1) le contexte
On a peine à imaginer, aujourd'hui, que la Pologne ait été,
pendant plus d'un siècle, le pays le plus tolérant –avec
la Transylvanie- en matière de religion. L'Angleterre et
la France se déchiraient par des guerres religieuses, l'Italie
et l'Espagne éliminaient les Protestants, tandis que ces
derniers suppliciaient les antitrinitaires, les spirituels ou les
libéraux,
et les anabaptistes.
La Pologne fit exception pour des raisons structurelles
et conjoncturelles.
Tout d'abord, la "République Sarmate",
comme on la nomme à cette époque, est immense : près
de trois fois la Pologne actuelle. Elle se compose de l'assemblage
problématique, en la personne de son souverain, du Royaume
de Pologne et du Grand Duché de Lituanie, soit la Pologne
actuelle, la Lituanie, la Biélorussie et la plus grande
partie de l'Ukraine.
Ce territoire très étendu, peu
peuplé, couvert
de forêts, est difficile à contrôler par le
roi. Les magnats locaux y sont très puissants. Aussi laisse-t-on
aux différentes régions une grande autonomie, surtout
en matière religieuse, comme le fit jadis l'empire romain.
La République est, à l'Ouest, catholique romaine,
mais à l'Est
orthodoxe. Il y aussi des Tatars musulmans, de nombreux juifs,
des Arméniens et des contrées encore païennes.
L'union étatique
oblige à respecter les préférences religieuses
des diverses ethnies, ce qui procure une cohabitation pacifique
proche de la tolérance. Malgré quelques bavures,
la Pologne est, au XVIe siècle, un des rares exemples d'État
pluriconfessionnel.
Le roi de Pologne est élu à la
fin de chaque règne
précédent, selon des modalités variables.
Le fils du souverain décédé peut lui succéder,
mais ce n'est pas automatique. De plus, il doit compter, en une
sorte de troïka, avec le Sénat et la Diète des
Nonces : en conséquence, il est bien loin du pouvoir absolu.
Malgré les
pressions de Rome, il ne peut imposer ses vues en matière
religieuse, et, pour l'unité du Royaume, il est le protecteur
de toutes les religions et courants qui respectent sa souveraineté.
Les
familles nobles sont très jalouses de leurs libertés
locales. Elles n'acceptent pas d'ordres des dignitaires religieux
qu'elles considèrent comme des fonctionnaires inférieurs.
Sur leurs domaines, ces nobles se réservent le droit de
pratiquer le culte de leur choix. C'est par leur canal que s'introduira
la
Réforme en Pologne, luthérienne d'abord dans les
villes germanophones, calviniste plus généralement
(on dit : de la Confession helvétique), enfin de manière
non négligeable sous la forme "antitrinitaire",
appelée
improprement "arienne".
L'autorité religieuse
des Grands Seigneurs favorise l'implantation des courants minoritaires,
mais aussi les conditions de leur disparition dès qu'ils
ne sont plus soutenus par une famille puissante. Albert
Blanchard-Gaillard,
historien
Lire la suite dans :
"
La
Réforme en Pologne "
" Les
chrétiens non trinitaires "
" L'Ecclesia
Minor "
" Fauste
Socin "
" Théologie
socinienne "
" L'Académie
de Rakow "
" Persécutions
et survie des idées "
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