Émile Auquier
Voici avril et voici mai. Le
printemps est venu, sans bruit. Tout beau, tout neuf. Simple
comme le bonheur. Homéopathiquement,
pourrait-on dire, mais fermement, il a pris place, il s'est installé
partout, dans les moindres recoins de la nature, de la brindille
à la branchette, des champs à la forêt, du ruisseau
à la brise, du ciel à la terre, et en nous.
Le sol s'est réchauffé. La pluie est
encore là, me direz-vous. Oui ! Mais c'est pour faire germer
la graine ! L'hiver humide, froid et engourdissant s'en est allé.
Il n'a pas gagné la partie et il ne la gagnera jamais. Il
a voulu nous emprisonner mais les barrières se sont mises
à craquer, la vie a triomphé de la mort. Ce n'est
pas pour rien que la fête de Pâques coïncide avec
le retour du printemps.
L'aveugle plein d'effroi que
j'étais et qui
s'était perdu dans sa propre maison, le serviteur du centurion
que j'étais et qui râlait dans Capharnaüm, le
paralytique que j'étais, à qui Jésus n'avait
pas encore ordonné de se lever et de retourner dans sa maison,
les joueurs de flûte et les pleureuses se lamentant au fond
de moi-même, le mal de vivre, la lassitude, l'abattement,
la tristesse que j'hébergeais au-dedans de moi...
Fini le temps de l'égarement
et de l'errance lorsque l'on ne sait pas où l'on va. Voici
le temps de la marche avec les valises, le guide, les repos et les
nouveaux départs, les escalades et les sommets et les marches
dans la plaine.
Seigneur, tu as vaincu la mort et tu as fait
briller la Vie avec un grand V pour nous qui étions assis
dans les ténèbres et l'ombre de la mort.
Dans le grand concert de la
nature qui se réveille,
le Seigneur est celui qui te donne la vie sous toutes ses formes.
Il t'ouvre les oreilles: écoute sa voix et le chant des
oiseaux.
Il te touche de sa grâce: sens la douceur de sa présence
et les chauds rayons de son soleil.
Sors de ton engourdissement, de ta paralysie, marche dans ses sentiers.
Aère-toi et débarrasse-toi de tout ce qui te gène,
mets-toi au large, sors de toi-même, relève-toi de
ta torpeur et de ton abattement et va te promener avec le Seigneur
et de désaltérer à Sa Source.
Il a rendu la force et la sérénité
au pèlerin qui était tout près de lâcher
son bâton et de se coucher dans le fossé. Il t'a rendu
l'ivresse de marcher dans la bonne senteur des mois printaniers
et la douceur de voir la haute fumée qui dit la fin du jour
et le repas servi. Et si, dans tout cela, le temps se couvre, si
l'orage parfois éclate, nous avons notre Guide, notre Phare.
C'est un temps de repos, un temps d'épreuve peut-être
qui nous est imparti. Mais la vie est là qui a repris ses
droits et nous gardons confiance dans le Christ, notre printemps,
notre Pâque, notre passage de la mort à la Vie. Avec
Lui, nous pouvons marcher sans peur sur les chemins du monde en
proclamant son amour et notre délivrance.
Non, ce n'est pas pour rien
si la fête de la
Résurrection coïncide avec le retour du printemps, lorsque
la vie reprend ses droits. Je connais une personne qui est née
le jour de la fête pascale. Pour elle, c'est chaque fois une
interpellation personnelle et une espérance.
Émile Auquier
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