Le soufisme ou la fin d’un
temps
par Hassan Aslafy
message du 4 juin 07 au groupe de discussion
“ Unitariens
francophones ”
Pour qui la spiritualité est une quête,
les temps présents n'ont jamais été aussi
extraordinaires.
Hasan Aslafy
Je me promenais il y a quelques
années
avec mon ami le cheikh el haj Mishri sur les dunes roses
qui épaulent son petit village mauritanien de Maata-Moulana,
au coeur du désert du Trarza. Sage soufi fort avisé,
apprécié de milliers de disciples, fin connaisseur
de la mystique ésotérique, j'avais à coeur
de l'entretenir d'un sujet qui me semblait important.
Je
lui expliquais l'intérêt des mondes virtuels
pour l'éducation, des effets d'ubiquité et
de co-présence que permettent les nouvelles technologies,
de la capacité de la chirurgie à restaurer
des membres entiers, à remplacer des coeurs, à opérer
des naissances "in vitro", aux nouvelles formes
de parentalité, au clonage et sollicitais sa réaction
dans une perspective islamique et soufie...
Il me répondit
que la particularité de la fin
des temps était l'extraordinaire impression de proximité du
monde matériel et du monde spirituel. Mais pas une
authentique proximité. Une impression induite par
moult subterfuges. Les hommes poursuivait-il, développeront
une puissance extraordinaire, démiurgique et illusoire,
s'octroyant de ce fait des pouvoirs et des capacités
fascinants qui lui donneront le sentiment de s'approprier
des attributs divins.
Vaine illusion me dit-il alors.
Tu vois, nous avec nos chèvres
et notre vie simple, nous voyons plus clair. Votre civilisation
matérielle et vos succès vous excitent, mais
ils finissent par vous rendre nerveux, amers, vous font perdre
vos repères, brouillent les relations, les sexes,
la réalité. Vous devenez un monde de corps
trop nourris tandis que vos âmes sont affamées
et errantes..... Si vidées de sens à l'intérieur
qu'elles en deviennent cyniques et athées.
Ainsi donc
et la boucle est bouclée ! A première
vue on partagerait presque le diagnostic.. ."Nos chèvres
et notre vie simple" et votre dégénérescence
humaine et sociétale... Cela n'était pas sans
me rappeler certains discours de chez nous...
Mais alors...
ces femmes voilées des pieds à la
tête, et qui la baissent, cette tête, au passage
des hommes, ces enfants ahanant le Coran à tue-tête
depuis 4 heures du matin, ces déchets qui traînent
partout dans le village, ces Noirs à peine remis d'un
statut d'esclave ancestral, ces filles qu'on marie à 13
ans pour s'en garantir l'hymen, cette hiérarchie qui
se partage entre marabouts et nobles les rentes juteuses
des terres et des dominations traditionnelles, cette vie
de tourneur en rond dans le cycle des jouissances illicites
et des repentances récurrentes… Tout cela serait
donc exemplaire ?
Je faisais pourtant des efforts.
J'aimais le soufisme et l'Islam, mais quelque chose ne tournait
pas
rond. Je voulais
tellement intégrer l'oeuf de cette vision du monde
si équilibrée, parfaite, et qui trouvait dans
le Coran, dans ses interprétations et méditations
crypto-ésotériques, dans les assemblées
de prière et les oraisons de dhikr une paix dense
et enfin repue.
Ah comme j'enviais parfois mes
amis français
convertis ! Eux avaient trouvé ! Et ils me le faisaient
comprendre, se vêtant plus “ maures ” que
les Maures, mangeant comme eux, et de plus en plus, pensant
comme eux
! Ils avaient rejeté les vieilles peaux usées
d'Occidentaux paumés pour redécouvrir les vraies
valeurs ! Ils m'expliquaient avec enthousiasme les "hal",
les états spirituels, la dévotion, la Vérité goûtée à la
source d'une tradition préservée au coeur du
désert... Et le soulagement de trouver enfin des valeurs
saines, la boussole qui reconstitue le kaléidoscope
brouillé de la réalité. Ici les femmes
sont des femmes. Elles sont les éleveuses des enfants,
les gardiennes sacrées du foyer et de leur "matrice".
C'était sans compter
sur ce grattement, ce chatouillis, ce parasite qui me retenait
constamment de rejoindre mes "frères
en Dieu". Un petit virus têtu, frondeur, pas plus
gros qu'un oeil de poule. Un ver dans ma pomme, bien au milieu,
impossible à extraire sans m'extraire moi-même
du carafon. Et ce bidule récalcitrant, têtu
comme Montaigne, et bien je tenais à lui dans le fond.
Je tenais à ce faramineux
goût de la liberté.
À ce plaisir de la diversité, cette assomption
des femmes et du féminin si longtemps minoré,
aux droits des minorités et des plus faibles, à la
liberté des cultes et des religions, à des
spiritualités sans dogmes, sans châtiment et
sans peur de Dieu, aux sciences humaines qui nous révèlent
la richesse de l'autre, de fragilité et de vulnérabilité.
Oui je préférais assumer ma condition incertaine
de quêteur, dans un monde en pleine mutation, en vivant
authentiquement ses crises et ses convulsions, en partageant
le pathétique pascalien de sa solitude, et la détermination
don quichottesque et humaniste d'aller de l'avant.
Mais je
crois, contrairement à mon ami soufi, que
le monde n'arrive pas à sa fin, mais bien à la
fin de son monde à lui. Un vieux monde qui bascule
dans la tempête. Qui veut plus que jamais résister,
qui éructe de révolte et de colère,
s'accroche aux codes les plus archaïques, et enferme
les femmes à double tour. Une fin tragique, un naufrage,
une faillite. Un tsunami d'incertitudes qui vient tout balayer
avec la force et l'indifférence des catastrophes naturelles.
Mais l'espoir est loin d'être perdu.
Car à ce
même instant les jeunes mauresques
passionnées de politique et de rencontres virtuelles,
tchattent avec verdeur dans les cybercafés de la capitale.
Informations Le
groupe de discussion “ Unitariens
francophones ”
Lancé le 9 avril 2005 par les chrétiens unitariens
francophones (France, Burundi, Congo) et par notre réseau,
ce groupe de discussion a maintenant 60 membres (62 au compteur
mais deux membres s’étant réinscrits
sans résilier leur inscription, nous avons des double-comptes).
Il réunit des personnes
de conviction unitarienne ou autre puisque les fondateurs
ont voulu créer un
espace de liberté. La présentation du groupe
le stipule clairement : “ Ce groupe de discussion est
indépendant de toute association existante. De plus,
il est ouvert à toutes les sensibilités unitariennes
contemporaines. Le but de ce groupe est d’échanger
principalement sur les bases de l’unitarisme et de
l’universalisme dans un esprit d’ouverture ”.
Le rôle des fondateurs
se limite à garantir
cette liberté d’expression, également à rappeler
les vertus du dialogue selon les principes éthiques
de l’International Council of Unitarians and Universalist
(ICUU). Bruno Cadez, membre de l’AFCU, est le modérateur
de ce groupe.
83 personnes se sont inscrites à ce
groupe, dont 35 les deux premiers mois (soit 42,2%). Notre
réseau
a joué un rôle important dans cette mise en
place rapide. Ces inscrits de la première heure ont
fait preuve de constance puisque 26 d’entre eux sont
toujours membres du groupe, soit 3 sur 4 (74,3%). Mieux,
le recrutement s’est poursuivi d’une façon
continue : 16 autres en 2005, 31 en 2006, 10 en 2007 (jusqu’au
1er juillet). Ce n’était pas gagné d’avance
car de nombreux groupes de discussion n’arrivent pas à prendre
leur envol, ou bien cessent leur activité après
un premier moment d’effervescence.
23 personnes ont
quitté le groupe, soit 27,7 % ; ceci
pour des raisons diverses allant du désaccord au manque
de disponibilité. Autre regret : les personnes qui
n’arrivent pas à s’habituer au fonctionnement
technique, même si les groupes Yahoo sont d’un
accès des plus aisés.
Les discussions vont bon
train : 62 messages par mois en 2005, 109 en 2006 et 102
en 2007 (jusqu’à juin
inclus). Elles mêlent thèmes théologiques,
débats sur des questions spirituelles ou éthiques,
expériences vécues, sites intéressants à aller
découvrir, activités de nos associations, informations
diverses, etc. En toute modestie, nous pouvons dire que notre
groupe se situe parmi les plus discutants.
Le principe de
ces groupes est simple. En répondant à un
message ou bien en en déposant un, tous les membres
du groupe le reçoivent dans leur messagerie. Des archives
du groupe peuvent recevoir des fichiers, des photos, etc.
Des “ forums ”, de forme plus complexe que les
groupes Yahoo, proposent un classement thématique,
mais dans ce cas les messages n’arrivent plus dans
les boîtes aux lettres et c’est à chacun
d’aller consulter le forum pour savoir s’il y
a du nouveau.
Depuis un an sont apparus les
blogs dont la plupart sont gérés par une personne
qui y publie des messages et convie les visiteurs à réagir
par des commentaires. C’est là une autre formule,
mais cette fois-ci centrée sur une personne et son
charisme.
Religions en liberté,
une communauté de
blogs
Les chrétiens unitariens
animent trois blogs sur la plate-forme d’Over-blog
(le site de l’AFCU, Actualités
unitariennes, le site documentaire La Besace des unitariens).
Ils ont mis à profit la possibilité offerte
par cette plate-forme de faire des “ communautés
de blog ” pour en lancer une, intitulée “ Religions
en liberté ” : “ Vivre sa religion, sa
spiritualité ou sa philosophie en conscience et liberté,
d'une façon intelligente, avec raison et réflexion
critique, avec tolérance et amour des autres ”.
Pour
l’instant, ils ont été rejoints
par deux autres bloggeurs, le pasteur Eric Georges, pasteur
de l’ERF en Normandie, avec son blog “ Miettes
de théologie ” qui connaît un grand succès
et reçoit de nombreux commentaires à ses messages,
et un prêtre catholique de la région bordelaise,
Michel, qui, suite à un mariage et une démission
remise à son évêque, préfère
garder l’anonymat. D’autres rejoindront plus
tard cette communauté lorsqu’ils auront pu accéder à la
version 2 d’Over-blog qui permet cette mise en relation.
Cette
communauté permet l’affichage des messages
des uns et des autres dans une sorte de revue de presse,
laquelle amplifie ainsi l’audience des blogs qui en
sont membres.
Plus maniables que les sites,
plus réactifs,
les blogs ouvrent indéniablement une nouvelle étape
dans l’aventure numérique. Nous l’avons
dit à tous
nos amis ! Ce sont des outils pour nos associations et les
choses vont vite, très vite : si vous ne l’avez
déjà fait, il est temps de prendre le train
en marche ! Certains plus futés que d’autres,
en sont déjà à la Second Life, comme
nos amis unitariens-universalistes américains.
Font
partie jusqu’à présent de la communauté “ Religions
en liberté ” :
- le site de l’AFCU
- Actualités unitariennes
- Miettes de
théologie : ,
créé par Eric Georges en octobre 2005.
- Vivre, faire vivre
crée
par Michel le 6 septembre 2005
Itinéraires spirituels
dans la série des Cahiers
Michel Servet
La
besace des unitariens
Yves Lecornec, Michel Jamet, Jacques Gourc et Alain Dupuis
témoignent de l’évolution de leur foi.
Alain Dupuis y ajoute une méditation “ de Jésus
au Dieu de Jésus, croire à l’aube du
IIIème millénaire ”. Au prix de 5 euros
(chèque à l’ordre de l’AFCU) à commander à Jean-Claude
Barbier, voir adresse en entête du bulletin.
Libres
propos
“ Être ”, Hazrat Inayat Khan (1882 - 1927),
présentation faite par Pascale sur le site fraternet.com,
rubrique “ Osez la fraternité ”, le 22
janvier 2006
Celui qui deviendra l'une des
figures emblématiques
du soufisme naquit en Inde dans une famille de célèbres
musiciens. Sa brillante carrière musicale et ses dons
particuliers de compositeur, chanteur et joueur de vîna
lui valurent une immense notoriété. Mais cette
vertigineuse ascension artistique n'était que le reflet
de sa quête d'harmonie, de son élan d'Amour
vers le véritable “Musicien”.
Inayat Khan
décida donc de suivre l'enseignement d'un
grand maître soufi lequel lui demanda “d'harmoniser” le
monde par ses chants. En orient comme en occident, Khan sensibilisa
et subjugua non seulement par sa musique mais par les divines
paroles qu'elle véhiculait, de sorte qu'il fut appelé à “ accorder
les âmes au lieu d'accorder les notes ”. Il donna
de nombreuses conférences sur le soufisme, qu'il présenta
comme une forme de sagesse universelle, et fonda de nombreux
centres pour accueillir ses disciples dont le plus proche
fut Lucy Goodenough, celle qui retranscrivit son enseignement
oral “ sous une forme exempte de toute corruption ”.
Profondément
respectueux mais au-dessus de toutes appartenances religieuses,
Inayat Khan tend à promouvoir
la “ religion du cœur ” : celle qui consiste à faire
connaissance avec sa nature profonde en s'éveillant à tout
et à tous. Car son enseignement a ceci d'original
qu'il montre que “ la seule manière de s'éveiller à la
vie au-dedans, qui est des plus belles, est de répondre
d'abord à la vie au-dehors ” et non de vivre
comme un ascète. D'où l'importance de l'éveil
au Divin par l'éveil à la beauté, c'est-à-dire, à tout
ce qui génère l'harmonie.
Et c'est en développant
l'harmonie dans nos paroles, nos pensées et comportements
que nous apprenons à nous
connaître nous-mêmes et que nous pouvons réellement être
utiles aux autres. Car l'Amour de l'autre est bien sûr
l'élément majeur de l'enseignement du Maître. “ Racine
du phénomène entier de la vie ”, l'Amour
est pour lui l'Etre même de Dieu mais aussi l'essence
de notre nature profonde. Se découvrir soi-même,
c'est donc découvrir que notre plus grand pouvoir
est celui d'aimer toujours plus. “ Vous êtes
l'amour, vous venez de l'amour, dit-il, vous êtes faits
par l'amour, vous ne pouvez cesser d'aimer ”. Alors,
quand l'Amour s'éveille dans le cœur du soufi,
tout ce qu'il fait, tout ce qu'il est exprime le Divin. Et
il comprend que la compassion, le pardon, la tolérance,
l'humilité, la discrétion, la sagesse… sont
autant de vertus salvatrices générées
par l'Amour qui est en lui.
Aussi, à la suite du
Christ qu'il se plaisait à citer,
Inayat Khan exhorte chacun à aimer son ennemi, à ne
pas répondre à la dysharmonie par de la dysharmonie
mais par de l'Amour. Car, dit-il, “ à chaque
fois que vous résistez au manque d'harmonie comme
le rocher dans la mer, vous augmentez votre force intérieure
jusqu'au jour où elle aura acquis ce rythme puissant
qui entraînera le rythme de tous les autres ”.
Celui
qui se plonge dans la sublime Vérité d'Hazrat
Inayat Khan, véritable messager de Dieu, celui-là ne
sera plus jamais tout à fait le même. Il est
désormais rempli d'une lumière indicible qui
lui donne envie d'être meilleur. Et il se sent aimant
et confiant car il sait que son Bien-Aimé est là,
en son cœur, et qu'Il ne veut exister que par lui…
Les
ouvrages d’Hazrat Inayat Khan pouvant être
commandés
chez Amazon.fr : Gayan, notes de la musique silencieuse,
La roseraie d'orient, The mind-world, The sufi message. Les
bulletins précédant de la Correspondance unitarienne
consacrés au soufisme :
n° 33, juillet 2004 : " Le
soufisme dans la vie quotidienne, un enseignement de Hazrat
Inayat Khan (1882-1927)",
http://prolib.net/unit/cu033.soufisme.htm
n° 47 septembre 2005 “ Le
Christ d’après
un mystique soufi ”, Hazrat Inayat Khan (extraits),
texte envoyé au réseau par Michel Guillaume,
n° 67,
mai 2007 : “ Le
soufisme et l’unitarisme,
convergences et différences”, Sophie Gloor.
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