Pierre A. Bailleux
L’homme espère, attend l’accomplissement
de ses désirs, la réalisation de son être. L’objet
final de l’espérance utopique, c’est le Tout
ou l’Absolu philosophique. Mais ce Tout n’existe pas,
ne se situe dans aucun lieu. Autrement dit, c’est un non-lieu,
une absence de lieu, un “ou-topos”, un chemin qui ne
mène nulle part mais que nous ne pouvons et que nous ne voulons
éviter.
En fait, le lieu de la réalité philosophique,
c’est nous-mêmes dans la mesure où nous sommes
dans le monde, et que ce monde, nous le pensons. L’homme est
le lieu où se révèle ce qui est, ou encore
le lieu cherché par l’homme, c’est lui même.
C'est par une sorte de nomadisme
spirituel que l'homme cherchera dès lors la "Vérité théologique".
Or, de même que le lieu de la réalité philosophique
est nous-mêmes dans la mesure où nous sommes dans le
monde, et que ce monde, nous le pensons, de même la théologie
ne peut pas parler de Dieu, ni de l’homme, mais de l’homme
qui pense l’absolu, l’homme qui pense Dieu.
La Bible a toujours été interprétée
très librement par les auteurs mêmes des livres qui
la composent mais aussi réinterprétée par les
générations successives des rabbins, prêtres
ou pasteurs. Ces interprétations ont à leur tour évolué
aux cours des siècles, notamment grâce à la
recherche.
Pour les tenants du libéralisme théologique,
il n'y a jamais eu de limite à l’herméneutique
(l’herméneutique a pour objet l’interprétation
des textes philosophiques ou théologiques). En conséquence
(et c’est fondamental), la Parole de Dieu ne peut être
annoncée en dehors de la société dans laquelle
elle s’inscrit. Avec comme conséquence que ce message
ne pourra pas se laisser enfermer dans un juridisme étroit
et un formalisme doctrinaires, c’est-à-dire dans un
dogmatisme.
Pour en revenir à l'utopie, on peut constater
qu'au cours des siècles, la théologie chrétienne
officielle a porté son discours sur Dieu (l’Absolu)
en tant qu’objet, et non pas sur l’homme (en tant que
sujet) qui pense l’Absolu, qui pense Dieu.
Ces théologies systématiques ont cherché,
et cherchent encore à donner des explications logiques du
monde dans lequel nous vivons, et, au-delà de ce monde, de
l’univers. Ces théologies naturelles (qui cherchaient
à donner une description, une explication de la nature de
Dieu) elles ont toutes échoué. Elles ont donné
plusieurs réponses : le monisme, le dualisme, le théisme
ou le panenthéisme, etc. Aucune n’est entièrement
satisfaisante.
Cet échec vient de ce qu’elles ont toujours
voulu intégrer des concepts philosophiques, et qu’elles
en ont tiré des doctrines ou des dogmes. Je pense à
l’immortalité de l’âme, par exemple, un
concept platonicien. Je pense surtout à la Trinité,
mais aussi au salut rédempteur, aux doctrines telles que
la déité ontologique du Christ, le sacrifice expiatoire
de Jésus, l’incarnation rédemptrice. Sans oublier
le péché originel, l’enfer, le purgatoire et
le paradis.
Or, si la théologie ne peut pas parler de Dieu,
ni de l’homme, mais de l’homme qui pense l’absolu,
de l’homme qui pense Dieu, la théologie à son
tour n’a pas à chercher d’explication logique
à ce concept que j’appellerais momentanément,
aujourd’hui, Dieu et peut-être demain l’Absolu,
le grand architecte de l’Univers ou l’Englobant.
Ainsi, pour moi, le lieu de
la réalité
théologique sera le nomadisme spirituel, le non-lieu de la
Parole, avec comme conséquence, le lieu de l’éthique.
Pierre A. Bailleux
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