CORRESPONDANCE UNITARIENNE

Réseau francophone animé par la
Fraternité unitarienne de Bordeaux

 

juillet 2007  n° 69
 

 

 

 

Sommaire

 

 

 

   

 

 

 

   

 

Le soufisme ou la fin d’un temps

Actualités
unitariennes

 

 

Le soufisme ou la fin d’un temps
par Hassan Aslafy

message du 4 juin 07 au groupe de discussion
“ Unitariens francophones ”
Pour qui la spiritualité est une quête,
les temps présents n'ont jamais été aussi extraordinaires.
Hasan Aslafy

Je me promenais il y a quelques années avec mon ami le cheikh el haj Mishri sur les dunes roses qui épaulent son petit village mauritanien de Maata-Moulana, au coeur du désert du Trarza. Sage soufi fort avisé, apprécié de milliers de disciples, fin connaisseur de la mystique ésotérique, j'avais à coeur de l'entretenir d'un sujet qui me semblait important.

Je lui expliquais l'intérêt des mondes virtuels pour l'éducation, des effets d'ubiquité et de co-présence que permettent les nouvelles technologies, de la capacité de la chirurgie à restaurer des membres entiers, à remplacer des coeurs, à opérer des naissances "in vitro", aux nouvelles formes de parentalité, au clonage et sollicitais sa réaction dans une perspective islamique et soufie...

Il me répondit que la particularité de la fin des temps était l'extraordinaire impression de proximité du monde matériel et du monde spirituel. Mais pas une authentique proximité. Une impression induite par moult subterfuges. Les hommes poursuivait-il, développeront une puissance extraordinaire, démiurgique et illusoire, s'octroyant de ce fait des pouvoirs et des capacités fascinants qui lui donneront le sentiment de s'approprier des attributs divins.

Vaine illusion me dit-il alors. Tu vois, nous avec nos chèvres et notre vie simple, nous voyons plus clair. Votre civilisation matérielle et vos succès vous excitent, mais ils finissent par vous rendre nerveux, amers, vous font perdre vos repères, brouillent les relations, les sexes, la réalité. Vous devenez un monde de corps trop nourris tandis que vos âmes sont affamées et errantes..... Si vidées de sens à l'intérieur qu'elles en deviennent cyniques et athées.

Ainsi donc et la boucle est bouclée ! A première vue on partagerait presque le diagnostic.. ."Nos chèvres et notre vie simple" et votre dégénérescence humaine et sociétale... Cela n'était pas sans me rappeler certains discours de chez nous...

Mais alors... ces femmes voilées des pieds à la tête, et qui la baissent, cette tête, au passage des hommes, ces enfants ahanant le Coran à tue-tête depuis 4 heures du matin, ces déchets qui traînent partout dans le village, ces Noirs à peine remis d'un statut d'esclave ancestral, ces filles qu'on marie à 13 ans pour s'en garantir l'hymen, cette hiérarchie qui se partage entre marabouts et nobles les rentes juteuses des terres et des dominations traditionnelles, cette vie de tourneur en rond dans le cycle des jouissances illicites et des repentances récurrentes… Tout cela serait donc exemplaire ?

Je faisais pourtant des efforts. J'aimais le soufisme et l'Islam, mais quelque chose ne tournait pas rond. Je voulais tellement intégrer l'oeuf de cette vision du monde si équilibrée, parfaite, et qui trouvait dans le Coran, dans ses interprétations et méditations crypto-ésotériques, dans les assemblées de prière et les oraisons de dhikr une paix dense et enfin repue.

Ah comme j'enviais parfois mes amis français convertis ! Eux avaient trouvé ! Et ils me le faisaient comprendre, se vêtant plus “ maures ” que les Maures, mangeant comme eux, et de plus en plus, pensant comme eux ! Ils avaient rejeté les vieilles peaux usées d'Occidentaux paumés pour redécouvrir les vraies valeurs ! Ils m'expliquaient avec enthousiasme les "hal", les états spirituels, la dévotion, la Vérité goûtée à la source d'une tradition préservée au coeur du désert... Et le soulagement de trouver enfin des valeurs saines, la boussole qui reconstitue le kaléidoscope brouillé de la réalité. Ici les femmes sont des femmes. Elles sont les éleveuses des enfants, les gardiennes sacrées du foyer et de leur "matrice".

C'était sans compter sur ce grattement, ce chatouillis, ce parasite qui me retenait constamment de rejoindre mes "frères en Dieu". Un petit virus têtu, frondeur, pas plus gros qu'un oeil de poule. Un ver dans ma pomme, bien au milieu, impossible à extraire sans m'extraire moi-même du carafon. Et ce bidule récalcitrant, têtu comme Montaigne, et bien je tenais à lui dans le fond.

Je tenais à ce faramineux goût de la liberté. À ce plaisir de la diversité, cette assomption des femmes et du féminin si longtemps minoré, aux droits des minorités et des plus faibles, à la liberté des cultes et des religions, à des spiritualités sans dogmes, sans châtiment et sans peur de Dieu, aux sciences humaines qui nous révèlent la richesse de l'autre, de fragilité et de vulnérabilité. Oui je préférais assumer ma condition incertaine de quêteur, dans un monde en pleine mutation, en vivant authentiquement ses crises et ses convulsions, en partageant le pathétique pascalien de sa solitude, et la détermination don quichottesque et humaniste d'aller de l'avant.

Mais je crois, contrairement à mon ami soufi, que le monde n'arrive pas à sa fin, mais bien à la fin de son monde à lui. Un vieux monde qui bascule dans la tempête. Qui veut plus que jamais résister, qui éructe de révolte et de colère, s'accroche aux codes les plus archaïques, et enferme les femmes à double tour. Une fin tragique, un naufrage, une faillite. Un tsunami d'incertitudes qui vient tout balayer avec la force et l'indifférence des catastrophes naturelles. Mais l'espoir est loin d'être perdu.

Car à ce même instant les jeunes mauresques passionnées de politique et de rencontres virtuelles, tchattent avec verdeur dans les cybercafés de la capitale.

Informations

Le groupe de discussion “ Unitariens francophones


Lancé le 9 avril 2005 par les chrétiens unitariens francophones (France, Burundi, Congo) et par notre réseau, ce groupe de discussion a maintenant 60 membres (62 au compteur mais deux membres s’étant réinscrits sans résilier leur inscription, nous avons des double-comptes).

Il réunit des personnes de conviction unitarienne ou autre puisque les fondateurs ont voulu créer un espace de liberté. La présentation du groupe le stipule clairement : “ Ce groupe de discussion est indépendant de toute association existante. De plus, il est ouvert à toutes les sensibilités unitariennes contemporaines. Le but de ce groupe est d’échanger principalement sur les bases de l’unitarisme et de l’universalisme dans un esprit d’ouverture ”.

Le rôle des fondateurs se limite à garantir cette liberté d’expression, également à rappeler les vertus du dialogue selon les principes éthiques de l’International Council of Unitarians and Universalist (ICUU). Bruno Cadez, membre de l’AFCU, est le modérateur de ce groupe.

83 personnes se sont inscrites à ce groupe, dont 35 les deux premiers mois (soit 42,2%). Notre réseau a joué un rôle important dans cette mise en place rapide. Ces inscrits de la première heure ont fait preuve de constance puisque 26 d’entre eux sont toujours membres du groupe, soit 3 sur 4 (74,3%). Mieux, le recrutement s’est poursuivi d’une façon continue : 16 autres en 2005, 31 en 2006, 10 en 2007 (jusqu’au 1er juillet). Ce n’était pas gagné d’avance car de nombreux groupes de discussion n’arrivent pas à prendre leur envol, ou bien cessent leur activité après un premier moment d’effervescence.

23 personnes ont quitté le groupe, soit 27,7 % ; ceci pour des raisons diverses allant du désaccord au manque de disponibilité. Autre regret : les personnes qui n’arrivent pas à s’habituer au fonctionnement technique, même si les groupes Yahoo sont d’un accès des plus aisés.

Les discussions vont bon train : 62 messages par mois en 2005, 109 en 2006 et 102 en 2007 (jusqu’à juin inclus). Elles mêlent thèmes théologiques, débats sur des questions spirituelles ou éthiques, expériences vécues, sites intéressants à aller découvrir, activités de nos associations, informations diverses, etc. En toute modestie, nous pouvons dire que notre groupe se situe parmi les plus discutants.

Le principe de ces groupes est simple. En répondant à un message ou bien en en déposant un, tous les membres du groupe le reçoivent dans leur messagerie. Des archives du groupe peuvent recevoir des fichiers, des photos, etc. Des “ forums ”, de forme plus complexe que les groupes Yahoo, proposent un classement thématique, mais dans ce cas les messages n’arrivent plus dans les boîtes aux lettres et c’est à chacun d’aller consulter le forum pour savoir s’il y a du nouveau.

Depuis un an sont apparus les blogs dont la plupart sont gérés par une personne qui y publie des messages et convie les visiteurs à réagir par des commentaires. C’est là une autre formule, mais cette fois-ci centrée sur une personne et son charisme.

Religions en liberté, une communauté de blogs

Les chrétiens unitariens animent trois blogs sur la plate-forme d’Over-blog (le site de l’AFCU, Actualités unitariennes, le site documentaire La Besace des unitariens). Ils ont mis à profit la possibilité offerte par cette plate-forme de faire des “ communautés de blog ” pour en lancer une, intitulée “ Religions en liberté ” : “ Vivre sa religion, sa spiritualité ou sa philosophie en conscience et liberté, d'une façon intelligente, avec raison et réflexion critique, avec tolérance et amour des autres ”.

Pour l’instant, ils ont été rejoints par deux autres bloggeurs, le pasteur Eric Georges, pasteur de l’ERF en Normandie, avec son blog “ Miettes de théologie ” qui connaît un grand succès et reçoit de nombreux commentaires à ses messages, et un prêtre catholique de la région bordelaise, Michel, qui, suite à un mariage et une démission remise à son évêque, préfère garder l’anonymat. D’autres rejoindront plus tard cette communauté lorsqu’ils auront pu accéder à la version 2 d’Over-blog qui permet cette mise en relation.

Cette communauté permet l’affichage des messages des uns et des autres dans une sorte de revue de presse, laquelle amplifie ainsi l’audience des blogs qui en sont membres.

Plus maniables que les sites, plus réactifs, les blogs ouvrent indéniablement une nouvelle étape dans l’aventure numérique. Nous l’avons dit à tous nos amis ! Ce sont des outils pour nos associations et les choses vont vite, très vite : si vous ne l’avez déjà fait, il est temps de prendre le train en marche ! Certains plus futés que d’autres, en sont déjà à la Second Life, comme nos amis unitariens-universalistes américains.

Font partie jusqu’à présent de la communauté “ Religions en liberté ” :

- le site de l’AFCU
- Actualités unitariennes
- Miettes de théologie : , créé par Eric Georges en octobre 2005.
- Vivre, faire vivre crée par Michel le 6 septembre 2005

Itinéraires spirituels dans la série des Cahiers Michel Servet

La besace des unitariens
Yves Lecornec, Michel Jamet, Jacques Gourc et Alain Dupuis témoignent de l’évolution de leur foi. Alain Dupuis y ajoute une méditation “ de Jésus au Dieu de Jésus, croire à l’aube du IIIème millénaire ”. Au prix de 5 euros (chèque à l’ordre de l’AFCU) à commander à Jean-Claude Barbier, voir adresse en entête du bulletin.

Libres propos

“ Être ”, Hazrat Inayat Khan (1882 - 1927),
présentation faite par Pascale sur le site fraternet.com, rubrique “ Osez la fraternité ”, le 22 janvier 2006

Celui qui deviendra l'une des figures emblématiques du soufisme naquit en Inde dans une famille de célèbres musiciens. Sa brillante carrière musicale et ses dons particuliers de compositeur, chanteur et joueur de vîna lui valurent une immense notoriété. Mais cette vertigineuse ascension artistique n'était que le reflet de sa quête d'harmonie, de son élan d'Amour vers le véritable “Musicien”.

Inayat Khan décida donc de suivre l'enseignement d'un grand maître soufi lequel lui demanda “d'harmoniser” le monde par ses chants. En orient comme en occident, Khan sensibilisa et subjugua non seulement par sa musique mais par les divines paroles qu'elle véhiculait, de sorte qu'il fut appelé à “ accorder les âmes au lieu d'accorder les notes ”. Il donna de nombreuses conférences sur le soufisme, qu'il présenta comme une forme de sagesse universelle, et fonda de nombreux centres pour accueillir ses disciples dont le plus proche fut Lucy Goodenough, celle qui retranscrivit son enseignement oral “ sous une forme exempte de toute corruption ”.

Profondément respectueux mais au-dessus de toutes appartenances religieuses, Inayat Khan tend à promouvoir la “ religion du cœur ” : celle qui consiste à faire connaissance avec sa nature profonde en s'éveillant à tout et à tous. Car son enseignement a ceci d'original qu'il montre que “ la seule manière de s'éveiller à la vie au-dedans, qui est des plus belles, est de répondre d'abord à la vie au-dehors ” et non de vivre comme un ascète. D'où l'importance de l'éveil au Divin par l'éveil à la beauté, c'est-à-dire, à tout ce qui génère l'harmonie.

Et c'est en développant l'harmonie dans nos paroles, nos pensées et comportements que nous apprenons à nous connaître nous-mêmes et que nous pouvons réellement être utiles aux autres. Car l'Amour de l'autre est bien sûr l'élément majeur de l'enseignement du Maître. “ Racine du phénomène entier de la vie ”, l'Amour est pour lui l'Etre même de Dieu mais aussi l'essence de notre nature profonde. Se découvrir soi-même, c'est donc découvrir que notre plus grand pouvoir est celui d'aimer toujours plus. “ Vous êtes l'amour, vous venez de l'amour, dit-il, vous êtes faits par l'amour, vous ne pouvez cesser d'aimer ”. Alors, quand l'Amour s'éveille dans le cœur du soufi, tout ce qu'il fait, tout ce qu'il est exprime le Divin. Et il comprend que la compassion, le pardon, la tolérance, l'humilité, la discrétion, la sagesse… sont autant de vertus salvatrices générées par l'Amour qui est en lui.

Aussi, à la suite du Christ qu'il se plaisait à citer, Inayat Khan exhorte chacun à aimer son ennemi, à ne pas répondre à la dysharmonie par de la dysharmonie mais par de l'Amour. Car, dit-il, “ à chaque fois que vous résistez au manque d'harmonie comme le rocher dans la mer, vous augmentez votre force intérieure jusqu'au jour où elle aura acquis ce rythme puissant qui entraînera le rythme de tous les autres ”.

Celui qui se plonge dans la sublime Vérité d'Hazrat Inayat Khan, véritable messager de Dieu, celui-là ne sera plus jamais tout à fait le même. Il est désormais rempli d'une lumière indicible qui lui donne envie d'être meilleur. Et il se sent aimant et confiant car il sait que son Bien-Aimé est là, en son cœur, et qu'Il ne veut exister que par lui…

Les ouvrages d’Hazrat Inayat Khan pouvant être commandés chez Amazon.fr : Gayan, notes de la musique silencieuse, La roseraie d'orient, The mind-world, The sufi message.

Les bulletins précédant de la Correspondance unitarienne consacrés au soufisme :
n° 33, juillet 2004 : " Le soufisme dans la vie quotidienne, un enseignement de Hazrat Inayat Khan (1882-1927)", http://prolib.net/unit/cu033.soufisme.htm
n° 47 septembre 2005 “ Le Christ d’après un mystique soufi ”, Hazrat Inayat Khan (extraits), texte envoyé au réseau par Michel Guillaume,
n° 67, mai 2007 : “ Le soufisme et l’unitarisme, convergences et différences”, Sophie Gloor.


          

 

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