Albert Schweitzer (1875-1965) à Karl Jaspers (1883-1969) 
            Très
              honoré confrère, 
            Je ne peux pas m’empêcher
              de vous écrire pour
              vous dire la grande impression qu’à faite sur moi
              votre article « Sommes-nous véritablement informés
              ? ». Vous avez touché la racine même de cette
              maladie indifférence à laquelle les hommes de notre
              temps se laissent aller. Une opinion publique avertie ne peut se
              former, parce que nous ne sommes pas en mesure de nous rendre compte
              de ce qui se passe.  
            Nous sommes maintenus dans l’ignorance.
              Nous n’apprenons rien de ce qui se trame et se décide
              dans les coulisses. Il faut avoir du temps et de la volonté pour
              s’intéresser à la marche du monde et réussir à se
              faire une opinion à peu près objective.  
            La presse
              est devenue un pouvoir en soi, bien qu’elle soit dans l’incapacité de
              nous informer selon la vérité. Il est important que
              quelqu’un comme vous ait traité cette question de
              la véracité de l’information qu’on veut
              bien nous donner.             Avec mes meilleurs pensées, votre dévoué 
            Albert
              Schweitzer, Lambaréné le 10 mai 1963 
            P.S. Nous avons
              en commun d’être à la fois médecin
              et penseur et de ne pas savoir souffrir la bombe atomique !  
            (Theologischer
            und philosophischer Briefwechsel, C. H. Beck, 2006) 
             
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