Jacques Cecius
" Comme tous les chrétiens,
la façon dont nous concevons la nature de Dieu repose sur
la personne du Christ. C'est Lui notre lumière. En lui nous
voyons, nous comprenons l'action de l'amour divin. Dans nos pensées
nous identifions Son esprit à l'illumination intérieure
qui éclaire les cœurs purs. […] La
Société des Amis [les Quakers] ne repose sur aucun
dogme théologique, sur quelque conception littérale
de la Bible. Elle repose sur une expérience intime de l'âme
[…]. Elle convie les hommes à partager cette expérience,
et la manière de vivre qui en découle… En pleine
guerre elle invite les hommes à goûter de l'esprit
pacifique qui fait partie de son expérience […] de
chercher avec foi dans la semence de la vie divine."
Carl Hearth (1869-1950)
Ces quelques lignes font comprendre
immédiatement
qu'avec les Quakers nous avons à faire à des chrétiens
libres et particulièrement tolérants. Les Quakers
"invitent", ils n'imposent pas, comme l'ont fait les
Eglises…
Georges Fox (1624-1691), né à Fenny
Drayton et décédé à Londres, fut très
jeune heurté, comme beaucoup, par les querelles des Eglises.
Il se détacha de toute appartenance confessionnelle. "Il
fut, semble-t-il, influencé par les idées de Jakob
Böme" (1).
Adversaire des formes rituelles
et des dogmes imposés
il combattit la théologie sèche de son temps (et de
tous les temps), la position dominante de l'homme sur la femme,
l'esclavage, la guerre et les injustices sociales. "Il encouragea
les chrétiens à expérimenter directement l'esprit
de Dieu […] qui est en chaque personne, par l'écoute
silencieuse de la voix intérieure afin qu'ils trouvent des
directives pour des missions concrètes" (2).
Fox connut les culs des basses
fosses, le pouvoir politique anglais étant poussé par les Eglises, tant
anglicanes que protestantes, à le faire taire. Ce fut en
vain. Comparaissant devant la justice il lança au magistrat
qui présidait la Cour "Fais ton salut avec crainte et
tremblement". Ce serait la raison pour laquelle les membres
de la Société des Amis sont appelés "quakers",
les trembleurs. Légende ?
Le quakerisme, né dans le Royaume Uni, se répandit
très vite en Amérique où ses adeptes furent
l'objet de mesures vexatoires et de persécutions allant jusqu'à
des condamnations à mort. Toujours il répondaient
aux violences qu'on lui faisait par le pacifisme.
Le quaker William Penn fonda
l'État de Pennsylvanie,
qu'il appela "la sainte expérience". Il créa
des liens d'amitiés avec les indiens ce qui n'était
pas courant alors. Il mit en pratique le pacifisme chrétien "Il
ne faut pas combattre mais souffrir… La foi et
la pratique remplace la lutte". L'article 1 de la Constitution de l'État
affirmait la totale liberté de conscience. En dépit
de ses indécisions et de ses faiblesses, l'activité
politique de William Penne reste un exemple frappant de ce que peut
un Quaker pieux, écrivit Edward Grubb (3).
Le culte primitif, aujourd'hui
minoritaire, consiste en une réunion au cours de laquelle les participants gardent
le silence, jusqu'au moment où l'Esprit les poussent à
dire quelques mots, soit d'édification, soit l'un ou l'autre
verset de la Bible.
Une première dissidence a vu le jour lorsque
les Quakers décidèrent de rétablir des formes
cultuelles telles les cantiques, prières d'intercession,
etc. à l'exception des sacrements que rejettent tous les
Quakers : baptême, cène, confirmation.
Une seconde dissidence, le hickisme,
vit le jour à
l'initiative d'Elias Hick (1748-1830) qui adopta les idées
unitariennes.
Pour en revenir aux sacrements,
chez les Quakers des trois tendances, voyons ce qu'écrivait
Edmund Harvey : "Pour
qui cherche sans cesse la communion avec ses frères et avec
son Père d'en-Haut, il n'y a pas seulement deux ou sept sacrements,
mais soixante-dix sept fois sept… Dans le passé, l'erreur
des sacramentalistes a été de limiter la présence
et l'action divine à un nombre déterminé de
moyens de transmission et à quelques signes immuables; Nous
qui pensons que ces braves gens ont par trop limité la liberté
de la vie intérieure, nous devons aller au-devant d'eux,
non pas en niant la présence divine où ils la voient,
mais en essayant de voir nous-mêmes et de réaliser
cette présence avec plus de plénitude dans notre
vie".
Les Quakers affirment qu'on
trouve de vrais disciples de Jésus-Christ dans toutes les confessions qui forment une
immense fraternité.
Au début de leur histoire, les Quakers portaient
un habit particulier, d'une grande sobriété, et refusaient
de se découvrir devant quiconque. De plus, il tutoyaient
systématiquement leurs interlocuteurs, Ces coutumes ont disparu.
Ils refusent de prêter serment, amis acceptent d'«affirmer».
Ils sont environ 200.000 dans le monde, surtout dans les pays anglos-saxons.
Ils possèdent un collège international à Woodbrooke
(G.B).
La Société des Amis est présente
là où sévissent les guerres et les catastrophes
naturelles, ayant un grand sens de la charité et de la fraternité.
Aux Etats-Unis, les Quakers dits "primitifs" et Quakers
de "l'Eglise des Amis" se sont rapprochés et œuvrent
ensemble pour combattre la misère dans le monde.
En France, ils ne sont qu'environ
300, alors qu'ils furent relativement nombreux notamment dans
le Gard. Une bourgade,
Congenies, possède un vieux cimetière quaker et une
salle qui est en voie de restauration grâce à une famille
appartenant à cette branche radicale du christianisme. En
Belgique, ils ne sont qu'une poignée, généralement
américains et anglais, qui se réunissent à
Bruxelles. Des groupes existent dans toutes les parties du monde
mais, du fait d'une quasi absence volontaire de prosélytisme,
ils ne prospèrent guère.
"Nul ne peut voir,
nulle oreille entendre, nulle langue proférer, nul cœur
comprendre la rafraîchissante douceur de l'Esprit du Seigneur
que je ressens en moi à ce moment". Telles furent les dernières paroles de
la quakeresse Mary Dyer au moment d'être pendue à Boston
en 1660, pour crime d'hérésie aux yeux des protestants
puritains qui, pourtant, avaient dû fuir l'Angleterre pour
pouvoir vivre leur foi…
Jacques Cecius, Spa, le 26 mars 2003
(1) Encyclopédie du protestantisme,
ouvrage collectif, Labor et Fides, 1995
(2) ibidem
(3) Qu'est-ce que le quakerisme, 1917
Réactions :
« …nos vifs remerciements pour l'article de Jacques
Cecius. Voici quelques précisions que nous souhaiterions
y apporter :
- En France, les Amis sont environ 60 et non 300, comme indiqué dans
l'article;
- Au plan mondial, l'effectif total des Quakers est de 300.000
environ, plutôt que 200.000, comme indiqué;
- En ce qui concerne Congénies, dans le paragraphe sur la
France à la fin de l'article, la deuxième partie de
l'article de la deuxième phrase est inexact au vu de récentes
évolutions. Il conviendrait plutôt d'écrire
: "une Maison d'Assemblée datant du XIXe siècle
et ayant appartenu successivement à plusieurs quakers britanniques
au cours du XXe, est sur le point d'être rachetée par
les quakers français. (1)
Mais il s'agit là de points de détails qui ne remettent
nullement en cause l'intérêt et la valeur documentaire
de l'article en question.
Bien cordialement. »
André Jacquesson, le
27 avril 2003 Centre
quaker international de Paris
(1) "La Maison Quaker de Congénies
est redevenue la propriété de la Société
Religieuse des Amis (Quakers). L'acte de vente a été
signé le 7 mai 2003."
Dennis Tomlin, le
12 mai 2003
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