CORRESPONDANCE UNITARIENNE    février 2005

Les unitariens - universalistes américains
partagent leurs lieux de culte

Actualités
unitariennes


n° 40

Je crois, avec l’évangéliste Jean, que Dieu est plus grand que notre cœur,
je crois que Dieu habite là où on le laisse entrer …
« Credo » de Jacqueline et d’André Hannaert, à l’occasion de leurs noces d’or
(La Libre pensée chrétienne, bulletin n° 8, décembre 2004, p. 12)

Les unitariens - universalistes américains partagent leurs lieux de culte
par Jean-Claude Barbier,

En janvier 2004, le centre inter-religieux Owen Brown de Baltimore (Etat du Maryland aux Etats Unis) a été agrandi avec des bureaux et des salles de réunion grâce aux 900 000 dollars donnés par la congrégation unitarienne-universaliste (UU) de Colombie. Les UU de Baltimore sont copropriétaires de ce lieu avec l’Eglise méthodiste unie de la même ville, mais alors que les UUistes sont de plus en plus nombreux et ont accepté de réunir les fonds nécessaires, les méthodistes sont dans une situation délicate et n’arrivent pas à réunir le demi million de dollars restant pour achever les travaux. “Aujourd’hui, le centre a plus de personnalité et un aspect plus religieux qu’auparavant, lorsqu’il ressemblait à un centre civique”, reconnaît la révérende Gladys Joyner Hubbard, femme pasteur de l'Eglise méthodiste unie. Ce centre accueille des groupes de musulmans, de juifs, de bouddhistes et de chrétiens, ainsi que diverses organisations séculières. Cette diversité religieuse est particulièrement attractive pour les UU dans la mesure où ceux-ci reconnaissent déjà la vérité qui existe dans maintes traditions religieuses : “Le dialogue interreligieux est quelque chose de naturel pour nous” confie la révérende Paige Getty Fuente. Cette information et ces propos ont fait l’objet d’un article dans un journal local, le Baltimore Sun et nous ont été transmis par Jaume de Marcos, responsable de la Sociedad unitaria-universalista de España (SUUE - voir notre bulletin n°28 de février 2004).

Ce n’est pas là un cas isolé. D’une façon générale, l’UUisme américain s’est ouvert non seulement aux “humanistes” (traduisez non-croyants en Dieu, mais croyants en une dimension spirituelle de l’être humain), mais aussi à des catégories sociales considérées ou se considérant comme victimes de discrimination (les homosexuels, voir même les polygames, etc.) et à des minorités religieuses (des bouddhistes, des baha’is, des néo-païens, etc.). Dès lors, maintes communautés locales se retrouvent composites. A New-York par exemple, la Première Eglise unitarienne de Brooklyn, animée par le révérend Donald W. McKinney (que nous avons rencontré à Villanueva de Sijena lors des cérémonies de clôture de l’année Michel Servet - voir notre bulletin n° 39 de janvier 2005), comprend des chrétiens, des bouddhistes et des athées (et ceux-ci sont les plus nombreux !).

Le mode de fonctionnement peut être « interindividuel » : les fidèles assistent à un même culte, d’où l’on a soigneusement gommé tous les énoncés et les rituels qui renverraient à des manifestations religieuses particulières, et où ils sont conviés à échanger leurs propres expériences spirituelles (voir par exemple l’Unitarian universalist Fellowship of Paris UUFP, bulletin n° 34 d’août 2004). L’UUisme est alors vécu comme une nouvelle religion, détachée de ses origines chrétiennes, d’emblée universelle, sans plus transiter par des révélations historiques ou des traditions particulières. Elle est classée lors des recensements comme une religion à part entière, désormais distincte du champ chrétien, comme dans le cas américain (bulletin n° 34).

Mais il existe un autre mode de fonctionnement, celui-ci « intercommunautaire ». Cette fois ci, chaque communauté conserve son identité, ses rites, ses fêtes, son propre culte. L’échange spirituel se fait alors entre communautés. Fin décembre, par exemple, les néo-païens organisent le solstice d’hiver pendant que les chrétiens préparent la Noël. On partage le même lieu de culte et on s’invite mutuellement en toute convivialité. L’UUisme, dont se revendique toutes ces communautés, sert, dans cette situation, de culture partagée et évite une simple juxtaposition. Vous connaissez l’abbaye de Thélème dont nous parle François Rabelais ? et bien c’est précisément cela !

Marie-Paule et Alan Marty partagent leur vie entre Saint-Malo, car Marie-Paule est bretonne, et l’Etat d’Indiana. Là, ils fréquentent l’Eglise UU d’Evansville. Les Indiens autochtones y célèbrent le solstice d’Hiver sous la direction d’une femme pasteur, ex catholique, et tiennent des réunions mensuelles d’initiation au tambour. Marie-Paule et Alan sont d’origine chrétienne, mais n’ont jamais cru à la Résurrection ni à la Trinité. Ils ont fait le tour du monde et y ont découvert les diverses religions : l’islam en Iran et en Turquie, les bouddhistes au Sri Lanka, en Thaïlande et au Vietnam, les shintoïstes au Japon, les adeptes de Confucius en Chine, sans compter de nombreuses communautés chrétiennes. Alan a un parent, Martin Marty, qui est professeur émérite de religion à l’université de Chicago, si bien qu’il a pu assister à des rencontres organisées sur Paul Tillich, les paroles araméennes de Jésus, les aspects psychanalytiques (selon Jung) du christianisme, etc. Tous deux se sentent parfaitement à l’aise dans l’UUisme (courriel fin décembre 2003). Jésus nous dit qu’on juge un bon arbre à ses fruits. Eh bien, même si l’UUisme, comme toute expérience religieuse ou spirituelle, peut être jugée et critiquée (nous pourrons nous y exercer dans un autre article !), reconnaissons qu’il porte souvent de beaux fruits.

Et en France ?

Suite à la loi de séparation de l’Eglise et de l’Etat du 9 décembre 1905, l’Etat s’est retrouvé propriétaire - et responsable - des lieux de culte publics que l’Eglise catholique détenait. Nous savons que grâce au concordat napoléonien, nombre de ces cultes avaient été d’ailleurs construits sur le budget de l’Etat. Sur le coup, les catholiques protestèrent avec véhémence, mais un siècle plus tard, ils ne sont pas sans constater les avantages d’une telle situation : des lieux de culte entretenus par les budgets publics et dont ils ont l’usufruit, c’est à dire l’utilisation exclusive. Certes, des concerts de musique classique s’y font (toujours avec leur autorisation expresse), mais pas d’autres activités culturelles ni d’autres cultes.

Les catholiques de Droits et libertés dans les Eglises, association inscrite à la fédération du Parvis, estiment qu’un statut associatif conviendrait mieux en plaçant l’Eglise catholique a égalité avec les autres confessions ou religions, alors que les épiscopats européens, relayant une stratégie engagée de longue date par le Saint-Siège, mettent tout en œuvre pour assurer à l’Eglise catholique un statut privilégié garanti par les pouvoirs publics dans l’Union européenne. Ces catholiques veulent dire ainsi non à tout reste de cléricalisme. Leur déclaration a été publiée par le bulletin du Parvis dans son n° 18 de juin 2003, puis reprise dans le n° 20 de décembre 2003, p. 11 ; elle est par ailleurs accessible sur le site de Nous sommes aussi l’Eglise (NSAE).

Les cas d’hospitalité cultuelle existent, mais rares ! Nous nous faisons ici volontiers l’écho d’une lectrice de la revue « Parvis » : « La déception de la Communauté de Saint-Luc [à Marseille] interdite d’œcuménisme (voir Parvis n° 19) m’a rappelé, par contraste, des exemples d’hospitalité réussie. En Alsace [où les Eglises catholiques et protestantes et le consistoire israélien sont sous concordat], il existe actuellement au moins une chapelle utilisée chaque semaine alternativement par les catholiques et les protestants (avertis par un bulletin commun des horaires des célébrations) sans que l’autorité supérieure, à ma connaissance, y trouve à redire … Et dans les années 60, à Notre-Dame de la Croix (Paris 20ème), le père Bernard offrit aux musulmans, alors privés de mosquée, d’exercer leur culte dans la crypte de l’église. J’ignore s’il en avait référé à l’autorité diocésaine, ou s’il avait agi de son propre chef, estimant qu’offrir un lieu de prière à d’autres croyants allait de soi, dans la ligne de l’Evangile et ne requérait aucune autorisation » (Madeleine Dorey, Neuilly dans le courrier des lecteurs de Parvis n°20, décembre 2003, p. 38).

Si Dieu est le même pour tous, pourquoi ne pas partager nos lieux de culte ?

Allons voir nos curés et nos pasteurs, nos conseillers municipaux et nos maires,
redonnons vie aux lieux de culte sous-utilisés ou abandonnés,
remplissons nos églises d’activités cultuelles et profanes dès lors qu’elles élèvent l’homme,
mettons fin à la confiscation du patrimoine national par des religions concordataires