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 Histoire
L'unitarisme vénitien


Jean Georgelin

L'Italie a été atteinte – qui l'ignore encore à ce jour ! – par la Réforme. De toute la péninsule, c'est la Vénétie – Venise et sa terre ferme, en gros huit départements français – qui a été la plus touchée. En sus de Venise, ont existé de solides noyaux d'hérétiques à Vicenza et Padoue.

Vicenza a subi l'influence de l'Allemagne ; quant à Padoue, dans sa célèbre université, elle a accueilli de nombreux étrangers venus de toute l'Europe. Venise est, au sens le plus strict du terme, la "New-York" de l'Europe, tant au point de vue économique qu'intellectuel : n'a-t-elle pas, au 16e siècle, publié le quart de ce qui fut édité en Europe ? Elle est avec Florence le centre intellectuel le plus important d'Italie, avec quelques traits originaux :
- une classe dirigeante cultivée qui conçoit la culture comme un instrument d'utilité publique;
- un État qui encourage les académies (tout ceci n'est pas incompatible avec la présence de la magie, jusques et y compris au sein des familles dirigeantes);
- dans la ville même, des réseaux d'hérétiques qui s'appuient sur les auberges, les prisons, les couvents, secrétant une diffusion capillaire très difficile à réprimer.

En terre ferme, la Réforme présente un autre visage, celui d'une protestation populaire, urbaine et rurale avec l'appui de quelques familles de haute noblesse, trait qui n'est pas sans rappeler le midi de la France à la même époque.

La religion "pure" n'a jamais existé… et dans ce cas précis elle se dégage de luttes profanes, entre autres de disputes pour la possession des marchés. En Italie, malgré la présence de l'Allemagne, la Réforme sera, entre 1530 et 1560, calviniste, d'autant que les Vaudois, aussi bien les italophones que les francophones, se convertissent au calvinisme.

Tout cela s'achève sur un échec.
À cause de l'Inquisition ?
Rien n'est moins certain car les pouvoirs de celle-ci sont limités, surtout en Vénétie. Ont joué des raisons plus profondes :
- là-même où sont influents les réformés, n'ont pas été modifiées les toutes puissantes structures d'assistance publique - hôpitaux, asiles - que tient en main l'Église;
- les couvents, riches, ont eux, partie liée avec les mêmes structures;
- enfin, le monde très soudé des communes s'est montré peu réceptif, tout comme en Allemagne.

D'autres causes ont été invoquées à tort : la passivité des italiens fustigée par Calvin, l'inventeur, contre eux, du vocable "Nicodémisme". Les réalités du moment ne militent pas en faveur de cette thèse : au début du 16e siècle, les italiens vivent dans un climat de profonde exaltation religieuse. On attend un pape "évangélique" ; on a peur de l'Antéchrist, etc. Enfin, l'Église se réforme au concile de Trente d'abord, et ensuite à la base. En témoigne, à Milan, l'œuvre de Saint Charles Borromée.

Reste un dernier problème : les hérésies non calvinistes.
- l'anabaptisme ? Il est en Vénétie, rural, sans lien aucun avec le calvinisme urbain. Encore mal connu à ce jour, il serait anti-trinitaire.
- l'anti-trinitarisme proprement dit, à Padoue, où il est autochtone, influence les polonais et les Transylvains présents dans la ville. D'où vient-il ? Est-il le fruit de l'imprégnation des idées d'Averroès ? Du rayonnement du grammairien Lorenzo Valla, pur représentant de l'humanisme italien ? On ne sait…

Jean Georgelin 

Note:
Ces quelques réflexion résument l'apport de l'historien Aldo Stella, et plus encore, celui d'Achille Olivieri, l'éminent spécialiste de ces problèmes, auteur d'une vingtaine d'articles. La forme impartie à cette contribution ne permet pas de les citer in extenso, dans les règles de l'art bibliographique.

 



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