Jacques
Cecius
"Unitarisme: doctrine de certains groupes
dissidents de la Réforme qui niaient le dogme de la Trinité
parce qu'ils y voyaient un abandon du monothéisme".
(Grand Larousse Universel).
"Les solutions proposées
par les divers unitariens ont en commun une insistance très
forte sur le thème de l'unité divine et conduisent
à privilégier la nature humaine de Jésus-Christ".
(Encyclopaedia Universalis).
Le 15 avril de l'an de grâce 1539 une femme
de 80 ans, Hélène Weigel, montait sur le bûcher
à Cracovie, Après avoir pourri durant dix ans dans
une geôle ou elle avait été jetée à
la suite d'une dénonciation. Celle de l'évêque
du lieu en l'occurrence.
Elle croyait en l'Unité de Dieu. En conséquence
elle niait la Trinité. Elle rejetait en bloc les dogmes et
les rites de l'Eglise catholique. Avant que le bourreau ne mit le
feu aux fagots elle cria à la foule "l'âme de
celui qui reste dans la vérité ne saurait être
damnée".
Le 27 octobre 1553 le médecin espagnol Michel
Servet, condamné par les calvinistes genevois, subissait
le même sort. Il avait osé écrire qu'avant la
création du monde Dieu avait produit en lui-même deux
manières d'être, les "dispositions", qui
servaient de médiateurs entre Lui et ses créatures;
la première disposition étant le Verbe, le Logos,
uni à l'homme Jésus, né de la Vierge Marie
par la volonté divine. La deuxième, le Saint-Esprit
qui anime tout, et dont l'homme tient son propre esprit.
Servet niait l'essence
divine en trois personnes distinctes. Pour couronner le tout, à
l'instar des anabaptistes il prônait le baptême des
adultes. C'en était assez pour le faire mourir. Calvin approuva
la condamnation, déplorant toutefois que le bûcher
ne fut pas remplacé par la décollation, moins cruelle.
Le 15 novembre 1579, le premier évêque
unitarien de Transylvanie, Ferencz David, décédait
suite aux privations endurées dans la prison de Deva. Il
avait écrit sur le mur de celle-ci " Aucune force ne
peut arrêter ce qui est bien! ".
David était un pur judéo-chrétien. Durant son
procès il avait déclaré que les preuves de
la divinité de Jésus étaient des falsifications
du sens donné par le contexte historique.
Le 30 avril 1632, à Genève, le pasteur
Nicolas Antoine était garrotté par le bourreau et
son cadavre brûlé. Il avait prêché l'Unité
de l'essence divine, sans distinction de personnes; l'obéissance
à la Loi donnée par Dieu à Moïse sur le
Sinaï: la nécessité
pour le croyant de la circoncision, de l'observance du Sabbat et
l'abstention de viandes impures; que le Messie encore à venir
serait un homme; l'aberration de la doctrine du péché
originel; la responsabilité de chacun dans l'obtention du
salut; et que le Nouveau Testament est en partie contradictoire
avec l'Ancien.
Ces martyrs ne furent pas les
seuls dans l'histoire du courant unitarien. Ils n'avaient pourtant
fait qu'adorer le Dieu
de Jésus, son Père et le leur. Rien d'autre ne pouvait
leur être reproché.
L'Eglise romaine voudrait faire
croire qu'elle représente
le christianisme des origines. Rien n'est faux plus faux. L'histoire
démontre qu'elle fut une dissidence du christianisme des
temps apostoliques.
Après la mort de Jésus ceux qui avaient
vu en lui un prophète, et qui attendaient l'avènement
du Royaume promis, se regroupèrent en petites et libres communautés
qui n'avaient rien de commun avec les Eglises traditionnelles et
leurs théologiens. Elles rejetaient tout autre magistère
que celui de Jésus.
Ces communautés, parfois rivales, faisaient
partie intégrante du judaïsme dont elles respectaient
les prescriptions: circoncision: abstention de viandes réputées
impures, etc. Souvent elles reconnaissaient en Jacques le pilier
principal du judéo-christianisme parce qu'il avait été
le frère du Maître.
Pour ce qu'elles croyaient de
Jésus il suffit
de lire Actes 2, 22: "Homme israélites, écoutez
ces paroles: Jésus la Nazaréen, homme approuvé
de Dieu auprès de vous par les miracles et les prodiges et
les signes que Dieu a faits par lui… ".
L'opposition à Paul était générale
parmi les judéo-chrétiens. Mais elle ne dura pas très
longtemps: les adeptes de Jésus se trouvaient pris entre
le marteau et l'enclume: les Juifs souvent hostiles et l'ancien
rabbi originaire de Tarse. Le pagano-christianisme l'emporta vite.
Paul utilisait une dialectique séduisante, confortable, basée
sur la certitude du salut pour ceux qui croyaient en sa prédication:
le péché effacé par le sang de Jésus.
Tandis qu'eux n'accordaient guère d'importance à ce
qui n'était pas l'enseignement du Maître rapporté par
ceux qui l'avaient connu.
Il
faut tenir compte également d'un événement
tragique pour le peuple juif la destruction du Temple par les romains
en 70. Dès ce moment les judéo-chrétiens n'eurent
plus de centre spirituel. Une voie royale s'ouvrait devant Paul
et les pagano-chrétiens. Cependant quelques rares groupes
subsistèrent tant bien que mal, qui finirent par donner
naissance à l'ébionisme. Ebionite vient d'un mot hébreu signifiant "pauvre". Leur
doctrine se résumait en quelque sorte par le Sermon sur la
Montagne, texte qui, en grande partie, nous l'avons vu, se trouvait
déjà dans un texte apocryphe Juif, Les Testaments
des douze patriarches. Apparus au 1er siècle, les ébionites
continuaient à observer la loi mosaïque, notamment la
circoncision, et ne retenaient de la tradition orale qui commençait
alors à être couchée par écrit, qu'une
partie de l'Evangile de Mathieu.
Pour eux Jésus n'était nullement
Dieu incarné. Il était né comme tout un
chacun des œuvre d'un homme et d'une femme. Certes il avait
une autre stature que les humains ordinaires, mais s'il était
supérieur c'était uniquement par ses vertus et sa
qualité de prophète. Quant à savoir s'il
avait été le Messie, les ébionites ne se prononçaient
pas, laissant toute liberté aux fidèles.
L'ébionisme fini on ne sait trop pourquoi, par disparaître
sans bruit, se fondant dans d'autres communautés.
Au début du IVe siècle va naître
une "hérésie" qui fera trembler les détenteurs
de "l'orthodoxie chrétienne": l'arianisme, du
nom de son fondateur le prêtre Arius (256-336). Celui-ci,
qui était à la tête d'une des communautés
d'Alexandrie, jouissait d'une grande considération car il
était un prédicateur ardent et disposait d'arguments
solides.
Très vite il va se poser des question sur la
Trinité, et répandre des idées renouant, mais
dans une certaine mesure seulement, avec le judéo-christianisme.
Elles avaient le mérite, en tous cas, d'être plus claires
que celles des évêques. Le peuple ne s'y trompera
pas: nombreux seront
ceux qui joindront à lui, prêtres et laïques,
délaissant les doctrines qu'Arius dénonçaient
comme non conformes aux Evangiles. Il fut plusieurs fois anathématisé,
ce qui ne l'empêcha nullement pas de continuer à prêcher,
enregistrant alors tour à tout approbations et condamnations.
Arius niait la consubstantialité du Verbe.
Comme tant d'autres qui avaient préféré se
taire par prudence, il pensait que les explications sur la Trinité
étaient peu compréhensibles et qu'elles ne reposaient
aucunement sur l'Ecriture. Il niait avec force la personnalité
distincte, dans une seule nature, du Père, du Fils et Saint-Esprit.
Cependant il affIrmait que le Verbe avait créé le
monde. En cela était proche de Philon d'Alexandrie, dit le
Juif, qui considérait que l'infini ne pouvait entrer en contact
avec le fini, et qu'en conséquence il avait fallu que le
Verbe serve d'intermédiaire.
Ainsi,
pour Arius, le Verbe n'était pas consubstantiel au Père.
Celui-ci l'avait créé pour que naisse à son
tour la création. C'est sous l'aspect de Jésus qu'il
l'avait envoyé dans le monde pour sauver les croyants par
sa mort sur la croix. Jésus n'avait pas souffert en qualité
d'homme, mais en qualité de Dieu, dignité à
laquelle il avait été élevé par le Père.
Le fait d'être réellement le Fils de Dieu avait alors
remplacé son âme. Dieu, disait Arius, n'était devenu Père qu'en créant
le Fils, en
le sortant du néant. Il ajoutait que le Fils ne connaissait
qu'imparfaitement le Père.
Il subit donc les foudres "officielles"
malgré les justifications qu'il apportait à ses dires.
Il s'appuyait entre autre sur Mtt 24" 36: "Mais quant
à ce jour-là (celui de la tribulation), et à
l'heure, personne n'en a connaissance, pas même les anges
cieux, si ce n'est mon Père seul.", et aussi sur Mt
28,18: "Toute autorité m'a été donnée."
Si toute autorité avait été donnée
à Jésus c'est donc qu'il ne la possédait pas
auparavant! L'argument était imparable.
Arius fut appelé à comparaître
devant un "mini" concile réuni à Alexandrie.
Il fut excommunié, ce qui ne l'impressionna pas outre mesure,
puisqu'il persévéra dans ses "erreurs",
encouragé par un second petit concile qui se tint à
Nicodémie, et qui en était arrivé à
des conclusions opposées à celles du précédent.
Comme les choses ne s'arrangeaient
pas et qu'une bonne partie du peuple prenait parti pour lui,
il fut condamné
alors par le concile de Nicée, en 325. A la suite de cela
il fut envoyé en exil. Mais par la suite l'empereur Constantin
le rappela à Constantinople. C'est durant le voyage qu'il
mourut. Sa disparition n'arrêtant pas la progression de ses
idées il fallut réunir à nouveau un concile,
à Constantinople en 381, pour condamner une fois de plus
l'hérésie. Les ariens furent alors chassés
de l'Eglise.
Parvenues en Europe, les idées d'Arius furent
adoptées par le Visigoths, les Ostrogoths, les Bourguignons
et les Alamans. En Afrique les Vandales se convertirent. Ariens
et anti-ariens se mirent à s'étriper au nom de Jésus.
L'arianisme disparu au VIle siècle, après avoir été
à deux doigts de conquérir la chrétienté.
C'est au 16e siècle avec Lelio
Socin (1525-1562) et surtout son neveu Faust Socin (1539-1604),
que naît l'unitarisme moderne.
L'Italie n'étant pas propice à ses idées
sulfureuses, Lelio Socin s'enfuit pour pouvoir, croyait-il, vivre
calmement dans le Genève calviniste. Il dû vite déchanter.
Il parti alors à nouveau, pour la Pologne cette fois, où
il commençait à propager ses idées lorsqu'il
mourut prématurément.
Son neveu Faust avait hérité des écrits
de son oncle, mais prudent il préférait les ignorer
et mener belle vie à Florence. Il finit cependant par adopter
les idées de son oncle et parti pour Bâle afin d'y
répandre ce que l'on va vite appeler le socianisme. Mais
les autorités vont réagir rapidement, et Faust devra
s'exiler à nouveau pour s'installer en Pologne comme son
oncle l'avait fait, où en toute liberté il va publier
le "catéchisme de Racow" du nom de la ville ou
il avait choisi de résider.
Mais
la période de tolérance envers Socin va prendre fin.
Il devra se réfugier chez un noble acquit à ses idées
chez qui il décédera en 1604.
Jacques
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