Béatrice Spranghers Petite suite "Aux risques de la recherche"
Dans les histoires de héros de l'antiquité,
on trouve des naissances virginales, des signes célestes,
des guérisons, des miracles, des souffrances imméritées,
la résurrection, l'ascension.
Certains groupes chrétiens des premiers siècles
interprétaient la personne de Jésus en fonction de
ces histoires, tout en affirmant péremptoirement l'indubitable
supériorité du messie sur les héros grecs.
L'Évangile de Jean est rédigé
tout à la fin du 1er siècle. C'est l'époque
où apparaît le docétisme : Jésus a une
apparence humaine, mais il est habité par l'Esprit de Dieu. « J'ai vu l'Esprit descendre du ciel comme une colombe
et s'arrêter sur lui » Jean 1,32
Aussi Jean inaugure-t-il le
ministère de Jésus
par le prodigieux récit des noces de Cana. Le vin vient fâcheusement
à manquer ? Discrètement, Jésus fait remplir
six jarres d'eau qui, dès servie, se révèle
un vin délicieux.
Certes l'histoire est belle.
L'eau si précieuse
en pays chaud est transformée en nectar de fête. Les
paroles que Jésus annonce sont la vie même, la qualité
de vie à laquelle il veut nous initier de la part de Dieu.
En qualité et en quantité : 600 litres de vin, quelle
abondance ! Il y a de quoi saouler tous les invités.
Le culte de Dionysos était bien connu en Galilée
et de nombreuses fêtes lui étaient consacrées
dans le calendrier romain. Dionysos était le plus divin des
dieux-hommes, né d'une vierge fécondée par
Zeus. Lors des cérémonies qui lui étaient dédiées,
il changeait l'eau en vin dans ses temples.
Jean utilise manifestement le
prestige de Dionysos pour camper le personnage de Jésus qu'il décrira ensuite
comme unique chemin vers Dieu, vie et lumière du monde.
L'Ancien Testament regorge lui
aussi d'emprunts semblables aux cultures avoisinantes. Ceux-ci
sont utilisés, appropriés,
orientés pour démontrer que Dieu est celui qui surclasse
toute divinité païenne.
Le miracle de Cana utilise
la célébrité de Dionysos pour clamer l'insurpassable
envergure de Jésus. Cette évidence ne pouvait échapper
à aucun lecteur d'alors.
Béatrice Spranghers,
Lillois 12 août 2003
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