Françoise Leclerc
J’ai toujours
rêvé d’entendre frapper trois fois à la
porte du Temple et de voir entrer Lucifer, le porteur de Lumière,
beau, svelte comme un danseur, tenant, le bras tendu, la Lumière,
celle qui fut créée par la Parole de Dieu
Mais oublions
Lucifer car il fut déchu ; il devint Satan,
Prince des Ténèbres. Du Zénith où il
rayonnait, il fut jeté tout au fond du Nadir. Son beau
nom n’apparaît plus que comme l’esprit du mal.
Double
nature, destin antithétique qui évoque les
contraires, les complémentaires, le rythme à deux
temps de la vie à la mort,
du passé à l’avenir,
du blanc au noir…le pavé mosaïque.
Car, à vrai
dire, on ne peut parler de lumière
sans évoquer son contraire, l’ombre, le noir, les
ténèbres qui, dans le langage courant, recèlent
des valeurs négatives. On dit : « il est d’humeur
sombre », « il a une pensée obscure »… « une
ténébreuse affaire »…On parle de « noirs
desseins », de « bête noire », « de
broyer du noir »…Le noir, c’est la nuit, la
mort, le néant qui préexiste à la vie et
conclut celle-ci. Toute naissance aboutit à la mort. On
ouvre les yeux à la lumière de la vie ; on ferme
les yeux aux ténèbres mystérieuses de la
mort.
Et pourtant, la nuit contient la promesse du jour, comme
l’hiver
celle du printemps. La vie se prépare dans l’obscurité du
ventre de la terre où la graine d’apparence morte
va germer pour renaître au soleil en superbes moissons.
C’est
dans le noir absolu de l’uterus que le bébé prend
forme et vie, si bien que, au-delà de ce symbolisme négatif,
murmurent de secrets espoirs de renaissance, de métamorphoses,
d’autrements indicibles.
L’ombre et le noir évoquent insécurité,
désordre, mensonge, faute, punition mais aussi mystère
de l’inconnaissable, capital de tous les possibles
C’est
le mage ou le devin aveugle, Tiresias, qui a la voyance des vérités
cachées et peut révéler
les évènements à venir comme si l’accès à la
connaissance la plus mystérieuse passait par le noir.
Quant à la
lumière, on lui attribue des valeurs
positives et bienfaisantes. On devient maçon en recevant
la Lumière. On dit : « un discours lumineux », « faire
la lumière sur tel problème », « éclaircir
un différend », « éclairer sa lanterne »…La
lumière secrète des images rassurantes et dynamiques
: soleil, ordre, vérité, accord, savoir, évidence,
bonheur.
Mais il est vrai cependant qu’elle brûle
aussi comme le feu. Elle brûle les insectes qui la touchent
et, symboliquement, elle brûle les hommes qui s’appropriant
le savoir et le pouvoir, se prennent pour Dieu lui-même.
Icare, grisé par la puissance de son vol, s’approchant
trop près du soleil, fit fondre la cire de ses ailes et
tomba dans la mer.
La lumière a donc un revers négatif
et de dangereux écueils…comme
l’ombre – nous l’avons vu – a ses côtés
positifs. L’absolu n’est pas de ce monde ni en Bien
ni en Mal.
Vive l’harmonisation des contraires, comme dirait
Hermès
en regardant son caducée.
Françoise Leclercq |