retour petite gazette
 Histoire
La liberté spirituelle - Spiritual Freedom


Pourquoi publions-nous ce texte ?

William Ellery Channing (1780-1842), pasteur, fit partie des libéraux qui s’insurgèrent contre la doctrine calviniste au nom d’un humanisme optimiste : la capacité humaine universelle pour exercer une bienveillance altruiste, l’existence d’une morale intérieure à la nature humaine où Dieu a inscrit son message, l’importance de réfléchir par soi-même et ne pas se contenter de répéter ce que d’autres, fussent-ils célèbres, ont pu dire et écrire auparavant, la non allégeance d’emblée aux institutions, etc

En 1819, à l’occasion de l’ordination d’un collègue à Baltimore, Channing prononça un célèbre sermon, « Le christianisme unitarien », où il préconisa une exégèse biblique résolument appuyée sur la raison et les sciences et où il remit en cause, notamment, le dogme trinitaire. Ce sermon fit date comme le début de l’unitarisme américain.

Le texte ci-dessous, « La liberté spirituelle », reproduit un sermon dont le vocabulaire est marqué par son temps certes (1830), mais représentatif d’une nouvelle tendance spirituelle américaine : c’est un véritable hymne aux capacités de l’homme ayant une vie intérieure, il confirme son orientation humaniste, résolument centrée sur l’homme. Mais si son humanisme a indéniablement ouvert la voie au transcendantalisme du philosophe Ralph Waldo Emerson, W.E. Channing se tint également à distance de ce mouvement qui posait le christianisme sur le même pied que d’autres spiritualités ou philosophies.

La même année, lors d’un voyage en Inde, il dénonça l’esclavage mais, par nature peu porté à la controverse, il ne fit pas chorus avec les « abolitionnistes ». Par ces dénonciations de la guerre, son traitement des problèmes du travail et ses conceptions de l’éducation, il fait partie des figures sociales de son époque.   

 

« Il a plu à la sagesse du Tout Puissant de nous situer dès la naissance dans les difficultés et les tentations, de nous placer dans un monde où faire le mal est souvent profitable et où le devoir s’avère difficile et dangereux, où de nombreux vices viennent à contre-courant des injonctions de notre conscience profonde, où le corps appuie lourdement sur l’esprit et où la matière, qui agit en permanence sur les sens, s’interpose entre nous et le monde spirituel. Nous voilà situés au sein d’influences menaçantes pour le cœur et l’intellect, et être libre, c’est leur résister et les vaincre.

Je nomme libre cet esprit qui maîtrise les sens, qui se défend des appétits animaux, qui dédaigne plaisir et chagrin par rapport à sa propre énergie insinuée dans le corps, et qui reconnaît sa réalité propre et sa magnificence, qui parcourt la vie non pas en se demandant que boire ou manger, mais bien plutôt dans la soif et la faim et la quête de la droiture.

Je nomme libre cet esprit qui se défait des liens avec la matière, qui, loin de s’arrêter à son environnement matériel, pour s’y emprisonner, le dépasse en direction de son Auteur, et découvre les aides nécessaires à son illumination spirituelle dans les signes radieux qui partout témoignent de l’Esprit infini.

Je nomme libre cet esprit qui préserve jalousement ses droits et puissances spirituels, qui n’appelle maître aucun homme, qui ne se contente pas d’une foi passive ou héritée, qui s’ouvre à la lumière d’où qu’elle vienne, qui accepte une vérité neuve comme un ange venu du ciel, qui, prenant l’avis des autres, creuse plus l’oracle lui-même et use des instructions venues de l’extérieur, non pour écraser ses énergies propres mais pour les hâter et les exalter.

Je nomme libre cet esprit qui ne limite pas son amour, qui n’est pas emprisonné en lui-même ni dans une secte, qui reconnaît en tout être humain l’image de Dieu et leurs droits étant ses enfants, qui se réjouit de la vertu et sympathise avec la souffrance, où qu’on la découvre, qui maîtrise orgueil, colère, paresse, et s’offre pour la cause de l’humanité en victime volontaire.

Je nomme libre cet esprit qui n’est pas passivement dirigé par les circonstances externes, qui n’est pas balayé par le torrent des évènements, qui n’est pas le jouet des pulsions accidentelles, mais qui plie les évènements vers le mieux et qui agit mû par un élan profond partant des principes immuables qu’il a délibérément adoptés.

Je nomme libre cet esprit qui grâce à la confiance en Dieu et au pouvoir de la vertu, s’est défait de toute crainte hors celle de faire le mal, qu’aucune menace ou danger ne peut aliéner, qui reste calme dans le tumulte et reste sous contrôle alors que tout le reste est en perdition.

Je nomme libre cet esprit qui résiste aux chaînes de l’habitude, qui ne se répète pas mécaniquement, recopiant les choses passées, qui ne vit pas sur les vieilles vertus, qui n’est pas l’esclave du règlement en oubliant ce qu’il recouvre, qui est à l’écoute des avertissements de la conscience ; et se réjouit de contribuer à de nouveaux et enrichissants efforts.

Je nomme libre cet esprit qui est jaloux de sa propre liberté, qui prend garde de se laisser immerger chez les autres, qui maintient son empire sur soi-même comme supérieur en noblesse à un empire sur le monde.
Finalement, je déclare libre cet esprit qui, conscient de son affinité avec Dieu, et confiant en ses promesses à travers Jésus-Christ, se dévoue fidèlement au déploiement de toute sa puissance qui outrepasse les limites du temps et de la mort, espérant progresser perpétuellement, et fonde une force inépuisable à la fois dans l’action et la souffrance, en prévision de l’immortalité.

Voici la liberté de l’esprit que Christ est venu nous procurer. Elle met l’accent sur la force morale, le « self-control », l’élargissement de la pensée et du sentiment, et sur l’exercice illimité de nos meilleures possibilités. C’est ici la qualité suprême du christianisme, telle que nulle autre ne paraisse la supplanter dans le don de Dieu.

Je sais bien que nombreux sont ceux pour lesquels ceci paraîtra une issue bien trop raffinée pour être proposée comme cible à la société ou au Gouvernement, mais notre scepticisme ne peut modifier la nature des choses.

Je sais combien cette liberté est peu comprise et pratiquée, combien les hommes sont esclaves de la sensualité et de leurs passions, et du monde; et je sais aussi que cet esclavage les détruit et que tant qu’il durera, aucune institution de la société ne peut leur procurer le bonheur.»

William Ellery Channing, « La liberté spirituelle » (Spiritual Freedom) a été traduit en français par Christian Phéline (avril 2007).   

 

 



 Histoire
 Eugène Goblet d'Alviella
 Karl Jaspers (1883-1969)
 bûcher de Nicolas Antoine
 Condorcet (1743-1794)
 Mateo Gribaldi à Farges
 Henry David Thoreau
 Sommes-nous informés ?
 Spiritual Freedom
 prendre du recul
 le christianisme unitarien
 Tolstoï, l'excommunié
 une cité sous contrôle
 la responsabilité de Calvin
 le manifeste de Sixena
   les Frères polonais:
 1 : le contexte
 2 : la réforme en Pologne
 3 : les non trinitaires
 4 : l'Ecclesia Minor
 5 : Fauste Socin
 6 : théologie socinienne
 7 : académie de Rakow
 8 : persécutions et survie
 paroles gelées
 le catéchisme de Rakow
 Fausto Socin
 l'unitarisme vénitien
 les millénarismes
 un combat pour la liberté
 les cathares
 Pierre Bayle
 Michel Servet
 Théodore Monod
 Schweitzer, unitarien ?
 Zweig et Schweitzer
 Schweitzer écrit à Bœgner
 Lelio Sozzini (Socin)
 la Réforme en abrégé
 Jan Huss
 Huldrych Zwingli
 Jehan Calvin
 la liberté de conscience
 Sébastien Castellion
 Martin Luther
 Jacques Gruet
 Luther, Locke et les autres
 l'unitarisme, ses origines
 Renan et le protestantisme
 l'athéisme dans l'histoire
 confessions de Puylaurens


Profils de libertés

Nous apportons notre appui à toutes démarches visant à lutter contre
le totalitarisme,
le sectarisme,
la xénophobie,
le fondamentalisme et l'intégrisme
de toute obédience.

Un site engagé

De bric et de broc

« Résister, c'est rêver qu'un autre monde est possible. Et contribuer à le bâtir. »

           Ignacio Ramonet