Pierre A. Bailleux Certaines églises de type charismatique ou
évangélique (qui possèdent, elles, la Vérité)
impressionnent depuis quelque temps les journalistes et certains
hommes politiques de la région parce qu’elles savent
vendre leur produit. Après le couplet rituel sur le fait
que les églises de la Réforme (les autres) sont vides,
on s’extasie sur les méthodes dynamiques de ces églises,
sur le militantisme qui s’y développe, sur l’argent
qui est récolté honnêtement chaque mois. Ça
marche et c’est ce qui impressionne. Mais cela peut donner
à penser !
La première question à se poser, c’est
de savoir si ce qui marche est le critère de vérité.
Si c’est le cas, j’ai encore quelques idées à
proposer aux responsables belges, américains ou africains
de ces églises.
À noter qu’elles ont toutes déjà
été exploitées dans l’histoire récente
du christianisme et qu’il en est certainement d’autres
encore à inventer !
On pourrait par exemple n’engager que des top
models comme prédicateurs,
dessiner les habits liturgiques qui mettent en valeur le sex
appeal de ceux qui les portent, évangéliser
au moyen de jolies filles lancées en pâture à
la Doudingue, convertir un champion de sport à la mode et
le faire produire au stade Reiff,
promettre qu’on trouvera du travail à tous ceux qui
accepteront de faire partie de ces églises en question, etc…
La tentation du succès mondain existe toujours
et partout et c’est un vrai miracle que le message de Jésus
puisse encore interpeller malgré tous ceux qui, depuis vingt
siècles, ont voulu et veulent en faire une multinationale
dont le chiffre d’affaire serait en constante progression
ou simplement une PME à succès.
Est-ce alors qu’il faut tout mettre en œuvre
pour que les églises soient misérables, peu fréquentées,
sans attrait ? Nullement. Il convient simplement de réfléchir
à notre engagement en terme de succès et d’insuccès.
Les protestants ont reçu une tâche : être des
témoins. Ils doivent l’être au plus près
de leur conscience, dans la cohérence la plus grande possible
avec ce qu’ils vivent et proclament, en mettant le mieux possible
à profit leurs charismes. Il leur appartient de semer et
d’arroser, pas de faire croître.
Regardons du reste à ce que nous pouvons savoir
du ministère de Jésus de Nazareth. Il semble bien
qu’il n’ait pas tellement cherché à attirer
les foules par des moyens accrocheurs. Lorsque certains disciples
voulurent le quitter, il ne semble pas avoir fait grand chose pour
les retenir. Et finalement ils l’ont quasiment tous abandonné.
Jésus a été fidèle à la mission
qui était la sienne et ne s’est pas lamenté
quand son taux de succès était faible sinon nul.
Franchement, le fondateur de la maison n’avait
pas le sens des affaires. Il avait pourtant un bon produit. Aujourd’hui
on lui ferait suivre une école de biblical management, il refuserait certainement, mais il n’en serait
pas moins mort sur une croix !
Pierre A. Bailleux, 1996
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