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 Éthique
Femme, famille, religion

Béatrice Spranghers

  - La femme
  - La famille
  - La religion

Le moteur de toute existence, c’est le désir. En particulier, le désir de relation. Il s’agit donc à chaque fois d’une histoire d’amour, en quelque sorte. Mais qui dit relation d’amour, dit risque, engagement. Cette relation peut évidemment déboucher sur un échec. Quand on risque ce désir de relation, on admet du même coup sa dépendance à l’égard de l’autre. On reconnaît que sans lui, on est incomplet, fragile, inachevé. Une relation ne peut s’épanouir que dans la liberté, dans le respect absolu de la différence, dans la reconnaissance de l’altérité. L’amour libère l’autre pour lui permettre «d’ex-ister» au sens philosophique du terme. Enfin, je crois que toute relation, puisqu’elle crée des liens, engage la responsabilité.

Voici donc, dans ce canevas, l’enchaînement des mots-clés. Je vous les rappelle : désir, désir de relation, histoire d’amour, risque, dépendance, liberté, respect de l’altérité, responsabilité.

La femme

Les hasards de la génétique m’ont faite femme. C’est bien ainsi. J’aime la description de la femme au début du livre de la Genèse. Eve, c’est la Vivante, celle qui donne la vie et fait vivre… Quelle terrible responsabilité ! Eve est active, imaginative, curieuse, volontaire. Elle prend, mange, partage le fruit de l’arbre de la connaissance du bien et du mal. J’aime surtout qu’elle soit le vis-à-vis complémentaire, indispensable à l’homme. Ce n’est qu’ensemble, dans leur désir de relation qu’ils sont l’humain créé à l’image de Dieu, l’icône de Dieu.

“L’un et l’autre” titre un livre de l’auteur protestante, E. Badinter. Je dirais plus volontiers : l’un n’est pas sans l’autre. Ce n’est que de l’union de leur différence que peut jaillir la vie, ce beau risque imprévisible, incodifiable. Je dis union et non pas confusion. La confusion entre les sexes ramène le chaos initial que justement Dieu ordonne en séparant les éléments. Je ne suis bel et bien moi-même en tant que femme qu’en me différenciant par rapport à mon vis-à-vis.

Et cette complémentarité, franchement, je ne peux pas l’envisager dans le cadre d’une hiérarchie. La femme subalterne, c’est un contresens issu d’une lecture aberrante de certains textes bibliques. Seule une lecture littérale, étriquée s’autorise à prôner la soumission de la femme, son silence… en négligeant de resituer certaines injonctions de l’apôtre Paul dans leur climat historique et social. D’après la Genèse, l’homme et la femme sont les deux côtés d’un même édifice qu’est le couple. C’est ça l’histoire de la côte d’Adam.

En passant, je dirai que j’apprécie particulièrement que Luther, dès le début du 16e siècle, ait fermement insisté pour que dans chaque ville protestante on ouvre une école et que les filles aient été associées à ce projet éducatif. 

La famille

La famille, c’est le désir d’élargir la relation d’amour. Voilà un risque certain. Les parents, eux, se sont choisis ou du moins ont cru le faire. Ils n’ont cependant pas choisi leurs enfants et tous les enfants conviennent de ce qu’ils n’ont pas choisi leurs parents.

La famille, microcosme de société où, coûte que coûte, les partenaires doivent apprendre à vivre ensemble en ménageant un subtil équilibre entre renoncements et satisfactions. Idéalement donc, la victoire sur la barbarie. Ce désir de relation est vécu profondément de part et d’autre. Au début de la vie de l’enfant, c’est même une question de vie ou de mort, biologiquement et psychiquement.

Ici encore, le respect de la différence commande. Les parents ne doivent pas céder à l’envie de se prolonger dans l’uniformité. L’enjeu n’est pas de se reproduire mais de procréer. Distance donc, dans le respect de l’altérité que l’amour libère pour permettre à l’autre d’exister. Les familles sont faites pour être quittées.

La famille protestante a gardé longtemps une réputation d’austérité, de sévérité, de rigueur morale. On ne faisait pas l’amour avant la nuit de noces, la fidélité conjugale était absolue, le travail consciencieux comblait la journée qui s’achevait par la lecture de la Bible. Rien n’aurait empêché la famille au grand complet d’aller chanter les Psaumes au temple le dimanche matin. Ce temps là est révolu en laissant néanmoins des traces de ce que j’appellerais un climat exigeant d’authenticité et de rectitude, qualités qui ne sont heureusement pas l’apanage exclusif de la famille protestante. Reste, aujourd’hui encore, le sentiment d’appartenance à une culture spécifique chez les “protestants sociologiques” de plus en plus nombreux. 

La religion

Dieu dit. Voilà une expression fréquente dans la Bible. Dieu parle le premier. C’est lui qui a l’initiative du désir de relation. Il s’engage dans le risque de la relation.

La religion, c’est la réponse de l’homme à ce désir de Dieu. C’est le oui confiant qui s’exprime par le moyen de la religion (dans le sens de religare, relier). Désir de l’homme d’être relié à cet Autre Absolu dans le profond respect de la différence, c’est-à-dire sans confusion possible entre la créature et le Créateur.

S. Kierkegaard écrit dans son Traité du désespoir : « Dieu et l’homme sont deux natures que sépare une différence infinie de nature. Toute doctrine qui n’en veut pas tenir compte, pour l’homme est une folie et pour Dieu un blasphème ». En citant Kirkegaard, j’affirme que l’homme ne peut se tenir devant Dieu que s’il reconnaît sa totale dépendance, que s’il admet son imperfection, sa finitude, sa contingence (en quelque sorte le contraire de l’idolâtrie de Babel).

Dieu présent-absent qui permet à l’homme d’exister afin qu’il invente sa destinée de manière libre, responsable. C’est dire d’emblée que cette relation ne peut en aucun cas être figée dans un carcan de dogmes, quels qu’ils soient. Dans ce cas, la pensée ne serait pas libre. Or, il est vital de pouvoir penser librement. A l’instar d’Albert Schweitzer, j’aurais cessé de croire sans pouvoir penser ma foi.

C’est un aspect très précieux du protestantisme, cette liberté de l’homme debout devant Dieu. Liberté, qui est une exigence terrible puisqu’elle suppose de vivre constamment sur la corde raide du libre-examen, c’est-à-dire tout autre chose qu’un oreiller de paresse. Le protestantisme est, comme le disait Gide, une religion illimitée, indéfinissable qui inclut l’agnosticisme puisque jamais rien ne peut être conclu de façon satisfaisante, complète, achevée, définitive.

Le protestantisme inclut toute la libre pensée, toute l’anarchie intellectuelle, toute la recherche inlassablement poursuivie. Mais cette religion n’a de sens que si elle contribue à la vie, si elle fait vivre et aide l’individu à se construire. C’est bien sûr une aventure risquée. Le philosophe protestant Kirkegaard parle de “saut” pour qualifier la foi. Dans cette religion, pas de magistère. Chacun répond devant Dieu seul, le seul Maître. L’homme est renvoyé à sa conscience, à sa responsabilité personnelle. Mais surtout, il est tout entier placé sous le signe de la grâce. Reconnaissance donc et sérénité dans l’action.

Béatrice Spranghers 



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