Béatrice Spranghers Voici quelques années, un film "grand
écran" dévoilait la vie insoupçonnée
des myriades de bestioles qui peuplent nos pelouses. La publicité
annonçait : "Vous ne passerez plus jamais la tondeuse
de la même manière".
"Vous ne lirez plus jamais la Bible de la même
manière", c'est l'avertissement que l'on pourrait donner
au lecteur (ordinaire) que nous sommes à propos du livre Un
Jésus, plusieurs christs de Gregory J. Riley (1).
Ceux donc qui ne souhaitent
pas voir bousculée
leur lecture séculaire ne doivent pas se risquer à
ouvrir ce livre. Quant aux autres, aventuriers, chercheurs de pistes
d'authenticité, ils y trouveront leur bonheur et ne regretteront
pas leur audace.
Car G. J. Riley fait avec intelligence
et simplicité
(le label des véritables grands esprits) le tour des diverses
influences culturelles, philosophiques, religieuses qui ont indéniablement
marqué la rédaction des textes bibliques, du Nouveau
Testament en particulier, ainsi que la compréhension qu'en
ont eue les premiers chrétiens.
Comme l'écrivait très
justement Julia Kristeva (2) "…tout texte est en relation
avec d'autres textes, …on ne peut pas comprendre une œuvre
en soi si on ne fait pas résonner dans cette œuvre l'intertexte,
c'est-à-dire les autres textes auxquels l'écrivain
se réfère, soit explicitement - parce qu'un écrivain
utilise de nombreuses sources -, soit implicitement, ou inconsciemment
- des textes qui résonnent sans qu'il les ait lui-même
convoqués."
Qu'elle sorte d'être
Jésus a-t-il été ?
À cette question, les chrétiens du début
ont répondu de façons très diverses et parfois
contradictoires, selon l'amalgame qu'ils faisaient entre les cultures
de la Palestine et du monde gréco-romain. À la notion
de messie juif se mêle celle de héros grec. Un seul
Jésus, certes, mais dès l'origine plusieurs perceptions
de sa personne, plusieurs christs.
Ensuite, cette grande diversité a été
corsetée - ça faisait désordre - et réduite
à une orthodoxie unique à partir de Constantin (vers
325) jusqu'à la période de la Réformation.
Aujourd'hui le monothéisme nous semble aller
de soi. Autrefois, les dieux pouvaient prendre forme humaine, les
humains pouvaient être des dieux, l'union de dieux avec des
humains pouvait donner naissance à des héros divino-humains.
Jésus est-il ce héros tragique qu'il
fallait suivre, bûcher inclus, pour accéder à
une éternité bienheureuse ? Si la question nous interpelle,
il convient de tenter une réponse en connaissance de cause,
en commençant par replacer le personnage dans son contexte
historique.
G. J. Riley nous y introduit sans aucune provocation iconoclaste.
Aucun libre chercheur ne restera
indifférent
aux thèses de cet auteur.
Béatrice Spranghers,
le 18 juillet 2003
1. Labor et Fides 2002
2. Au risque de la pensée, Ed. de l'Aube, 2001, p.33
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