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 Histoire
La riche et dramatique histoire des Frères polonais (chrétiens non trinitaires)
1565-1658


7) l'Académie de Rakow

Permettez-moi, avant de conclure, de dire un mot d'une des célèbres réalisations des Frères polonais.

Ces chrétiens non trinitaires n'ont jamais été très nombreux. Sur une population totale de sept millions et demi d'habitants de la République, le spécialiste Ambroise Jobert dénombre entre 20 et 40.000 Frères, répartis en un peu plus de 200 églises locales souvent très dispersées. Sauf en pays germanophone, les fidèles sont essentiellement des bourgeois cultivés et des nobles, sans grande assise populaire, ce qui constituera leur principale faiblesse.

Cependant, leur prestige national et international leur vint d'une petite localité située à une centaine de kilomètres de Cracovie, proche de Sandomir, Rakow. La bourgade avait été fondée de toutes pièces en 1569 dans une région déserte et boisée donnée par le Palatin de Podolie, Siéninski, aux premiers non trinitaires radicaux. Puis elle a vivoté.

En 1699, le fils du Palatin, Jean Siéninski, se convertit du calvinisme au socianisme. À son initiative, une nouvelle impulsion va être donnée à ce gros village campagnard. Désormais, les synodes des Frères s'y tiendront régulièrement, rassemblant jusqu'à 400 délégués auxquels se joignent de nombreux étrangers, hongrois, allemands, tchèques, hollandais et même français. Une grande église y sera édifiée, confiée au savant allemand Smalcius.

Mais c'est surtout à son imprimerie et à son Académie que la ville de Rakow, seule localité peuplée uniquement de non trinitaires, devra son renom et ses surnoms de "Jérusalem sarmate" ou de "Genève arienne".

Les presses de Rakow avaient été rapatriées de Cracovie où la persécution devenait trop pressante. Sous la direction d'Alexis Rodecki et de son gendre, on estime à 255 le nombre de volumes publiés. Sous un petit format et avec des caractères très lisibles, c'est toute l'œuvre de Socin et de ses disciples : Moscorovius, Przypkowsi, Wiszowaty (petit-fils de Socin), Schlichting, les allemands Crell, Völkel, Stegmann, etc…

Ces volumes furent colportés dans toute l'Europe et influencèrent allemands, hollandais et anglais, même après la disparition de l'Ecclesia Minor.

L'Académie, quant à elle, donnait une éducation universitaire très réputée, si bien que plus de mille étudiants s'y pressaient, y compris des calvinistes et des catholiques. Il n'existait nulle part en Pologne, d'enseignement de si haut niveau. Les études duraient cinq ans. Elle comprenaient la théologie, une solide formation morale, les mathématiques, les sciences naturelles et aussi les travaux manuels. L'astronomie y avait une place notable avec l'enseignement d'éminents disciples unitariens de Copernic, Kepler et Typho Brahé. Il était indispensable que le cursus soit complet, car les étudiants de Rakow n'étaient pas admis dans une autre université.

Après la disparition des Rakowiens, les étudiants secrètement enfuis à l'étranger constituèrent les meilleurs missionnaires pour la propagation et la survie des idées sociniennes. Ils portaient au cou la "Médaille de reconnaissance des Frères polonais" que plusieurs d'entre nous arborent encore aujourd'hui.

Albert Blanchard-Gaillard, historien  

Lire la suite dans :
" Persécutions et survie des idées "

 

 



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