CORRESPONDANCE UNITARIENNE | janvier 2005 |
Les informations - supplément | |
Jacques
Gaillot, évêque des exclus par Katharina Haller Le 12 janvier 1995 Jacques Gaillot est convoqué à Rome. Il est un accusé privé de défense et de toute possibilité de faire appel. La procédure prend moins d’une demi-heure ; le verdict se trouve déjà fixé au préalable. “ A partir de demain, vendredi 13 janvier, vous ne serez plus évêque d’Evreux ”. Monseigneur Gaillot n’a pas signé le texte de la démission qui lui est proposée, si bien qu’on l’exile comme évêque titulaire de Partenia dans le désert algérien. Il n’existe pas de jugement écrit, et Jacques Gaillot n’est pas non plus muté parce qu’il s’est écarté de la doctrine de l’Eglise. Il est marqué au sceau de la liberté, ce sont toujours la responsabilité et la décision personnelles qui sont pour lui au premier plan. Le grand nombre de ses déclarations, des actions qu’il a engagées et de ses protestations contre des lois inhumaines et contre l’arbitraire de l’Administration viennent troubler l’harmonie qui existe entre l’Eglise et l’Etat. Sa violente critique des lois restrictives sur l’immigration dues au ministre de l’Intérieur de l’époque et l’intervention de milieux influents auprès de Rome ont été déterminantes pour sa mutation à Partenia comme évêque titulaire. Cette destitution est ressentie par beaucoup de chrétiens et de non chrétiens comme une injustice et laissera de profondes blessures. Cet exil au désert est pour Jacques Gaillot un nouveau défi. Il n’a pas démissionné, il ne s’est pas croisé les bras. Après avoir été contraint de quitter Evreux, il se rend à Paris, dans la Rue du Dragon, et il habite chez des sans-abris et des sans papiers, dans une ancienne école catholique abandonnée et occupée par ces derniers. C’est à Paris qu’il est désormais chez lui, qu’il occupe une modeste chambre dans la communauté des missionnaires du Saint-Esprit qui l’ont accueilli comme un frère. Une fois libérée, la parole appelle à des engagements. Et tout ce qu’il entreprend est, comme sa solidarité, consacré à ceux que la société a privés de leurs droits. Jacques Gaillot est l’homme de la rencontre et non un administrateur. Pour lui la loi suprême de la foi chrétienne c’est l’édification d’une société juste. Il a toujours le temps, lorsque des gens viennent le rencontrer. Les liens qui l’attachent étroitement à l’Evangile se manifestent dans son souci des sans-droits et des pauvres. Il est convaincu que Jésus appartient à l’humanité entière et non seulement aux chrétiens, qu’il vaut la peine d’aller à la recherche des brebis perdues en abandonnant les autres. Le désert se transforme en un pays florissant. Il a doté Partenia, ce diocèse sans frontières, d’une page d’accueil sur internet (www.partenia.org - en sept langues). Dans le monde entier des gens venus d’horizons tout à fait différents cherchent à dialoguer avec Jacques Gaillot et à le rencontrer. Ils lui écrivent, l’invitent et lui parlent de leur expérience, de leurs joies, de leurs craintes et de leurs soucis ; ils sollicitent auprès de l’évêque conseils et encouragements. Son engagement et sa profonde spiritualité chrétienne révèlent à ces hommes d’aujourd’hui des perspectives valables et les encouragent à poursuivre leurs recherches personnelles. Beaucoup trouvent en Partenia un foyer où ils se sentent chez eux. Plus de 131.000 d’entre eux sont mensuellement en communication avec Partenia et avec son évêque par l’intermédiaire de l’Internet. Partenia n’est pas un mouvement ni une autre Eglise. Partenia est devenu un symbole pour des gens qui ne trouvent plus leur place dans la société et dans l’Eglise. Comme auteur d’écrits Jacques Gaillot enrichit ses lectrices et ses lecteurs par la fraîcheur de son propos. Un catéchisme au goût de liberté (N. du tr. : traduit en allemand sous le titre “ Ein Katechismus, der Freiheit atmet ”, ISBN 3-905585-04-9 – 2004) n’est pas une somme compacte de dogmes, mais un recueil de témoignages qui encouragent à poursuivre une recherche spirituelle. Ce catéchisme a été rédigé en collaboration avec Alice Gombault, rédactrice du bulletin trimestriel de la Fédération des réseaux du Parvis, dont Partenia fait partie. Avec Les carnets de route (N. du tr. : traduit en allemand sous le titre “ Machtlos, aber frei – sans pouvoir pratique, mais libre ”, ISBN 3-905585-03-0 – 2002), nous racontons la manière dont Jacques Gaillot est continuellement en route à la rencontre des hommes, comment il vit et ce qu’il fait. Depuis 10 ans, j’accompagne Jacques Gaillot dans son travail et dans ses nombreux voyages. J’ai la rare chance de pouvoir cheminer avec un homme libre qui est animé par l’amour de Dieu. Il voyage allègrement, le cœur accueillant et sans discours préparés à l’avance. Il est invité par des paroisses catholiques et protestantes, pour des manifestations œcuméniques, auprès de communautés de base, mais aussi par des gens qui ne fréquentent pas l’Eglise. Il est constamment l’hôte des militants en faveur de la Paix, des organisations au service des Droits de l’Homme, des franc-maçons et des athées, etc. De sa voix douce (chaleureuse / sympathique) qu’accompagne un sourire, Jacques Gaillot s’exprime avec son humour et sa piété exempte de crispations sur le quotidien de sa vie toute consacrée aux marginaux, à sa lutte en faveur des droits fondamentaux des pauvres. Toute son attention est centrée sur les étrangers qui n’ont pas d’autorisation de séjour valide, sur les “ sans papiers ”. Il parle de la dignité de l’homme et des histoires d’amour qui lient Dieu aux hommes, de la liberté intérieure, de la réconciliation et d’une paix vécue concrètement. La dignité de l’homme se place avant les dogmes et les principes moraux, elle prévaut sur toutes les autres qualités que sont le sexe, la couleur de la peau, la foi ou le succès dans la société. Et c’est pour cela qu’il se rend dans la rue afin de manifester en commun avec ceux qui sont concernés, contre l’injustice et contre des lois inhumaines. En termes simples et clairs il parle de la force de la foi qui permet de franchir des fossés. Rencontrer Jacques Gaillot et dialoguer avec lui, lors de conférences ou de célébrations religieuses, c’est, pour les assistants, vivre des moments inoubliables. Ces gens ne cessent de me dire, avec joie et avec la lumière de leur regard, à quel point la spiritualité et le témoignage de foi donnés par l’évêque de Partenia touche leur cœur, leur donne courage et force dans leur cheminement personnel. La spiritualité de Jacques Gaillot est celle du semeur ; elle suit l’exemple de Jésus. C’est une spiritualité de l’espoir, le vécu d’une relation avec les autres hommes et avec Dieu. En accompagnant Jacques Gaillot, ce cheminement de 10 années à Partenia m’a conduite sans cesse en Allemagne, en Autriche et en Suisse. L’accueil chaleureux que nous avons trouvé dans des paroisses, des centres culturels de formation, catholiques ou protestants, dans des écoles, dans des invitations à des compte rendus de lectures et à de grandes manifestations telles que le Congrès œcuménique des Eglises à Berlin ou les Congrès des catholiques allemands, lors de rencontres avec des mouvements de réformes, des hommes politiques ou du monde des médias ont élargi et enrichi notre cœur et notre esprit. Quand Jacques Gaillot est invité dans un diocèse étranger, l’évêque local en est toujours informé. Souvent les évêques invitent Jacques Gaillot dans leur demeure et l’entretien ménage une place pour des cheminements différents. Jamais encore un évêque n’a refusé à Jacques Gaillot l’hospitalité dans son diocèse. La tradition ecclésiale de l’hospitalité a été rompue en septembre 2004 par le Cardinal archevêque de Cologne qui, aux termes d’une lettre succinte, a interdit à son confrère dans l’épiscopat de séjourner dans son territoire et l’a motivé en évoquant un “rapport adressé à l’autorité suprême”. En intimant de tels ordres, on laisse à peine la place à un dialogue. Jacques Gaillot renonce à intervenir dans ce diocèse. Il ne voudrait pas être la cause de dissensions et désire épargner à ses amis habitant ce diocèse des blessures et des problèmes avec la direction officielle de l’Eglise. La démarche de l’archevêque de Cologne remplit d’effroi des hommes et des femmes en Allemagne et au-delà de ses frontières. Ils protestent par des actions concrètes, écrivent en ce sens des lettres au Cardinal et recueillent des signatures. Ils ne sont pas prêts à se laisser réduire en tutelle par leur évêque dans un Etat démocratique du XXIème siècle, fondé sur le droit. Jacques Giallot n’est pas un frondeur dans l’Eglise, ni un provocateur. Il n’est pas non plus un évêque dangereux. Les débats théologiques ne l’intéressent pas. Il n’est pas un théoricien et il ne rédige pas de manifestes. Il est en conformité avec la profession de foi et les énoncés doctrinaux de l’Eglise catholique dans laquelle il est chez lui, en famille. Son repère concret et direct, c’est l’Evangile. En l’an 2000, en cette cinquième année qui a suivi sa destitution, les présidents de la Conférence des évêques de France lui écrivent : “ Je t’assure en toute loyauté de notre solidarité dans la foi et dans le même service de l’Evangile… Il est important que les catholiques – et dans un sens plus large aussi l’opinion publique – sachent que ce qui nous unit, c’est le lien d’une véritable fraternité… Tu es et tu resteras notre frère dans l’épiscopat ”. Le 15 août 2004 Jacques Gaillot est invité par les évêques français à Lourdes, où le Pape est également présent. Depuis sa destitution Jacques Gaillot n’est plus sollicité pour les tâches officielles de l’Eglise. Il n’est pas non plus invité aux Conférences des Evêques de France. 10 ans à Partenia c’est pour Jacques Gaillot un cheminement avec des hommes. La prière est l’air qu’il respire et qui lui donne sa force et son énergie. 10 ans à Partenia c’est pour moi aussi une route passionnante et riche d’accomplissements. Je suis reconnaissante des rencontres et des amitiés, si belles et si nombreuses, de la fidélité vécue et de l’accompagnement. Nous avons fait en commun un parcours plein de vie, et c’est remplis de force et d’un feu intérieur que nous nous acheminons vers l’aventure de l’avenir. Le 15 janvier 2005 Partenia fêtera à Paris son 10ème anniversaire avec Jacques Gaillot. Chers amis de Partenia, De 9h30 à 17h00 les “ Sans-papiers ” et l’Association
Partenia 2000 de Paris vous invitent tous à célébrer
cet anniversaire. |
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