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 Histoire
Fausto Socin (1540-1604)


Jacques Cécius

Lorsqu'on évoque l'unitarisme et le socianisme, souvent on pense qu'il s'agit d'une seule et même chose, ce qui est faux dans une grande mesure, comme nous allons le voir à propos du « Catéchisme de Rakow », même s'ils ont beaucoup de choses en commun.

Les idées sociniennes seraient, selon le « Dictionnaire des Hérésies dans l'Eglise catholique » (1), antérieures à Fausto Socin lui-même.  En effet, l'arianisme, cette « hérésie » qui faillit triompher aux IVe et Ve siècles constitue le point de départ des idées qui seront reprises par le théologien italien au XVIe siècle.

Vers la moitié du XVIe siècle déjà, des gentilshommes de Vicence avaient formé une société au sein de laquelle les idées unitariennes étaient étudiées et commentées. Mais elle ne dura que ce que durent les roses de « l'hérésie » quand Rome est en position de crosser les déviants, et elle fut dissoute par les autorités civiles à la dévotion (sic !) du Vatican. Certains de ses membres furent même exécutés d'une toute autre façon qu'on exécute une cantate de Bach…

Parmi ceux qui parvinrent à échapper à ce triste sort, Lelio Socin, oncle de Fausto, qui s'enfuit en Helvétie où les calvinistes ne lui offrirent pas une hospitalité des plus  chaleureuse comme on peut le penser. Il parti donc pour la Pologne où il fut mieux accueilli, et pu même y prêcher ses idées antitrinitaires. Mais, au cours d'un déplacement à Zurich il décéda prématurément en 1562, âgé seulement de trente-sept ans.

Son neveu Fausto avait hérité de ses écrits mais,  prudent, évita de les répandre là où il vivait, c'est à dire à la cour de Florence. Imitant en cela son oncle, il prit le parti de se rendre en Suisse où, comme on s'en doute, il ne faut pas non plus reçu à bras ouverts par les rigides disciples de Calvin. Il s'en alla donc lui aussi pour la Pologne, plus exactement à Racow. Des anciens du groupe de Vicence l'accueillirent chaleureusement, et l'aidèrent à mettre en ordre les papiers de son oncle. Il écrivit le fameux « Catéchisme de Rakow », quasiment mis le même pied que la Bible par les sociniens d'alors.

Que dit ce catéchisme ? 

La Bible est la seule règle de foi, mais ne peut être comprise qu'à la lumière de la Raison - la Trinité, la divinité de Jésus, le péché originel, les effets des sacrements, l'éternité des peines, les mystères et les miracles sont à rejeter - de même pour la création par la seule volonté de Dieu, la prescience divine,  la Providence - chacun est libre de penser ce qu'il voulait de Jésus : Fils de Dieu, Logos, etc… parce que formé dans le sein de Marie, vierge, par le Saint Esprit et que Dieu lui a alors insufflé son Verbe. Cependant, pour Socin il est tout aussi bon de croire qu'il est le fils de Joseph et de Marie, mais alors divinement inspiré. La mort de Jésus est un exemple pour les hommes, mais nullement une expiation pour un péché originel qui n'existe pas. En conséquence il ne peut être adoré comme Dieu. Enfin, à l'encontre des Réformateurs, Fausto Socin insiste sur les œuvres qui assurent la salut. Il ne retient que le baptême par immersion  et la cène comme sacrements, ceux-ci étant des aides utiles pour vivre sa foi. Rien de plus. Quant à la justice rétributive, elle peut déboucher soit sur une privation de Dieu, soit sur des peines plus cruelles. Cela étant, ces peines ne sont pas éternelles. Enfin la résurrection de la chair est rejetée comme étant incompatible avec la raison.

Fausto Socin était « objecteur de conscience » comme nous dirions aujourd'hui. Il interdisait "d'ester" en justice, d'exercer une fonction judiciaire, de prêter serment. Il était enfin un adversaire convaincu de la peine capitale.

Les Pères de l'Eglise, tant latins que grecs, les conciles, le clergé et l'Eglise romaine en général il les considérait comme ayant été, ou étant, inutiles.

Particulièrement tolérants, les adeptes de Socin donnèrent à leurs groupes la plus grande autonomie, tant en matière d'organisation que de doctrine, chaque croyant devant faire appel aux lumières de sa raison.

Fausto Socin crut un moment avoir réussit à unifier le protestantisme en Pologne. Il dû déchanter et se réfugia chez un ami dans la région de Cracovie, où il décéda à l'âge de soixante-cinq ans.

Les sociniens continuèrent cependant à faire des émules, notamment dans les milieux intellectuels. Mais catholiques et protestants réalisèrent un oecuménisme contestable pour les persécuter. Il ne leur resta plus qu'à se disperser dans d'autres pays, Angleterre, Allemagne, Hollande, etc. Cependant là où ils s'établissaient les Eglises officielles firent prendre des mesures contre eux.

Comme l'écrit Hervé-Masson « C'est ainsi que si le socianisme n'existe plus en tant que confession distincte, il est loin d'être mort idéologiquement. Il a été et reste à la proue de toutes les écoles « déistes ». »

Pour terminer signalons une erreur que l'on trouve parfois, comme chez Jean-Charles Pichon (2) et qui consiste à présenter Lelio et Fausto Socin comme deux frères.

Le socianisme  est l'œuvre de Fausto, le neveu, le premier n'ayant fait que de mettre au point un embryon de doctrine.

Jacques Cécius

(1) Hervé-Masson, Sand éd.,  1986.
(2) « Histoire universelles des sectes et sociétés secrètes », Lucien Souny éd., 1993. 

 

 



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