Pierre
A. Bailleux
«Découvrir
l'autre, vivre avec l'autre, entendre l'autre, se laisser façonner
par l'autre. Cela ne veut pas dire perdre son identité, rejeter
ses valeurs, cela veut dire concevoir une humanité plurielle...
Il n'y a d'humanité que plurielle, et dès que nous
prétendons -dans l'Église catholique, nous en avons
la triste expérience au cours de notre histoire- posséder
la vérité et parler au nom de l'humanité, nous
tombons dans le totalitarisme et dans l'exclusion. Nul ne possède
la vérité, chacun la recherche. On ne possède
pas Dieu. On ne possède pas la vérité, et j'ai
besoin de la vérité des autres». Pierre Claverie, évêque
catholique d'Oran
Ces émouvantes paroles de Pierre Claverie,
quelque temps avant sa mort, pour constater que la violence ne se
limite pas à la guerre. L'exclusion, l'intolérance,
le totalitarisme, en sont quelques autres expressions.
Mais
quel est le sujet sur lequel j'avais décidé de
plancher ? La guerre.
L'histoire
de l'humanité
en est pleine. La Bible regorge de récits guerriers parmi
les plus féroces et les plus affreux. Mais la Bible ne nous
parle pas de la guerre (classique,
nucléaire ou bactériologique), elle raconte des
faits de guerre.
Une guerre est-elle juste ? Non, jamais. À moins que l'on ne soit aveugle,
sourd et amnésique. Est-elle parfois justifiée ? C’est une question d’éthique,
donc d’une grande complexité. À chacun d’y
répondre. Personnellement je ne le pense pas et, à
cet instant, il me vient ces paroles du poète palestinien
Mahmud Daarwish :
N’y
aurait-il pas pour nous
de meilleure tâche
que de creuser des tombes
que de chercher les mots nouveaux
pour un nouvel éloge funèbre ?
Qu’elles sont petites, ces fleurs.
Que tout ce sang est profond.
La
tradition réformée
affirme clairement que nous sommes sous la véritable obligation
d’éviter la violence dans la recherche de la justice.
Pour une branche de la Réforme dont je fais partie, les unitariens,
les mennonites et les quakers notamment, cette obligation est absolue.
Il serait cependant illusoire de croire qu'un jour, il n'y aura
plus de guerre. Le monde est dominé par la violence. Les
anciens le savaient et l'ont clairement exprimé au travers
de l'histoire d'Abel et de Caïn. Et nous sommes tous de la
de lignée de Caïn mais nous portons en même
temps toute l'espérance
d'Abel à travers la postérité de Seth, celui
qui est mis à la place d'Abel et qui survit à la calamité
du déluge.
Ne
nous drapons surtout pas dans les plis du voile de l'hypocrisie.
La misère des
pays sur-exploités, leur pauvreté, leur faiblesse,
nous en portons tous une petite part de responsabilité morale.
Par contre, nous serions entièrement responsables de laisser
dire "Dieu a dit" ou "la Bible dit".
Le
Nazaréen, l'autre Abel, lui, m'interpelle encore aujourd'hui
par son appel à la justice, à l'harmonie et à la
droiture.
Pierre A. Bailleux,
le 10 mars 2003
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