Daniel Parotte
L'extériorisation
des signes d'appartenance
en dehors du secteur public
Cette courte note se fait écho d'une étude plus large
entreprise à l'initiative du Centre
d'Action Laïque (CAL) dont
je vous donne l'intitulé complet, bien qu'elle n'ait pas été diffusée
à
ce jour
par son
commanditaire.
Il s'agit de la « Contribution du Centre d'Action Laïque
à la problématique de l'extériorisation des signes d'appartenances ». Pour ma part
j'ai examiné le volet centré sur le monde des entreprises privées.
L'objectif
visait à dresser un état
du droit en vigueur quant à la question des signes distinctifs,
avec surtout à l'esprit - ne soyons pas hypocrites - la
question de la légitimité ou non du port du voile
islamique. Sans doute ne trouve-t-on aucun texte normatif traitant
expressément de cette question ; mais l'absence de
législation ad hoc ne signifie pas que le droit - constitution,
traités internationaux, lois et règlements...mais
aussi la jurisprudence voire la doctrine (les écrits des
spécialistes du droit écrivant livres et articles
de revues) - ne dise rien quant aux signes d'appartenance affichés
dans différents contextes : pour notre propos, nous
nous en tiendrons essentiellement à la situation existant
au sein du monde du travail et des entreprises privées. D'emblée, il convient de mettre en garde
contre les idées simples et contre les solutions toutes
faites. Ainsi, il est vrai que l'arsenal normatif relatif à la
prohibition des discriminations dicte des solutions mais tous
les cas de figure ne s'y réduisent pas. D'autre part,
le principe de séparation de l'Etat et des Eglises est
susceptible d'une pluralité de lectures qui fait obstacle à l'émergence
de réponses univoques. Enfin, il est réducteur
de voir dans le port du foulard islamique l'expression systématique
d'un sexisme, même si cela peut se révéler être
le cas.
En
réalité, il faut abandonner
l'espoir d'une solution simple - simpliste - qu'il suffirait
de lire dans le droit positif (le droit en vigueur). Tout au
contraire, la jurisprudence invite à une approche au cas
par cas, collant au plus près des particularités
de chaque espèce
Venons-en à cet examen en abordant successivement
les points suivants :
• L'impact
de la prohibition des discriminations et, notamment, celles résultant
des convictions religieuses ou philosophiques ;
•
La situation à l'embauche d'un travailleur.
•
Le mobile du licenciement ;
• La
réglementation du chômage.
1 - Discriminations
L'édifice normatif prohibant toute discrimination
comporte un dispositif « avancé » (au
sens où un ouvrage militaire peut l'être) sous la forme
d'une loi du 25 février 2003. Elle prohibe les discriminations
directes dans la relation de travail (y compris celles relevant
du secteur public ou du travail indépendant) aussi bien
pendant celle-ci, qu'à sa naissance ou quand elle prend
fin. Elle prohibe également les discriminations indirectes,
d'une manière si large que l'on peut estimer que l'auteur
de cette note et la doctrine en général ne disposent
pas de leur entière liberté d'expression, lors
même qu'ils se cantonnent au terrain scientifique.
2 - Embauche
La prise en compte du port de signes
distinctifs peut se justifier - quant à certaines fonctions
- dans les entreprises dites de tendance (journal d'opinion, personnel
employé par
un syndicat ou un parti, école libre, etc). Au-delà de
cette hypothèse, en dehors d'exigences fondées
sur la santé, la sécurité ou l'hygiène,
les marges de manoeuvre pour refuser d'embaucher le porteur d'un
signe distinctif sont très réduites.
3 - Licenciement
L'employeur maximisera ses chances
de voir le licenciement échapper à la
qualification de rupture abusive s'il l'assortit d'un préavis
ou d'une indemnité compensatoire de préavis et
s'il évite tout ce qui donnerait à penser que la
rupture s'explique par la désapprobation vis-à-vis
d'un comportement inspiré par des prescrits religieux. 4
- Le chômage
Le demandeur d'emploi se
voit indemnisé par
l'Office National de l'Emploi (ONEm),
lorsqu'il a perdu son emploi ou refusé une
offre d'un emploi par ailleurs convenable, si :
-
sa conduite
lui a été dictée
par un prescrit religieux absolu,
-
procédant d'une
foi sincère,
-
sans qu'il devienne indisponible sur
le marché général du travail
-
ni
n'ait refusé le port d'un vêtement réglementaire
approprié à la nature du travail. Pour
conclure
Il
y aurait bien des choses à dire pour
aborder - comme il le faudrait - toutes les nuances du droit
positif dont l'évocation schématique qui vient
d'en être proposée expose au risque bien réel
de commettre des contresens si l'on tient pour absolues des expressions
qui ne se veulent qu'un grossier balisage. Le principe étant
celui de la concision, nous arrêterons là.
Daniel
Parotte, Liège le 31 mai 2004 |