Pierre-Jean Ruff
Autour de l'an 1000, tout l'Occident
est traversé
par une contestation de l'église catholique : de ses croyances
comme de ses pratiques. Michel Roquebert évoque à
ce sujet une nébuleuse hérétique. Cette opposition
se cristallisera dans le sud de l'Europe au travers de l'émergence
des églises bogomiles (les amis de Dieu) et des églises
cathares.
Le terme cathare (purs ou encore
adorateurs du chat, donc sorciers) a été usité avec dérision
par les détracteurs de la nouvelle église. Eux, les
cathares, s'appelaient seulement les bons chrétiens.
De même, par dérision, on a appelé
leurs prêtres les parfaits, alors qu'eux ne s'appelaient
que les bons hommes et les bonnes dames.
Les bons Hommes sont donc les
prêtres, mais
aussi les religieux des églises cathares.
Avec une compétence spirituelle impressionnante
pour cette époque et un zèle admirable, malgré
les persécutions, ils sillonnaient clandestinement les routes
du Languedoc, des Pyrénées et du Quercy pour réunir
les fidèles, enseigner et consoler les membres de ce qu'ils
appelaient la véritable église.
Jusqu'à l'instauration contre eux des croisades
et surtout de l'inquisition, leur succès auprès de
la population occitane fut sans appel.
La théologie cathare était libérale
et novatrice. En revanche, leur conception de l'église était
complexe. Elle empruntait des aspects classiques et médiévaux
au catholicisme environnant (adhésion à la succession
apostolique et au pouvoir spirituel exceptionnel des prêtres)
et les associait à des pratiques ecclésiales novatrices.
Ainsi :
- S'inspirant du courant théologique johannique
et des églises gnostiques des premiers siècles, ils
ordonnaient les femmes comme les hommes, avec les mêmes prérogatives,
même si, pour ne pas heurter les sensibilités, elles
n'exerçaient ces fonctions que lorsque les hommes étaient
dans l'impossibilité d'y pourvoir.
- Le statut de clerc n'était pas réservé
à un petit nombre. L'objectif était que le plus grand
nombre possible entre en religion, les prêtres étant
conjointement des religieux.
- Comme dans l'église catholique, les prêtres
- religieux faisaient vœu de pauvreté et de chasteté.
Ils étaient également astreints à une alimentation
végétarienne, en relation avec leur croyance en la
réincarnation des âmes.
- Il n'y avait chez eux ni ermites,
ni couvents importants, ni d'ordres contemplatifs, mais des petites
communautés d'hommes
ou de femmes, insérées au milieu des bourgs, avec
une mission importante d'accueil, d'enseignement, de soins médicaux
et d'apprentissage professionnel. On les appelait les maisons cathares.
- Les lieux ecclésiastiques ne comptaient pas
pour les cathares. Ils pratiquaient une vie cultuelle dite de proximité.
Ni églises, ni abbayes.
- Les cathares ne connaissaient
ni punitions, ni anathèmes,
donc pas de tribunaux ecclésiastiques ou d'organisation disciplinaire.
Leur sacrement, le consolament, ne concernait que la vie personnelle.
Leur foi en un salut généralisé appelait certains
à un nouveau démarrage existentiel. Il n'excluait
jamais définitivement.
- Enfin, chez eux, on entrait
souvent en vie religieuse après avoir vécu dans le
monde, ayant eu famille et enfants. Leur célibat ecclésiastique
n'avait de loin pas les mêmes conséquences que le célibat
catholique, pour eux personnellement comme pour leurs églises.
Pierre-Jean Ruff, le
5 octobre 2003
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