Jean Georgelin 
            Georges Minois, Histoire de l’athéisme
                  des incroyants dans le monde occidental des origines à nos
                  jours.
            Ed. Fayard 1998, 677 p.             - L’athéisme
              antique 
              - Le Moyen-Âge  
              - La Renaissance  
              - Le XVIIe siècle  
              - Le XVIIIe siècle  
              - La Révolution  
              - Le XIXe siècle  
              - Notre époque  
              - Un bilan ? 
            Un éminent historien rennais
              qui a déjà beaucoup
              publié sur les religions, nous donne un livre qui fera date
              et mérite d’être discuté amplement dans
              les églises chrétiennes. Si le plan manque parfois
              de rigueur, l’érudition est imposante, l’objectivité,
            l’impartialité ne manquent pas. Point totales cependant. 
            Il
              va de soi que le terme d’“athéisme” qui
              a une connotation
péjorative, pose un redoutable problème de vocabulaire : il a pu
pendant des siècles désigner les dieux de la cité. Il convient
de déplorer à notre époque, les ambiguïtés,
pour ne pas dire les escroqueries de certaines enquêtes d’opinion
qui font dire à des catholiques qu’ils sont à la fois athées
et catholiques. En fait ces jeunes gens et ces jeunes filles sont des “panthéistes”.             L’athéisme antique    
            Ceci admis, il faut convenir que l’antiquité a connu
              des athées
    authentiques, dont le plus connu a été Démocrite, tenant
    du matérialisme, doctrine aujourd’hui détruite par les
    progrès
    de la physique quantique. Ceci avait été fort bien perçu
    par le grand physicien H. Poincaré, cousin du chef d’Etat, à la
    veille de sa mort, en 1916. Que tant de philosophes, point tous marxistes,
    puissent encore, 80 ans après, se dire matérialistes, passe
    l’entendement
    ! En fait, dans l’antiquité, l’athéisme est resté fort
    minoritaire. Georges Minois dit même… “extrêmement
    rare” (p.
    66). 
            Un certain consensus, au niveau des philosophes, s’établissant
      autour du panthéisme. Quant à Socrate, il a penché vers
      l’agnosticisme,
      mais c'est avec son disciple Platon, que s’opère pour la première
      fois, une dénonciation philosophique de l’athéisme,
      sur un thème appelé à une grande fortune : son immoralité. 
            En
        ces matières, nul ne pouvant être neutre, la philosophie
        de Platon a cautionné la lutte contre les athées. 
            Le stoïcisme,
          lui, pose plus de problèmes : un athéisme ? ou un
          courant religieux? Georges Minois penche pour un panthéisme
          matérialiste.
          Le Sophos stoïcien serait le surhomme, ou homme divin.
          Thème
          appelé à avoir
          la fortune que l’on sait au 19e siècle.  
            Quant à Épicure            et Lucrèce,
              s’ils ne croient pas en la survie de l’âme
            (et ils ne sont pas les seuls à cette époque), il semble
            difficile de les enrôler sous la bannière de l’athéisme.
            Vers l’an
            400, l’empire s’effondre en Occident… Suit une
            période
            marquée par la disparition des procès d’impiété.
            L'auteur y voit la preuve de sa généralisation. 
            On se
              permettra de n’être
              point d’accord. Il conviendrait aussi de tenir compte de la
              profonde corruption des institutions judiciaires, sensible dès
              l’an
              200, d’autant
              que l’auteur admet : “dans l’empire la frontière
              entre athéisme et croyance est aussi floue que de nos jours
              ; enfin, cet athéisme
              antique manque de contenu : l’athéisme intégral
              tel que nous le concevons aujourd’hui, a besoin d’une
              armature scientifique et conceptuelle que la culture d’alors
              ne pouvait lui offrir” (p. 67)               
            Georges Minois pense même que le caractère hybride
              de cet athéisme
              antique expliquerait le triomphe du christianisme. Cela apparaît
              discutable: les vieilles croyances polythéistes, grecques
              et romaines traversaient alors une crise extraordinaire. À Rome,
              deux augures
              ne pouvaient plus se rencontrer
              sans rire. Et le désir d’une religion monothéiste était,
              lui, profondément ressenti au point qu’à Rome,
              dans l’aristocratie,
              les femmes “judaïsaient” beaucoup. Mais le judaïsme
              répugnait à la
              majorité des romains, par suite du sabbat et de la circoncision
              pour lesquels ils n’éprouvaient que mépris.
              L’essor
              d’un judaïsme était
              dès lors assuré : “le christianisme est un
              essénisme
              qui a réussi” (E. Renan). Jugement d’autant
              plus remarquable qu’au moment où il fut formulé,
              nos connaissances sur la secte de Qoumran étaient des plus
              minces. 
            Le Moyen-Âge     
            Arrive le Moyen-Âge. Aujourd’hui
              est désuète la problématique
              de Lefebvre, à savoir que l’outillage conceptuel de
              l’époque
              interdit l’athéisme. Entre temps nos connaissances
              sur les cathares ont beaucoup progressé et les registres
              de l’inquisition à Montaillou,
              popularisés par E. Le Roy Ladurie, ne laissent
              pas la place au moindre doute. Plus précisément les
              inculpés
              se situent “au
              confins de l’athéisme” (p. 92). 
            Alors que dire
              des gens instruits ?… Deux zones sensibles émergent
              lors de la Renaissance intellectuelle, du Bas-Moyen-Age : les universités
              et les régions de contact entre
              islam et christianisme. Est-ce un hasard si l’un des bastions
              de l’unitarisme
              en Europe est la Transsylvanie ? 
            L’essor des universités
              médiévales, inséparable
              d’une redécouverte des manuscrits grecs et donc de
              la pensée
              d’Aristote, place le christianisme devant un redoutable problème
              : car le grand philosophe n’admet pas l’éternité du
              monde ni l’immortalité de l’âme. Aux 11e-13e
              siècles
              on est donc bien loin d’un paisible unanimisme de la foi.
              Et ce n’est
              pas un hasard si, dès le 11e siècle, Anselme, par
              son argument ontologique, énonce une des premières
              preuves de l’existence
              de Dieu. Le “Docteur Angélique”, Thomas d’Aquin,
              deux siècles
              plus tard, dans sa “Somme théologique”, peaufine
              Anselme. 
            Rien n’y fait, Guillaume d’Occam anéantit
              les cinq preuves avancées
              par Thomas d’Aquin. Au 15e siècle, avec le grand mystique
              rhénan,
              Maître Eckardt dont l’influence est si profonde
              sur la spiritualité de
              son temps, l’on est aux portes du nihilisme. 
            L’Eglise
              doit mener une offensive “tous azimuts”. Dès
              1336, ce sont les premières réactions contre les
              fêtes populaires
              urbaines. Les “gogliards”, ces étudiants “renie-Dieu” du
              14e siècle, encore si mal connus, inquiètent fort
              les prédicateurs.
              Plus grave encore apparaît le mépris contre les sentences
              d’excommunication,
              même en milieu populaire urbain plus surveillé. Bref,
              pour parodier tel livre célèbre de R. Pernoud, il
              faut en finir avec le Moyen-Âge, tout au moins avec ses images
              tronquées. 
            La Renaissance    
            Qu’en est-il de la Renaissance ? La problématique
              de Lefebvre est abandonnée. Et dans la diffusion des idées
              hétérodoxes,
              voire athées, Padoue joue un rôle essentiel, mal connu
              dans le détail,
              car la prudence s’impose : “le vrai choix de Pomponazzi,
              comme de ses contemporains ne nous est pas connu” (p. 114)
              et cela vaut tout autant pour Léonard de Vinci : qu’a-t-il été exactement
              ? un stoïcien
              ? un panthéiste ? un impie, à en croire son biographe
            contemporain Vasari ? Comment le savoir ? 
            Les cours royales sont
              aussi contaminées : “toutes
              les autorités réformatrices désigneront l’entourage
              des rois comme des repaires d’athéisme” (p.
              115). Les étudiants,
            les comédiens sont également suspectés.             “Le Cymbalum mundi” de Bonaventure des Périers est rédigé en
              1537. 
              À la même date est rendu public le premier des dix édits
              de la monarchie contre l’athéisme blasphématoire
            dans les armées. 
            Certes, la prudence s’impose car le
              terme “athée”, tout
              comme “fasciste” au 20e siècle a pu ne relever
              que de l’insulte
              vulgaire. Mais on ne peut que prendre acte que c’est au cours
              de la première
              moitié du 16e siècle que fleurit pour la première
              fois le mot “athée”. La présence irréfutable
              d’athées à Paris,
              Orléans, dans le Béarn et dans la plupart des régions
            de France est donc attestée dès 1560 (p. 140).  
            En
              Corse, vers 1565-1615, les jésuites se demandent si l’île
              a été seulement
              christianisée, vu le nombre d’insulaires qui vivent
              en état
              d’athéisme, sans aucune référence au
              divin. L’encadrement
              clérical semble y avoir été singulièrement
              déficient,
              tout comme en d’autres régions de France où a
              joué aussi
              l’abus des excommunications. Suivent quelques pages bienvenues
              de Georges Minois, quant au témoignage décisif de
              Calvin, pourfendeur de toutes les incroyances, du déisme à l’athéisme
              et même
              du panthéisme naturaliste. Bref… “le 16e
              siècle
              a été marqué par
              la grande tentation de l’athéisme” (p. 151).             
            C’est après
              1570, que sévit la répression judiciaire tout comme
            la propagande anti-athée, par la plume.             Le XVIIe siècle    
            Le 17e siècle hérite d’un
              lourd héritage. Les mémoires
              du Père Coton, le jésuite confesseur d’Henri
              IV, publiées
              post mortem attestent des progrès de l’incroyance à la
            cour royale ! 
            Un autre milieu est également contaminé :
              les médecins. Quand
              bien même le Père Mersenne exagère en avançant
              le chiffre de 50.000 athées. Dans la capitale, il faut le
              reconnaître,
              et Mersenne est un savant haut de gamme, le phénomène
              est difficile à cerner, à cause
              du monde libertin que l’on ne saurait confondre avec l’athée.
            Il est lui-même rien moins qu’homogène.  
            Les
              luttes entre jansénistes
              et jésuites stimulent, elles aussi, les progrès de
              l’incroyance.
              Dès les années 1660, on constate un nouveau bond
              en avant de l’incrédulité,
              où l’Angleterre tient bien sa place. Mais le plus
              grand savant de l’époque, et à en croire ses
              pairs, le plus éminent
              de tous les temps, Newton, est chrétien unitarien. Leibniz,
              le plus grand qu’ait produit l’Allemagne moderne, est
              lui, chrétien orthodoxe.             
            On considère que la révolution scientifique, commencée
              en Ionie, un siècle avant notre ère, s’achève
              en 1687 avec les principes de Newton. Il n’y a donc pas incompatibilité (ce
              que Georges Minois ne dit pas assez) entre science et christianisme épuré.
              Rappelons que le grand savant du 20e siècle, Einstein
            est croyant.              Pour être
              totalement objectif, il convient de préciser les méfaits
              d’un
              certain cartésianisme. “Lorsque Voltaire accuse
              Descartes de conduire à l’athéisme,
            il n’a pas entièrement tort” p. 259.  
            Mais il
              n’y a pas
              que la science, … l’esprit critique de l’époque
              porte les esprits au déisme et à l’athéisme,
              par le biais de l’étude des livres saints. Rien qu’en
              langue française,
              en Europe de 1695 à 1700, paraissent 55 éditions
              de la Bible. “C’est
              entre 1690 et 1730, que l’initiative change de sens. Le progrès
              des études bibliques joue en faveur du déisme et
              bientôt
            de l’athéisme” (p. 270).             
            L’Angleterre est
              là encore en tête du mouvement
              soit. Mais ce que ne dit pas Georges Minois (et on ne peut que le
              regretter) c’est que dans
              le monde catholique tout au moins, il est un grand exégète,
              Richard Simon, contraint au silence par un homme de valeur, Bossuet.
              Une erreur payée
            très cher…  
            Au début de notre siècle,
              Albert Schweitzer ne peut que constater l’effrayant
              retard de l’église catholique
            en matière d’exégèse.             Le XVIIIe siècle    
            Le 18e siècle a débuté par
              l’étonnant mémoire
              de 1209 pages de l’abbé Meslier, mort en 1729,
              qui circule sous le manteau. Pourtant Meslier inquiète toujours
              même les plus hardis.
              Au 19e siècle les éditeurs n’osent pas le publier… “ce
              ne sont pas seulement les audaces impies du curé qui poussent
              les intellectuels à prendre
              leurs distances, c’est aussi la lourdeur et le caractère
            rustique de son style qui rebutent” (p. 307). 
            Rien désormais
              n’arrêtera les progrès de l’incroyance,
              que l’on peut juger à l’aune des assemblées
              du clergé français,
              passant du désarroi entre 1750 et 1775, à la panique
            de 1775 à 1782. 
            Et les ateliers clandestins des copistes
              témoignent par leur nombre, d’une
              demande forte qui élève les prix. Mais que d’ambiguïtés
              demeurent :  “              
              Les rapports entre déisme et athéisme
              sont très
              confus au 18e et cette confusion est encore accrue par les jugements
              divers émis
              sur les ouvrages de leurs partisans” (379). Une fois de plus
              le catholicisme tridentin, par sa rigidité doctrinale encourage
            les positions extrêmes. 
            Morelly prend acte du fait que les
              pays protestants ont moins d’athées.
              La saine critique biblique y est certainement pour quelque chose.
              Mais à cette époque
              le fait dominant, c’est l’émergence d’un
              matérialisme
              athée, fort bien analysé par Georges Minois. (On ne
              saurait confondre les deux, car Dieu a fort bien pu créer
              une matière
              pensante, comme Voltaire n’a pas manqué de le faire
              observer dès 1734). Son
              plus ferme soutien est d’Holbach, dont la figure reste
              cependant énigmatique,
              malgré son abondante production : 10 volumes sans compter
              440 articles dans l’encyclopédie, avec son traité : “Qu’est-ce
            qu’un athée ?” (1770). 
            L’athéisme
              est désormais
              adulte, avec une philosophie -le matérialisme-, une science
              -le mécanisme-
              une morale -la loi de nature. Pourtant ce 19e siècle l’a
              dédaigné, à cause
            de ses faibles bases scientifiques. 
            En 1800, Sylvain Maréchal, en
              publiant son Dictionnaire des athées, donne à l’athéisme
              ses lettres de noblesse. Il est désormais un fait banal.
              Mais il n’est pas le
              seul vainqueur de la décomposition religieuse contemporaine,
              tout comme en notre fin de siècle, Le désir de Dieu,
              hors des églises, génère
              un déisme porté vers l’ésotérisme,
              l’occultisme,
              le spiritisme, la Franc-maçonnerie. Et là, pour des
              esprits éclairés,
              a pu jouer un certain effroi devant les conséquences de
              l’athéisme,
              dont on devine dès cette époque qu’il peut
              mener au nihilisme…  
            Napoléon
              en internant Sade, craint moins ses polissonneries que son négativisme.
              Les dictateurs sont parfois clairvoyants.             La Révolution    
            À la charnière de ces deux siècles,
              c’est la tourmente révolutionnaire
            qui voit l’irruption de l’athéisme populaire. 
            Convient-il
              de s’y attarder longuement ? Nul aujourd’hui, la recherche
              ayant progressé, ne peut en douter. Cette flambée
              n’a pas été dictée
              de l’extérieur, sauf peut être à Paris.
              Dominent la haine de la confession, et surtout de la confession
              féminine, considérée
              comme un instrument de pouvoir aux mains des prêtres. L’attaque
              antireligieuse démontre que le peuple en de nombreux endroits, à Paris
              comme en province, est déjà “détaché”.             
            Du reste la déchristianisation a commencé dès
              1789. Chez les Sans-culotte de la capitale, domine l’athéisme
              pratique ; car ils sont éloignés
              aussi bien de l’athéisme théorique que du déisme.
              Rien ne prouve qu’ils aient suivi Robespierre dans son grand
              discours du 21/11/93 contre l’athéisme, jugé “aristocratique”,
              et plus encore qu’ils aient adhéré, ne fut-ce
              que de coeur, à la
            grandiose fête de l’être suprême. 
            Le
              XIXe siècle                La Révolution a laissé des traces durables
              ; le 19ème voit
              la montée de l’athéisme pratique, combattant.
              En Bassin parisien, et même en Bretagne, dès 1825-30,
              certaines enquêtes sont
              accablantes. Malgré les progrès de la sociologie
              religieuse, on n’a toujours pas d’explication globale
              de ce fait majeur de l’ancienne
              France : le contraste entre les régions “détachées” et
            les “fidèles”.  
            Sur tout le territoire c’est
              l’implantation
              durable de la libre-pensée, avec parfois des gestes provocateurs,
              le célèbre
              cochon du vendredi. (On se gardera cependant de confondre Libre
            Pensée            et Athéisme). 
            Si le matérialisme a été le
              fait majeur du 18e siècle,
              cent ans après, il passe le relais à un autre grand événement
              : l’apparition des grandes philosophies athées, avec
              A. Comte, Feuerbach, Schopenhauer. Mais Hegel, non seulement
              n’est
              pas athée (je suis d’accord
              avec G. Minois), mais, fort de la lecture de sa correspondance,
              on peut assurer qu’il est chrétien, peut-être à l’image
            de Newton, unitarien.  
            Mais avancer, comme le fait l’auteur
              que toute la postérité de
              Hegel est athée ne résiste pas à l’examen.
              Et l’Italie
              ? En vérité ces penseurs de grande classe qu’ont été Hegel
              et Thomas d’Aquin, ont eu des postérités de
              droite, de centre et de gauche. Il n’est pas jusqu’au
              marxisme qui ne révèle
              quelques ambiguïtés : si Marx est un athée tranquille,
              Lénine,
              un matérialiste ferme, Jaurès, lui, se veut spiritualiste.
              À la veille de sa mort il ne désavouera toujours
              pas ses thèses où il
              s’est affirmé tel. À la fin du siècle,
              l’athéisme
            semble avoir le vent en poupe.  
            Et pourtant… cent ans après,
            il piétine. 
            Notre époque    
            Notre époque vit d’abord sous
              le signe de l’incertitude. 
              En 1989, le C.N.R.S; a diligenté une enquête auprès
              des responsables de ses unités de recherche : 110 se déclarent
              croyants, 106 incroyants et 23 agnostiques. Mais pour une recherche
              probe, combien d’autres
               
            douteuses ? … 
            On ne peut pas trop s’attarder sur l’ambiguïté du
              terme “athée”.
              Car les panthéistes ne manquent pas. En fonction de la question,
              le nombre de ces athées varie du simple au décuple,
              sur fond d’incohérence.
              En 1997, on l’a déjà dit : 32 % des catholiques
              ne croient pas en Dieu… En 1939, l’un des premiers
              sondages Gallup, à New
              York démontrait que, tel jour, 40 % des américains
              estimaient que la politique étrangère du nazisme
              menaçait l’Allemagne
              potentiellement ; mais le lendemain, 60 % pensaient qu’Hitler était
              dangereux ! Une question personnalisée change tout … 
              Aussi, loin de ces escroqueries -c’est le terme qui convient-
              on évoquera
              avec toute l’attention qu’elle mérite l’enquête
            du sociologue Girardi, qui distingue 5 niveaux de perception : 
            
              • A- L’athéisme assertorique : Dieu est nié, 
• B- L’athéisme agnostique : le problème est insoluble. 
• C- L’athéisme sémantique : la question n’a
                      pas de sens. 
• D- L’athéisme pratique : on vit comme s’il n’y
                      avait pas de Dieu. 
• E- L’athéisme de Spéculation pratique : l’existence
                  de Dieu n’a pas de conséquence sur le comportement.  
                         On est loin
              du caractère illusoire, de “l’invraissemblable confusion” (p.560)
              des sondages évoqués ci-dessus. 
              Un autre sociologue, E. Pin, a bien disserté sur les 3 passages
              possibles à l’athéisme
            : 
            
              • A- Le milieu : là jouent la déchristianisation préexistante,
                les lectures, les loisirs, les difficultés de l’existence
                ; 
• B- L’absence totale de formation religieuse 
• C- L’hypocrisie des croyants.  
                         
            Enfin on doit à A. Vergote
                une approche pénétrante des raisons du passage à l’athéisme
              : 
            
              • A- L’effroi devant le sacré. 
• B- La défense contre le “magique”. 
• C- La désacralisation du monde; là, le christianisme peut être
                      responsable : Dieu est trop haut; science et technique peuvent jouer dans le
                      même sens. 
• D- La méfiance devant l’affectivité. 
• E- l’existence du mal dans le monde, perçue tout d’abord
                      par les jeunes. 
• F- La sexualité ; la plénitude qu’elle peut assurer,
                      peut générer une absence totale de besoin spirituel; 
• G- La guerre, qui peut jouer dans le même sens que la sexualité. 
• H- Enfin, l’image d’un Dieu héritée de l’enfance. 
                         
              
            Un bilan ?    
            Au
      bout de ce talentueux voyage au bout, non de la nuit, mais de vingt-cinq
                siècles
                    d’histoire, peut-on dresser un bilan ?              Sans aucun doute l’auteur
                l’admet : les religions ont résisté mieux
                que prévu.
                L’athéisme est peu organisé, sans beaucoup
                d’adhérents.
                Certes, il n’est pas exclu que la crise des églises établies
                n’y soit pour quelque chose : elles n’effraient plus
                et donc ne nourrissent plus comme au 19e siècle des contre-églises
              libre-penseuses. (Libre-penseuses et non toutes athées.) 
            Mais
                cette explication est en elle même un peu courte : la science
                peine à s’affirmer
                ; 11% des français ne croient-ils pas aux fantômes
                ? 21% à la
                réincarnation, 46% à l’astrologie ? Là on
                se permet de regretter que les recherches sur l’au-delà n’aient
                pas été citées,
                entre autres celles de F. Brune . G. Minois objectera qu’on
                peut croire en la survie de l’âme sans adhérer à l’idée
                de Dieu. Et Nietzsche en est l’illustration. Mais
                ces enquêtes
              sont une pierre dans le jardin de l’athéisme. 
            Bref…”Le
                religieux ne disparaît pas” (p
                578). 
              Il n’est pas exclu que se réalise la prévision
                de J. Delumeau : le maintien d’un christianisme minoritaire,
              mais rajeuni…             
            Jean Georgelin. Evangile et liberté   
            Georges Minois, Histoire de l’athéisme
                  des incroyants dans le monde occidental des origines à nos
                  jours. Ed.
                  Fayard 1998. 677 p. 
           Sur notre site, du même auteur : 
            - Les millénarismes au haut Moyen-Âge               
              - 
            L'unitarisme vénitien  
           
              
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