Daniel Barraud
Plusieurs grandes religions monothéistes,
et ce n'est pas vraiment étonnant, réservent une
place non négligeable à la
figure de Jésus. L'islam notamment. Mais est-il imaginable
que des athées s'intéressent à lui? Jésus
accueilli par des athées alors que des croyants de différentes
religions se disputent encore à son sujet.
La diffusion dans
le grand public d'un recueil reconstitué de
paroles de Jésus, qui formerait le texte d'un évangile
aujourd'hui perdu, mais dont nos évangiles porteraient la
trace, a trouvé un large écho il y a quelques mois
(L'Evangile inconnu, Frédéric Amsler, Labor et Fides
2001).
Cet "Evangile inconnu" sans récits de la
naissance extraordinaire de Jésus, sans miracles, sans le
tragique de la croix et sans l'incroyable de la résurrection
suscite un grand intérêt parmi nos contemporains.
Jésus
est alors considéré comme un maître de sagesse,
il énonce de fortes paroles qui ne sont pas sans écho
dans le cœur de l'homme d'aujourd'hui. Il prononce le sermon
sur la montagne… Le sage est une figure qui ne se démode
pas. De plus, les préceptes de sagesse ont une place dans
toutes les religions.
Cette dimension universelle, dans un monde
brassé et métissé comme le nôtre, est
séduisante. La sagesse, dénominateur commun, que
nous pouvons rechercher ensemble. L'idée a de quoi séduire,
d'autant plus que Dieu n'est plus forcément nécessaire
sur cette voie là!
Illustration : Au détour d'un pieux voyage sur Internet, lieu
de pèlerinage
de certains pasteurs d'aujourd'hui, vous pourriez visiter le site
des athées pour Jésus (Atheists
for Jesus). Ceux-ci
se définissent comme athées, c'est-à-dire
qu'ils ne croient ni à la probabilité de Dieu, ni à sa
possibilité. Ils ne se considèrent pas chrétiens
et ne croient pas à la divinité de Jésus.
Cependant, ils ont un grand respect pour son enseignement. Ce
respect ne repose
pas sur la croix, sa mort et sa supposée résurrection,
mais sur son enseignement tel qu'il est illustré par le
sermon sur la montagne. Selon ces athées, une religion basée
sur ces principes serait acceptable pour un très grand nombre
de gens. Elle offrirait des repères moraux et éthiques
nécessaires pour atteindre "a good life".
Cette
idée n'est pas nouvelle. La figure d'un Jésus
pédagogue et législateur plutôt que sauveur
existait déjà au 18e siècle. Par exemple,
John Toland qui, en 1718, dans son ouvrage Le Nazaréen,
ou le Christianisme des Juifs, des gentils et des Mahométans critique l'apôtre
Paul qui, selon lui, a engagé le christianisme dans une
autre direction que celle de la révélation primitive.
L'auteur interprète l'Evangile comme continuation de la
loi selon l'enseignement de Jésus. Lui aussi refuse la divinité de
Jésus.
Au moment d'entrer dans la Semaine de prière
pour l'unité des
chrétiens, peut-être n'est-il pas inutile de se souvenir
que Jésus n'appartient à personne. Cependant, que
nous soyons croyants ou athées, il peut nous rapprocher
au lieu de nous diviser…
Daniel Barraud
La Vie protestante,
Genève
Article du 15.01.2003 paru dans la rubrique Dossier
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