CORRESPONDANCE UNITARIENNE

Réseau francophone animé par la
Fraternité unitarienne de Bordeaux

 

juin 2007 n° 68
 

 

 

 

Sommaire

 

- La conscience primordiale
- Les blogs unitariens
- Blanchard et Sauter
- Libres propos
- À quel saint se vouer ?

 

   

 

 

 

   

 

La conscience primordiale

Actualités
unitariennes

 

 


“ Je suis reconnaissant pour ce que j'ai et ce que je suis.
Mon Thanksgiving est perpétuel.
Il est surprenant comme on peut être contenté par rien de défini
- seulement un sens de l'existence”.
Lettre de Henry David Thoreau (1817-1862)
au pasteur unitarien H.G.O. Blake,
cité par Profils de libertés

Dieu ou…la “ Conscience primordiale ”
aux antipodes de l’anthropomorphisme

par Michel Jamet

Il est infiniment plus facile de décrire Dieu en creux : “ l’Indicible, l’Inconnaissable… ”, en négatif par ce qu’Il n’est pas et non par ce qu’Il est, tant Il dépasse (comme disait Jean Guitton) notre entendement humain - notre capacité à même Le concevoir…

Ce qu’Il n’est certainement pas :

Un Père “ anthropomorphe ” : on se souvient moins de la conceptualisation de Leibniz sur le sujet que de la paraphrase plaisante qu’en avait fait Voltaire : “ Dieu a créé l’Homme à son image… et l’homme le lui a bien rendu ! ”. Infiniment Bon, infiniment aimable, etc., comme on l’apprend au catéchisme : bref un genre de Papa-poule. Pour contester le concept, Jacques Prévert avait eu cette boutade : Notre Père qui êtes aux cieux, restez-y !

Un Dieu  interventionniste que les esprits simples invoquent pour qu’Il soulage leurs hémorroïdes (ou qu’Il fasse réussir leur fille au bac, c’est selon), tout comme on s’adresserait au docteur-miracle seul capable de nous soulager, ou au politicien clientéliste de papa qui nous obtiendra un passe-droits. Prière sinon “ alimentaire ” du moins utilitaire - donc pas tellement honorable quant à ses finalités… Mais qui n’en constitue pas moins depuis l’origine de l’humanité la quasi-totalité de la communication des hommes vers ce qu’ils ressentent comme l’Être suprême, Celui qui aurait “ réponse à tout ”.

Un Dieu “ Pantocratos ”, Tout-Puissant et manifestant cette Toute-Puissance au quotidien. Car si c’était le cas, comment admettre qu’Il ait laissé se perpétrer Auschwitz – ou plus simplement qu’Il ne puisse ou ne veuille empêcher le mal absolu, l’insupportable qu’est la mort d’un enfant qui laissera ses parents brisés.

Il faudrait savoir : si la liberté de l’homme est effective, s’il est bien responsable de tous ses actes alors il n’est pas “ dans la main de Dieu ” qui le guiderait au quotidien. Quel mérite sinon ?

Il me suffit de savoir - au vu des dernières connaissances scientifiques disponibles - que la naissance de la vie sur terre était statistiquement “ hautement improbable ” si on avait du s’en remettre au seul hasard pour aboutir à la 1ère étincelle de la vie à partir de la matière inerte diffuse dans le Cosmos. Tant la recette de cette origine de la vie monocellulaire pourtant la plus “ basique ” était complexe : aussi bien en termes de facteurs composants que de dosages.

Si des astrophysiciens et des généticiens de la pointure d’Hubert Reeves et d’Axel Kahn se disent eux-mêmes a-gnostiques sur la question (au sens premier), qu’ils n’ont pas encore forgé leur conviction définitive sur le pourquoi et le comment de “ l’impulsion initiale ” - donc sur l’origine de la vie - je ne me considère pas du tout obscurantiste en attribuant à Dieu (ou à “La Conscience primordiale ” si on préfère cette dénomination beaucoup moins “ connotée ”) l’initiative première d’où a pu naître la Vie.

Dès lors, je n’ai pas à faire de complexe face à la commisération de certains athées  “ négationnistes ” vis-à-vis de nous les croyants (“ les pauvres, ils en sont encore là… ”). Qui donnent dans l’agressivité sectaire, comme les croisés de je ne sais quelle “ religion du néant ”.

Accueillant pour ma part leurs convictions avec tolérance et respect j’aimerais bien pouvoir compter aussi sur la réciproque à l’égard de ma philosophie personnelle. D’autant que cette dernière - ni plus ni moins que la thèse opposée du “ ciel vide ” - est parfaitement compatible avec les connaissances scientifiques avérées à ce jour. Rien à voir avec le mouvement “ créationniste ” des néo-évangélistes américains qui conteste (entre autres) la théorie avérée de l’évolution de l’espèce et nous rétrograderait pour un peu à la fatwa Vaticane au XVIème siècle à l’encontre de Galilée contraint de choisir entre la rétractation et le bûcher (“ E por si muove…)

Mais avec une Conscience primordiale aussi “ lointaine ” par rapport à notre quotidien, sommes-nous pour autant des orphelins sans secours spirituel face aux épreuves qui trament notre vie terrestre ?

Pour ma part (mais chacun fait comme il veut !), je ne me sens ni orphelin ni abandonné puisque j’ai trouvé ma voie dans l’enseignement de Ieshua, pleinement homme comme moi, mais prophète au sens premier, inspiré par le Père et s’exprimant en son Nom. Personne sur terre (ni avant lui dans l’Ancien Testament, ni après… sans vouloir médire du Coran !) n’aura délivré un message approchant seulement cette transcendance inhumaine, au-delà de l’humain.

Tel que je le ressens à chaque page des Evangiles (canoniques ou non), ce Père-là n’est ni lointain ni insensible dès lors que je m’en approche via Jésus mon “ médiateur ”. “ Dieu nous accepte tels que nous sommes ” (la formule est du pasteur André Gounelle) et Jésus-Christ est (…si j’ose dire) mon “ agent ” auprès de Lui…

En tout cas, c’est là mon modeste “ Pari de Pascal ”…

Informations


Le blog de l’AFCU a été lancé le 6 décembre 2006, les “ Actualités unitariennes ” le 13 février et “ la Besace ” le 16 février. Les statistiques comptent, pour chaque jour et avec récapitulatif mensuel, le nombre de visiteurs (à raison d’une visite par jour, à savoir qu’un visiteur qui reviendrait plusieurs fois par jour n’est compté qu’une seule fois – c’est ce que les statistiques entendent par “ visiteur unique ”), celui des messages lues (= pages), enfin une note appelée “ blog rank ” par la plate forme (Over-blog) qui nous accueille et qui note sur 100 la performance selon un indice complexe (en articles publiés, audience, etc.).

Avec un note variant de 42 à 61 au mois de mai, nos “ Actualités unitariennes ” se classent, au sein de cette plate-forme, dans les 20 premiers blogs qui se consacrent à la religion.

Tous les textes d’Albert Blanchard-Gaillard et de Roger Sauter

Le site documentaire “ La besace des unitariens ” s’étoffe progressivement. Vous y trouverez entre autres les sommaires des “ Approches unitariennes ”, le bulletin interne de l’Association unitarienne francophone (AUF) qui exista de juillet 1986 à janvier 2006 ; également tous les textes d’Albert Blanchard-Gaillard, historien, fondateur et maître d’œuvre de cette association de 1986 à 1996, et de Roger Sauter, théologien laïc, membre actif de l’Union protestante libérale (UPL) de Genève, qui adhéra à l’AUF depuis 1990 et qui en fut le président d’honneur à partir de 1998. Le site donne les références sur Internet lorsque les articles ont déjà été mis en ligne, et publie ceux qui ne le sont pas encore. http://labesacedesunitariens.over-blog.com

Libres propos

Le commentaire de Bernard Sesboüé s.j. sur le texte de Michel Jamet

J’essaie de réagir à ton papier sur Dieu. Dieu anthropomorphe : tu fais référence au bon mot de Voltaire ; en fait c’est un philosophe grec qui l’avait dit la 1ère fois - tel que relaté par le P. de Lubac aux premières lignes de son beau livre Sur les chemins de Dieu (Cerf, 1983) : “ Est-ce Moïse qui a raison ou est-ce Xénophane ? Dieu a-t-il fait l’homme à son image, ou n’est-ce pas plutôt l’homme qui a fait Dieu à la sienne ? Les apparences sont pour Xénophane, - et néanmoins c’est Moïse qui dit vrai. Et au fond Xénophane en convient ”.

Dieu interventionniste, d’accord. Dieu “ Pantokratôr ”, oui à condition de ne pas oublier qu’Il a renoncé à sa Toute-Puissance en créant l’homme libre. C’est l’idée de l’Allemand Jonas dans Dieu après Auschwitz. C’était aussi l’idée d’Edith Stein, morte dans le même camp d’extermination d’Auschwitz. La liberté de l’homme est la seule chose devant laquelle la volonté de Dieu s’arrête. Dieu, plus toute la création, c’est moins que Dieu tout seul... Dieu se “ retire ” d’une région de l’être pour faire apparaître la création, tout comme la mer se retire pour faire apparaître la plage...

Cela dit, il est vrai que nous sommes toujours au rouet pour parler de Dieu : parce que nous devons toujours partir de nos représentations pour les affirmer en un premier temps, afin de dire quelque chose, pour les nier ensuite, car elles sont inappropriées à leur sujet (“ voie négative ”) et enfin pour les réaffirmer selon la visée d’un point de fuite qui intègre la négation (voie dite d’éminence).

L’agnosticisme est une grande vertu. Parce qu’il est modeste et respectueux du mystère du monde. L’athée “ condescendant ” ne mérite pas le respect, pas plus d’ailleurs que le croyant “ supérieur ”. Le véritable athée est celui qui se “ bat ” avec la question de Dieu qui le tarabuste sans cesse. Proudhon - athée par excellence - avouait qu’il avait réfléchi à la question de Dieu tous les jours de sa vie... N’était-il pas à sa manière un homme profondément respectueux du mystère de notre destinée ?

Rahner dit au contraire que si le nom de Dieu était complètement “ oublié ” de toute l’humanité, s’il n’y avait même plus aucun athée (c’est-à-dire des hommes qui prennent position “ contre ” Dieu), alors l’humanité pourrait bien continuer à additionner des prouesses techniques : elle serait devenue une fourmilière. Le mot de Dieu, confié à l’homme, est aussi une écharde dans sa chair. L’écharde qui le fait vivre, la blessure qui le fait marcher.

Nous devons respecter tous ceux qui se positionnent (d’une manière ou d’une autre) à l’égard de Dieu. Mais nous n’avons pas à avoir mauvaise conscience de notre foi, comme s’il s’agissait d’une faiblesse.

Nous ne sommes pas des “ primitifs ”. La reconnaissance du Christ envoyé du Père “ révèle ” en quelque sorte ce que nous pressentions obscurément. Je sais bien que Comte-Sponville fait au christianisme le grand reproche d’être “ trop beau pour être vrai ” ( !). Oui certes, le christianisme répond à mon attente d’homme la plus profonde. Mais aussi il la dépasse, la déplace, la “ déstabilise ”.

Voilà j’en resterai là pour aujourd’hui. J’ai bien aimé le ton de ton texte. “ Il n’y a qu’une seul Médiateur entre Dieu et les hommes, un homme, le Christ Jésus ” (1 Tm 2,5).

A quel saint se vouer ?

Jean-Claude Barbier

À l’occasion de ces prochaines vacances d’été, en déambulant au travers de nos provinces, vous aurez peut-être l’occasion de tomber sur un pardon breton ou une fête paroissiale. Mais faut-il y voir encore un “ culte des saints ” ?

Certains voudraient supprimer ces idolâtries bien païennes au nom de notre monothéisme radical. Mais le rabbi Iéshoua, que je sache, lui qui participait aux fêtes (Cana et autres bons repas), n’était pas un rabat joie. Non merci aux réformes iconoclastes introduites par Calvin et autres dictateurs ecclésiaux, aux cures d’amaigrissement voulues par les biblistes d’aujourd’hui qui voient des idoles partout (je fais ici allusion aux “ néo-évangélistes ” de style pentecôtiste), ou encore aux rationalistes (çà c’est dans nos rangs !), aux programmes de modernisation qui veulent balayer ce que les générations antérieures ont fait et vécues (comme de vieux parents dont on aurait honte ?), aux intégrismes de tout bord y compris de ceux qui se parent de “ progressisme ”.

Bien entendu, les unitariens n’ont cure pour eux-mêmes de ces cultes qui reposent sur la croyance d’un dieu providentiel, de ses anges et de ses saints, sans oublier “ la maman de Jésus ”, mais, que diable, laissons les gens concernés exprimer à leur façon leur reconnaissance et leur chérissement vis-à-vis de leurs “ devanciers ”, des fondateurs (réels ou mythiques) de leur communauté, de leurs supposés protecteurs et protectrices, de ceux qui, à leurs yeux, ont fait leur histoire, ont forgé leur identité.

L’unitarisme est un christianisme libéral (une religion libérale en ce qui concerne l’unitarisme-universalisme) et implique le respect des autres croyances et pratiques religieuses, dès lors que celles-ci ne contredisent pas l’humain, à l’opposé de l’intégrisme bête et méchant de ceux qui veulent instaurer leur ordre au détriment des autres.

Certains voudraient que l’unitarien soit un être qui, à force de démystification des Ecritures (comme par une ascèse moderne), se serait dépouillé des illusions d’antan, des pratiques erronées, de tout anthropomorphisme. Certes oui ! mais ne jetons pas pour autant le bébé avec le bain pour reprendre un proverbe populaire, ne jetons pas l’humain que nous sommes, l’Adam de la glèbe, notre propre culture car nos enfants ont aussi besoin de notre fierté en face des symboles.

Cela me fait penser à Platon qui, un jour antique, pluma un poulet et le jeta au milieu de l’agora en contradiction à un autre philosophe qui, lui, prétendait que l’homme était un bipède sans plume. Eh oui, comme les oiseaux du bon Dieu nous avons des plumes colorées ! Gardons les très précieusement.

C’est pour cela que nous avons à retrouver nos traditions, y compris “ païennes ”, et à les vivre avec intelligence. Ce n’est pas là une question de foi, mais d’enracinement culturel.

Et puis, si les saints de nos terroirs ne nous plaisent pas, pensons à nos martyrs des XVI°et XVII° siècles grâce à qui l’anti-trinitarisme s’est manifesté. Ne les oublions pas, à commencer par Michel Servet dont le village natal, Villanueva de Sijena en Aragon, entretient si bien la mémoire. Allons fleurir leurs monuments et disons haut et fort que nous en sommes les fiers héritiers… en compagnie d’autres personnes venues de divers horizons car nous ne sommes pas les seuls à les aimer.

Alors que le théisme en France, pris dans la tourmente révolutionnaire, s’est fait résolument anti-religions particulières avec le culte de Dame Raison, il fut aux Etats-Unis érigé en religion officielle sans pour autant niées celles-ci. L’unitarisme-universalisme en est l’héritier, qui pratique volontiers à l’occasion les fêtes religieuses des uns et des autres sans nul syncrétisme ou état d’âme.

Voir la CU n° 48, octobre 2005 “ Les monuments à Michel Servet … ”,
et n° 60, octobre 2006 “ Michel Servet à Paris ; une statue comme point de ralliement ”.
Voir aussi notre article sur le site de Profils de libertés
le culte communautaire et les festivités pour tous ”

Le “ Cahiers Michel Servet ” n° 8 présente les “ Itinéraires spirituels ” de Yves Lecornec, Michel Jamet, Jacques Gourc et Alain Dupuis. Au prix de 5 euros, à commander à la CU.


          

 

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