retour petite gazette
 Éthique
Quand on désespère

Béatrice Spranghers

C’est une histoire d’autrefois, une histoire très ancienne, qui se passe dans une société différente de la nôtre. Et pourtant… le cœur de l’homme est toujours le même de siècle en siècle. Les société répètent les mêmes situations. Et Dieu répète la même alliance.  Rien de nouveau sous le soleil. Vous pouvez transposer tout ou partie. Il n’y a pas de copyright du livre de l’Exode. Voici donc une histoire humaine.

Une famille nombreuse émigre de Palestine en Egypte, chassée par la famine. C’est la famille de Jacob-Israël. Installée depuis plusieurs générations, cette famille se multiplie, grandit, devient puissante. Alarmé, le Pharaon y voit une menace pour les Egyptiens et décide d’accabler ces étrangers de travaux pénibles. Mais la misère rend la population prolifique. Interrogez les sociologues.

Alors les autochtones se mettent à détester fortement ceux-là qui mangent leur pain et prennent leur travail. Le tableau est sombre, l’oppression profonde. Le malheur va crescendo: dure servitude, vie amère, cruauté.

Faites mourir les enfants mâles, jetez-les dans le fleuve, ordonne le tyran. Point culminant de l’horreur. Tuer l’enfant, c’est tuer la vie, tuer l’espérance.

Au milieu de cette désolation, une étincelle de lumière : un nouveau-né.

"Chaque fois que naît un enfant apparaît une possibilité de sursis. Chaque enfant est un être neuf, un prophète potentiel, un nouveau prince de l’esprit, une nouvelle étincelle de lumière éclatant dans les ténèbres extérieures. Comment pouvons-nous décréter que cela est sans espoir?"  Laing

Résistance ou soumission? Une mère désobéit, cache son bébé tant qu’elle peut… et puis prend le risque déchirant de confier cette précieuse petite vie aux sinuosités du Nil. …Combien de mères ont abandonné leur enfant dans l’espoir fou qu’il vive, qu’il échappe à la cruauté infernale.

La fille de Pharaon, elle aussi, outrepasse délibérément les ordres de mort. Elle a pitié, accueille, adopte, éduque l’enfant étranger

Nous le retrouvons homme, ce prince nommé Moïse, préoccupé de ce que vivent ses frères de sang. Il est témoin de leurs travaux pénibles.

L’histoire pourrait s’arrêter là

Imaginons que Moïse rentre au palais, chasse de sa mémoire ces images dérangeantes et poursuive paisiblement sa vie dans le luxe et la facilité. Si vous êtes un peu calé en histoire, vous avez sûrement en tête des tas d'exemples de monarques semblables.

Etonnant. Pour Moïse, la prise de conscience de cette oppression vécue par son peuple soulève en lui un puissant sentiment d'appartenance. Sa révolte est telle qu'elle le conduit au meurtre! Il a choisi son camp, celui d'un combat très dur pour la justice, pour la liberté!

Voilà donc notre "intellectuel" décidé à informer les "prolétaires" de l'exploitation dont ils sont victimes, résolu à soulever l'inertie populaire, à réveiller la solidarité des victimes. C'était sans compter sur l'accoutumance à l'oppression. Ceux-là ne sont pas prêts à le reconnaître comme l'un des leurs: «Qui t'a établi chef et juge sur nous?»

La révolution est en veilleuse pour de nombreuses années. Moïse s'enfuit, loin.

L’histoire pourrait s’arrêter ici

Vous en connaissez beaucoup vous des révolutionnaires kamikazes ? De toute façon Moïse n'en fait pas partie.

Mais Dieu dit: je t'ai choisi pour libérer mon peuple! C'était sans compter qu'entre temps Moïse s'était refait une vie. Il avait trouvé une autre famille, du travail, il avait une femme, un fils. Aucune envie de retourner au front.

Pourtant les enfants d'Israël gémissaient sous la servitude, poussaient des cris. Et Dieu n'est pas sourd.

Comment réagit un tyran confronté à des velléités de révoltes? Il durcit le régime, empêche les gens de penser en les abrutissant au travail. Il affame, menace, torture. Quand Moïse accepte enfin sa mission de leader libérateur, il doit se battre sur deux fronts: contre l'oppresseur, inflexible afin de maintenir sa suprématie; mais aussi avec les opprimés qui résistent au changement, reculent devant la difficulté de la nouveauté, obéissent à leurs syndicats préconisant une prudente soumission.

Rien ne va. Le combat s'englue dans la résignation. Désespoir. Le tyran est trop fort; Le peuple ne veut pas tenter l'aventure de la liberté.

L’histoire pourrait s’arrêter là

Rideau. Combien d'échecs dans la lutte pour la justice. Combien de carnages. Combien de souffrances.

Coup de théâtre. Explosion de vie, d'espoir. Tout est possible: Dieu parle! Une cascade de verbes aussi exaltants que la misère était noire. Je suis l'Éternel. Je suis apparu… J'ai établi mon alliance… J'ai entendu… Je me suis souvenu de mon alliance… Je suis… Je vous affranchirai… Je vous délivrerai… Je vous sauverai… Je serai votre Dieu… Vous saurez… Je vous ferai entrer… Je vous donnerai.

L'histoire continue, l'histoire de l'alliance. A relire après avoir regardé le JT, ou quand on désespère très fort de soi, de tout, de tous.

Béatrice Spranghers, Vivre 1993/3 pp 19-21 



 Éthique
 injustice
 bio et thanato-éthique
 censeurs mal inspirés
 mourir humainement
 le mal et le bouddhisme
 la marche du sel
 un stade critique ?
 aperçu sur la mort
 Gadlu, Padnu, Padsu
 contre la mondialisation
 le Vatican et l'Europe
 les visages de la violence
 les temps présents
 le voile et le droit belge
 le voile et le string
 libéralisme en religion
 la violence
 la mémoire de l'âne
 d'un ostracisme à l'autre
 j'ai perdu mon amour
 l'éthique, c'est quoi ?
 responsable et solidaire
 l'humanité est une
 j'ai eu besoin de vous...
 l'internet et l'amour
 la règle d'or
 les religions, meurtrières?
 morale évangélique
 un sens à la vie
 le respect et l'écoute
 la réconciliation
 les droits de l'homme
 la fidélité en amour
 la fidélité aux convictions
 dans un confessionnal
 femme, famille, religion
 violence et espérance
 la haine et le terrorrisme
 quand on désespère
 l'éthique mystique
 protester ou se taire
 le respect de la vie


Profils de libertés

Nous apportons notre appui à toutes démarches visant à lutter contre
le totalitarisme,
le sectarisme,
la xénophobie,
le fondamentalisme et l'intégrisme
de toute obédience.

Un site engagé

De bric et de broc

« Résister, c'est rêver qu'un autre monde est possible. Et contribuer à le bâtir. »

           Ignacio Ramonet