
La mort si bêtement biologique et dénuée
de sens prend signification dans un tout autre registre : c'est
l'existence même qu'elle réhabilite, qu'elle valorise
et que paradoxalement elle enfante à sa destinée responsable.
Car toute vie humaine demande à recevoir une raison d'être,
une qualification en valeur, qui ne lui sont pas données
dans le seul fait d'exister. Avec la mort de Jésus a surgi,
du pourrissement même de l'Histoire, le bourgeon annonciateur
de cette éclosion de sens.
Loin d'être redoutée, frappée
de tabous ou exorcisée par des mythes prétendument
consolateurs, la mort peut désormais être regardée
en face: tel se découvre peu à peu le sommet d'un
pic inaccessible lorsqu'il se détache de la nuit, à
l'heure où commencent à l'envahir les premières
lueurs de l'aurore.
Seules de semblables images
peuvent ici traduire ce que ne savent exprimer ni notre langage,
façonné par
notre finitude, ni notre intelligence affrontée au spectacle
universel de la mort.
C'est pourtant cette dernière qui éclaire
le sens de toute vie. Elle y appose le sceau d'un accomplissement
sans appel. Si humble soit-elle, une existence est irremplaçable
et ne se répétera pas : aucune seconde chance ne lui
sera offerte. II faut donc l'aimer, la réussir, en assumer
toutes les responsabilités, remplir au mieux la part d'humanité
qu'elle donné à gérer à chacun.
Parce qu'irréversible, la mort confère
à la vie son caractère d'urgence. Rien ne doit être
différé. Rien ne peut être réparé
ni attendu ailleurs. Tout doit être accepté, pardonné
ou restauré maintenant. Tout est à inscrire au présent,
dans l'aujourd'hui d'une existence fugitive, certes, mais désormais
réconciliée avec elle-même, c'est-à-dire
re-suscitée...
Car ressusciter, au sens premier du terme,
c'est être remis debout. Expression non d'un état censé
suivre la mort mais d'un élan qui, au contraire, la précède
: dynamique de la vie nouvelle permettant de jeter sur elle le
regard
lucide d'un veilleur face aux ombres de la nuit.
Albert Gaillard, pasteur ERF
Dieu à hauteur d'homme, L'Harmattan, Paris 1998, p.174-175
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