Michel Théron
Qu’il est beau ce visage, d’un sourire soudain illuminé.
Tout le gris pressenti des jours anciens y disparaît. Si
cela pouvait toujours durer… – Mais ce sourire maintenant,
pourquoi le perdre, pourquoi cet air maussade ? Pourquoi
n’es-tu pas comme avant ?
Ou bien serait-ce de ma faute ? Qu’est-ce que j’ai
fait ? Je n’ai pas mérité cela, pourtant…
Pourquoi est-ce que ce n’est pas toujours parfait ?
Ô
vous mes yeux, et les tiens et les miens, soyez toujours rieurs,
sourieurs. Donnez-moi toujours des spectacles bénis. Resplendissants
comme neige au soleil. Ne m’abandonnez pas. Je n’aime
pas l’autre visage, le visage gris, triste et soucieux.
Que le Visage soit toujours glorieux. Vieillir, accepter le temps
qui passe, le sillon des rides, je ne le veux pas. Que toujours
me sourie la Vie…
Ces moments-là sont si beaux… Ils sont même
si beaux qu’ils font peur. Ils transpercent, clouent sur
place, pénètrent d’effroi. Car ils ne
savaient que dire, l’effroi les ayant saisis…
– Alors,
si on s’arrêtait, s’immobilisait, et si on
dressait sa tente, enfin, à jamais. Arrête-toi,
Moment... Instantané, photo du bonheur. Ne bougeons plus…
–
Crois-tu ? Est-ce que c’est juste ? Pourquoi
poser des conditions ? Ne sois pas si gourmand. Tu ne peux
tout avoir, toujours. Et toujours voir. Aux éclairs et
aux miracles il faut survivre. Aussi tu n’es pas raisonnable.
Attends un peu… Attends, un peu.
Le brouillard tombe. Tout
disparaît dans la nuée. – Maintenant,
si tu fermais les yeux, entendais la Voix…
Celui-ci est
mon bien aimé, écoutez-le…
Cette voix est
tout ce qui te reste, et assurément ce
n’est pas rien. Le bonheur, le sourire, tu ne peux pas
les voir toujours. – Mais y croire et te le dire, cela,
au moins tu le peux. Tu as maintenant le savoir, et le souvenir.
Ils t’accompagneront, tels un viatique, sur ta route à venir :
car tu ne peux pas rester à l’arrêt, tu dois
marcher. Redescendre de la montagne, voilà ce qu’il
faut. Je te donne ici le secret.
Écoute donc…
Tu as vu ?
Donc, désormais et pour tout l’avenir, écoute.
Evangile de Marc, chapitre 9,
2
Six jours après, Jésus prit avec lui Pierre, Jacques
et Jean, et il les conduisit seuls à l’écart sur une haute
montagne. Il fut transfiguré devant eux ;
3 ses vêtements devinrent resplendissants comme la neige, et d’une
telle blancheur qu’il n’est pas de foulon sur la terre qui puisse
blanchir ainsi.
4 Élie et Moïse leur apparurent, s’entretenant avec Jésus.
5 Pierre, prenant la parole, dit à Jésus : ‘Rabbi, il
est bon que nous soyons ici ; dressons trois tentes, une pour toi, une pour
Moïse, et une pour Élie.’
6 Car il ne savait que dire, l’effroi les ayant saisis.
7 Une nuée vint les couvrir, et de la nuée sortit une voix : ‘Celui-ci
est mon Fils bien-aimé : écoutez-le !’
8 Aussitôt les disciples regardèrent tout autour, et ils ne virent
que Jésus seul avec eux.
9 Comme ils descendaient de la montagne, Jésus leur recommanda de ne dire à personne
ce qu’ils avaient vu, jusqu’à ce que le Fils de l’homme
fût ressuscité des morts…
|