Eric
Heller-Wagner
1. Une
"révérence" à la vie
2. Notre
engagement
3. Les
origines du mot "unitarien"
4. L'importance
de Dieu
5. La
personne de Jésus
6. Nos
relations avec les autres religions
Une "révérence"
à la vie
Les unitariens essaient de
trouver un sens à
la vie ainsi qu’une manière de la vivre. Bien sûr,
c’est là le propre de toutes les formes de religion.
La différence, pour nous, est notre refus d’être
attaché de manière dogmatique aux idées et
attitudes émanant du passé. C’est la raison
pour laquelle on dit parfois de nous que nous sommes en marge de
la tradition chrétienne, parce que nous n’accordons
que peu d’importance aux "doctrines", toutes vénérables
soient elles.
Dans la pratique, nous adoptons
un style religieux et une forme de culte qui encouragent chacun à s’exprimer
librement. L’accent est mis sur les relations avec les autres,
avec l’environnement et l’univers. Le climat moral d’une
communauté unitarienne pourrait être décrit
comme faisant «révérence à la vie»
et l’atmosphère de culte comme «célébration
de la vie».
Soumis à aucune pression extérieure,
qu’elle vienne d’une doctrine, ou d’une église,
nous insistons sur l’importance d’être honnête
vis-à-vis de nous-même. Nous vénérons
et admirons ceux qui peuvent montrer aux gens comment être
honnête vis-à-vis de soi-même, comme Jésus,
Bouddha, Gandhi, ou même Schweitzer. Néanmoins, l’importance
de la vie et des enseignements de telles personnes est soumise à la
conscience personnelle.
La religion est ouverte au
changement au vu de nouvelles pensées ou de découvertes. Les hommes utilisent
les mots différemment; ainsi, une forme de langage religieux qui parle à une personne peut se révéler muette pour d’autres. Les mots ne sont que le reflet
de l’expérience. C’est celle-ci qui compte.
Les philosophies, les doctrines
et autres théologies
ne sont que des cartes géographiques -utiles de différentes
façons- mais qu’il ne faut pas confondre avec le territoire
lui-même. La recherche de la Vérité est continue,
le sens de la vie n’est pas cerné, le dernier mot n’a
pas été dit. Ce qui nous unit, quelle que soit notre
foi, c’est une préoccupation commune pour une certaine
qualité de vie que nous révérons et célébrons
dans nos églises.
Ainsi, la religion est un
mode de vie consacrée
à l’exploration, l’expérience spirituelle
et l’engagement pour la vie.
Notre engagement
Il consiste à créer une communauté
solidaire. Les unitariens ne sont pas simplement des gens qui vivent
de "valeurs". Quoique individualistes, ils s’efforcent
de former une véritable communauté. Une église
ou une confrérie unitarienne cherche à être
ce groupe d’hommes et de femmes où les barrières
innombrables de la vie de tous les jours pourront un jour être
supprimées.
Le sentiment d’appartenance à une
communauté ne s’est jamais fait sentir aussi fort.
Les hommes d’aujourd’hui se sentent sans racines dans
une société anonyme, seuls dans la foule. Tous, nous
avons besoin de cette relation qui dépasse le superficiel
pour aller véritablement à la rencontre de l’autre.
Au niveau le plus élémentaire, nous voulons être
acceptés comme nous sommes, indépendamment de notre
emploi, de nos revenus, de notre sexe, de notre intelligence ou
de notre couleur. Nous devons être acceptés avec nos
doutes, nos hésitations, nos faiblesses et nos défauts
ainsi que nos forces.
Le véritable défi d’une communauté
unitarienne, c’est de se confronter aux doutes et aux convictions
des autres. Un jour ou l’autre, il faut pouvoir admettre que
les convictions ne sont que de simples opinions sans fondement,
opinions souvent entachées de préjugés. Les
doutes peuvent certes se révéler le fruit d’une
indifférence prolongée, d’une évasion
face à la réalité, d’une timidité
renforcée. Mais en explorant ses doutes, on peut se sentir
sécurisé par cette appartenance à une «communauté»
qui ensemble cherche un épanouissement vrai. Après
tout, chacun essaye d’être plus sensible, plus ouvert,
plus juste. L’un des préalables est de tourner son
regard vers l’extérieur. Dans quelle mesure l’autre
est-il interpellant pour moi ?
Les origines du mot «unitarien»
Il date du seizième siècle, pendant
la Réforme, et désigne ceux qui rejetaient le dogme
de la Trinité (la conception d’un Dieu fait de trois
personnes: le Père, le Fils et l’Esprit) pour plutôt
mettre l’accent sur l’Unicité de Dieu. Ils reçurent
le nom d’Unitariens.
La controverse théologique autour de la
doctrine de la Trinité joue un rôle très limité
aujourd’hui dans la vie des unitariens. L’unité
qui nous intéresse est celle de toute vie. La religion est
perçue comme la somme totale de toutes les manières
différentes par lesquelles nous pouvons avancer vers une
unité accrue: la recherche scientifique, l’expérience
mystique, la conduite personnelle.
L'importance de Dieu
Dieu ne peut être décrit de façon
adéquate, il est impossible de "dire" Dieu. C’est
la source d’énergie infinie et éternelle qui
se manifeste dans tout ce qui existe. Cette énergie, que
l’on peut concevoir comme personnelle et plus que personnelle
est un plaisir éternel. L’objectif de toute religion est
d’arriver à l’harmonie avec cette énergie
ou cette puissance.
L’être humain appartient à un
certain ordre des choses tel qu’il est défini dans
la nature. Il identifie et admire une beauté inhérente
à la vie mais qu’il n’a pas créé.
Il s’agit de quelque chose d’impénétrable,
mais qui est bien là, qui se manifeste comme étant
la sagesse la plus haute et la beauté la plus exquise.
C’est cela qui est présent dans toute
doctrine unitarienne de Dieu. Toute personne voyage sur le chemin
ouvert de la vie, consciente de ses mystères impénétrables.
Lorsque nous disons Dieu,
nous essayons de donner un nom à un mystère; nous
essayons de désigner la puissance et la gloire que nous ressentons
face à ce mystère.
Certains considèrent que le "langage
religieux conventionnel" en ce qui concerne Dieu est dépassé;
ils se sont donné le nom d’«humanistes»
(1). Ils considèrent les célébrations religieuses
comme odes à la vie. Ils sont attirés par la poésie
et l’aspect mystique de la Vérité et d’une
façon ou d’une autre, se retrouvent confrontés
à des questions de base concernant la vie, sa signification
et ses valeurs. Pour eux, le but de la religion est de rendre l’être
humain plus sensible spirituellement et de l’aider à
développer ce qu’il y a de mieux dans l’humanité.
La personne de Jésus
Nous recevons Jésus en tant qu'homme né
comme tous les autres hommes et soumis aux limites inévitables
de la vie humaine. Il ne s’agit pas de l’incarnation
exclusive de Dieu, mais d’un grand "révélateur"
de lumière spirituelle, d’amour et de vie. Sa vie d’amour
indique ce qui est fondamentalement humain.
Les enseignements de Jésus ont pour but
de donner à chacun la possibilité d’avancer
sur le chemin de la réalité spirituelle et personnelle.
La médiation devient inutile, la distinction entre expert
et non expert est caduque.
Toute personne se sentant
attirée par l’amour
de Jésus et par sa confiance et qui prend à cœur
de vouloir répandre son esprit en ce monde peut se dire chrétienne.
Dans son développement historique, la religion
chrétienne s’est exprimée de façon exclusive,
impérialiste, dogmatique. Elle s’est perdue dans les
mots et la hiérarchie de son clergé. Pour nous, il
s’agit là d’une enveloppe, sans aucune signification
aujourd’hui. Notre manière de vivre le christianisme
reprend la vie et les enseignements de Jésus; l’accent
est mis sur la prise de conscience spirituelle et le vécu.
Exemple : la Fraternité de
Bordeaux.
Certains unitariens rejettent
le terme "chrétien"
parce qu’ils le rattachent à une étroitesse
d’esprit et à de la bigoterie. Lorsqu’ils sont
obligés de mettre un nom sur leur foi, ils préfèrent
dire qu’ils sont "universalistes" (2), soulignant
ainsi la complémentarité de toutes les religions
de ce monde.
D’autres préfèrent le terme
"humaniste" comme nous l’avons vu, soulignant ainsi
que la religion doit se concentrer sur les besoins humains et qu’il
appartient à chacun de faire prospérer l’entreprise
humaine.
Nos relations avec les autres religions
Nous sommes très réceptifs aux autres
religions. La fidélité à l’enseignement
de Jésus n’implique pas l’exclusivité
et nous reconnaissons la valeur spirituelle des autres grandes religions.
Les paroles, les écrits, les traditions religieuses -ou les
idéologies politiques- ne sont pas infaillibles et personne
ne détient la Vérité.
Au cours de sa vie, l’être humain doit
s’ouvrir à la vérité, la lumière
et l’amour, quelqu'en soient les sources. Aujourd’hui
comme hier, nous essayons de bâtir des ponts entre les personnes
de différentes religions et ce, dans le respect des différences.
Nous nous efforçons de faire éclater l’ignorance
mutuelle qui conduit à la crainte de l'autre et parfois,
malheureusement aussi, à la haine.
Nous percevons les découvertes scientifiques
comme des sources d’approfondissement religieux. A la différence
des églises traditionnelles, la science et la religion ne
sont pas ressenties comme opposées. Lorsque les sciences
seront à même d’expliquer encore plus de choses,
il en résultera un sentiment profond de respect et de reconnaissance
alors que les mystères de la création seront percés.
Le but de la science rejoint celui de la religion : mieux vivre
la vie.
Certains parmi nous s’inspirent de la doctrine
enseignée et vécue par Albert Schweitzer, connue sous
le nom de "respect pour la vie". Le réalisme spirituel
nous apprend que la religion ne peut expliquer toute chose. Le mal
et l’horreur sont des réalités profondes. "L’univers
est à la fois créateur et destructeur; il crée
pendant qu’il détruit et détruit tout en créant"
nous apprend Albert Schweitzer. Mais toujours, l’espoir l’emporte.
Toujours, l’amour suprême reste perceptible.
Eric Heller-Wagner
Traduction (Revue Vivre,
Lillois, 1993/1, p.43) d’un article paru en mai 1991 dans Unitarian Quest,
Journal de l’association unitarienne d’Australie et
de Nouvelle-Zélande.
(1) Cette tendance est fortement
contestée
par certaines associations unitariennes et la plupart des églises
unitariennes en Europe. Les "humanistes" sont nombreux
aux Etats-Unis. Les Américains n'approuvent pas trop ceux
qui n'appartiennent à aucune église : des athées
ont ainsi marqué certains groupes. Par essence tolérants,
les unitariens ont été les premiers (avant les baptistes)
à accueillir les noirs d'abord, les homosexuels ensuite.
(2) À ne pas confondre avec syncrétistes,
c'est-à-dire un mélange de plusieurs religions en
une seule. L'universaliste, au contraire, professe la sienne, tout
en reconnaissant la légitimité d'autres formes de
spiritualité.
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