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 Utopies
Libres propos d’un chrétien anarchiste

Jacques Herman

Je suis un chrétien anarchiste. En clair, je me tiens à l’écart de toute institution religieuse en général et chrétienne en particulier. Ni la structure pyramidale du catholicisme romain, ni les systèmes presbytéro-synodaux issus de la Réforme, ni même les assemblées autocéphales ou les dénominations les plus farouchement indépendantes n’exercent le moindre attrait sur ma conscience chrétienne.

La question fondamentale, bien au-delà de toute considération théologique, concerne le besoin d’identification à un groupe ou une institution. La participation à une collectivité est rassurante. Elle exerce une fonction protectrice un peu semblable à celle que l’on observe dans la formation stratégique des “tortues” au sein de l’armée romaine ou dans les grands rassemblements politiques qui regroupent des milliers de militants, ou dans l’ombre bourgeoisement feutrée des clubs anglo-saxons.

Je ne sais pas si la nature a horreur du vide, mais je suis convaincu que l’homme craint par dessus tout l’isolement ou la solitude. L’homme est un animal grégaire. Il cherche depuis l’aube des temps à s’affilier à des courants, des cercles, des associations, des clubs, des cénacles, des institutions, des partis, des groupements. Soit.

Tout cela ne poserait aucun problème si chaque atome constitutif partageait les convictions, les idées, les opinions, des autres atomes.
Mais il n’en est généralement rien. Alors si l’on a un peu d’intelligence, on essaime, on divise, on sépare et si l’on en manque, on ferme les yeux pour ne plus voir et les oreilles pour ne plus entendre et on se fond dans la masse parce que l’on préfère les perspectives rassurantes du groupe aux risques des affirmations autonomes.

Pour assurer la cohésion du groupe, il est impératif qu’il y ait à sa tête une autorité suffisamment intelligente pour s’adapter aux circonstances et que cette autorité exerce très effectivement une ascendance sur chacun des individus qui composent le groupe. Sans cette ascendance, tout s’écroule. On retrouve ce pouvoir d’ascendance dans le couple patient-médecin en psychiatrie. Sitôt que le patient a pu démonter ce mécanisme d’ascendance dans le couple dominant-dominé, toute thérapie est caduque. Le domaine de l’hypnose s’avère aussi à cet égard parfaitement exemplaire.

J’affirme ici que l’on peut être chrétien en dehors de toute autorité, de toute appartenance, de toute dénomination, de toute Eglise et de toute église. J’affirme que la foi chrétienne appartient à la conscience de l’individu seul, totalement détaché des dogmes, des contraintes, et des usages de toutes les institutions qui se réclament du christianisme.
Bien sûr, j’appartiens au courant du christianisme libéral. Mais je ne suis membre ni d’une association libérale, ni d’une Eglise libérale. Je refuse tout facteur de structuration institutionnelle. Je n’ai d’autre fondement chrétien que mon étude personnelle du texte biblique et les interprétations personnelles qui en dérivent.

Pourquoi dis-je que je suis un chrétien anarchiste?
Tout simplement parce que je rejette les intransigeances doctrinales autant que les jalons de lecture imposés par une autorité. L’anarchiste n’est pas quelqu’un qui professe le désordre ni, a fortiori, un quelconque terrorisme. Au sens étymologique du terme, l’anarchiste est un individu qui refuse toute ligne directrice et qui ne se reconnaît pas dans une structure idéologique, philosophique, religieuse ou politique.

Je m’accorde donc le droit de penser que Jésus (dont l’historicité me paraît, jusqu’à un certain point, sujette à caution) est l’une des figures emblématiques de son époque. Le message qu’on lui attribue me convient globalement assez bien en dépit de certaines réserves. Si ma conscience m’oblige à envisager, ne serait-ce que par pure hypothèse de travail, une épaisseur historique de Jésus, j’affirme haut et fort que je ne crois pas plus en sa nature divine qu’en la divine nature de mon voisin de palier, de mon collègue ou de mon épicier. Je rejette pareillement la virginité mariale et la résurrection des morts.

En revanche, je puis m’autoriser à une lecture symbolique du mythe Jésus tenant à l’écart toute velléité historique. Dans une telle perspective, la transposition de l’épopée christique dans le mythe d’Hiram au 3e degré maçonnique est à tous égards exemplaire. Mais la manifestation de la Tradition par le truchement de l’initiation ne relève en rien de l’orthodoxie théologique et ce n’est ici ni le lieu ni le moment d’aborder cette thématique pourtant très significative et très chargée d’enseignements.

Pour l’instant, je me contenterai d’affirmer que le christianisme peut s’inscrire très naturellement dans une perspective anarchiste et que la liberté absolue de conscience que l’anarchie présuppose constitue un terreau très riche et très fertile pour la naissance, la croissance et l’affirmation de la foi chrétienne.

Jacques Herman, 19 août 2005

Membre du Comité de Rédaction du Bulletin du Séminaire de Culture Théologique
Ancien G.’.M.’. de la Grande Loge de Suisse
 



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