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 Spiritualités
Faut-il réhabiliter les païens ?

Jean-Claude Barbier

Simon le magicien a-t-il vraiment péché par « simonie » ?

Simon vivait en Samarie, Dieu merci, loin des rabbins soupçonneux de Jérusalem. En cachette d’eux, il avait fait venir des livres d’Orient, écrits par des mages babyloniens, les grands savants de l’époque. Il s’était un peu ruiné en argent, mais il avait gagné en prestige social - il était maintenant le lettré du village ! Et puis, il rattrapait un peu de son argent en faisant payer les consultations. Les uns et les autres venaient le voir pour savoir le jour heureux où ils pouvaient partir en voyage sans risque, la date favorable pour les fêtes familiales, et bien d’autres choses encore. 
Comme les gens sont inquiets du lendemain, de leur destin, du futur, de l’au-delà ! Simon réussit si bien que la rumeur courrait que ses pouvoirs lui avait été directement accordés par Dieu. Il cachait ses livres pour que la rumeur continuât. C’était la gloire.

Mais lorsque vint Philippe, l’un des sept Hellénistes qui avaient été choisis par les Douze pour le service des tables, fuyant la persécution à Jérusalem contre les judéo-chrétiens venus d’Antioche, la foule abandonna Simon pour suivre le missionnaire. Pauvre Simon ! Il pensa alors qu’il valait mieux suivre le mouvement et accepta à son tour le baptême fait au nom de Jésus. Et comme il était quand même sincère, il vit bien que Philippe réussissait et il était en émerveillement. Il le suivait partout, comme un serviteur. Lui, le grand magicien, il accepta d’être le second de quelqu’un de plus grand que lui. Une sorte de Jean le Baptiste. Philippe acceptait sa présence.

Tout alla bien jusqu’au jour où les apôtres, Pierre et Jean, vinrent de Jérusalem pour superviser le travail de Philippe. Ils virent que celui-ci avait seulement baptisé au nom de Jésus. Or, depuis la Pentecôte, les apôtres avaient décidé de compléter le baptême en imposant les mains afin de donner l’Esprit que Jésus avait promis d’envoyer. Cet Esprit faisait trembler du haut en bas tout ceux qui le recevaient - un long frémissement qui parcourait tout le corps et faisait soupirer d’aise ; ou bien encore une saisie des épaules pour une brève convulsion qui laissait tout pantois. Simon, l’opportuniste, vit tout de suite que les nouveaux venus étaient les vrais chefs et Philippe qu’un sous-fifre. Il se brancha sur les chefs, plus grands magiciens que ne l’était Philippe. Tout le monde se fit rebaptiser, Simon y compris.

Il se mit à suivre les apôtres comme il avait suivit Philippe. Un peu lèche cul sur les bords le Simon ! Il crut avoir gagné leur confiance et commit alors l’erreur qui lui fut fatale. Se crut-il un moment leur égal, ou du moins dans un rapport de confiance ? Crut-il que c’était comme avec les mages babyloniens ? Voilà qu’il leur proposa de l’argent pour acquérir le droit de faire la magie des judéo-chrétiens. Mal lui en pris, car les apôtres n’avaient reçu aucune révélation à son sujet et considéraient cette imposition des mains comme leur privilège. Il y avait les apôtres, les serviteurs des tables, et les autres chrétiens ; déjà une hiérarchie cléricale ! Devant ses chefs, Philippe ne broncha pas, n’esquissa aucun geste pour intercéder en sa faveur.

Simon se fit vertement rabrouer comme un malpropre, alors qu’il avait aidé à  l’évangélisation en secondant Philippe, en lui servant de guide. Pire, les apôtres en colère le menacèrent de mort rapide, celle qui foudroie, celle que donne le Dieu tout-puissant lorsqu’il y a faute grave. Ils l’injurièrent en lui disant que son cœur était mauvais. Il ne dût la vie sauve qu’en se jetant à leurs pieds. Il était terrifié, le pauvre Simon. Se repentant publiquement, acceptant avec toute l’humilité dont il était capable la sentence des apôtres. Simon le magicien continua néanmoins à respirer mais il sortit de la geste des apôtres par la petite porte …Luc l’écrivain (Actes, 8 : 9-25) ne lui fit pas de cadeaux !

Depuis, les chrétiens, sans nulle enquête à son égard, évoquent sa soi disante « simonie » chaque fois qu’un religieux s’enrichit abusivement avec des rituels magiques qu’ils nomment maintenant « sacrements ». Pourtant, lui-même, ne s’était guère enrichi … et puis, il avait tout perdu avec l’arrivée des judéo-chrétiens : considération sociale et consultations ! Il fut un peu jaloux de la Samaritaine aux cinq maris perdus, qui, malgré son péché manifeste, avait quant à elle gardé un bon souvenir du passage du rabbi Iéshoua’. Ah ! si tous les missionnaires ressemblaient à celui-là !

Aujourd’hui, faut-il réhabiliter nos païens des Saintes Ecritures ? N’avons nous pas été trop souvent injustes à leur égard ? Suivant comme des partisans la sentence des premiers chrétiens à leur égard, sans penser une seconde qu’un procès historique est toujours susceptible de révision…Etre chrétien, n’est-ce pas pourtant être amoureux de la justice et savoir reconnaître l’autre dans sa personne, dans son identité, quelle qu’elle soit ; ne pas le juger à priori. Ne rejetons plus nos païens !

Jean-Claude Barbier, chrétien unitarien, le 7 octobre 2003 

 


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