“
Je suis reconnaissant pour ce que j'ai et ce que je suis.
Mon Thanksgiving est perpétuel.
Il est surprenant comme on peut être contenté par
rien de défini
- seulement un sens de l'existence”.
Lettre de Henry David Thoreau (1817-1862)
au pasteur unitarien
H.G.O. Blake,
cité par Profils
de libertés
Dieu
ou…la “ Conscience primordiale ”
aux antipodes de l’anthropomorphisme
par Michel Jamet
Il
est infiniment plus facile de décrire
Dieu en creux : “ l’Indicible, l’Inconnaissable… ”,
en négatif par ce qu’Il n’est pas et non
par ce qu’Il est, tant Il dépasse (comme disait
Jean Guitton) notre entendement humain - notre capacité à même
Le concevoir…
Ce qu’Il n’est certainement
pas :
Un Père “ anthropomorphe ” :
on se souvient moins de la conceptualisation de Leibniz sur
le sujet que de la paraphrase plaisante qu’en avait
fait Voltaire : “ Dieu a créé l’Homme à son
image… et l’homme le lui a bien rendu ! ”.
Infiniment Bon, infiniment aimable, etc., comme on l’apprend
au catéchisme : bref un genre de Papa-poule.
Pour contester le concept, Jacques Prévert avait eu
cette boutade : Notre Père qui êtes aux
cieux, restez-y !
Un Dieu interventionniste que
les esprits simples invoquent pour qu’Il soulage leurs
hémorroïdes (ou
qu’Il fasse réussir leur fille au bac, c’est
selon), tout comme on s’adresserait au docteur-miracle seul capable de nous soulager, ou au politicien clientéliste
de papa qui nous obtiendra un passe-droits. Prière
sinon “ alimentaire ” du moins utilitaire
- donc pas tellement honorable quant à ses finalités… Mais
qui n’en constitue pas moins depuis l’origine
de l’humanité la quasi-totalité de la
communication des hommes vers ce qu’ils ressentent
comme l’Être suprême, Celui qui aurait “ réponse à tout ”.
Un
Dieu “ Pantocratos ”, Tout-Puissant
et manifestant cette Toute-Puissance au quotidien. Car si
c’était le cas, comment admettre qu’Il
ait laissé se perpétrer Auschwitz – ou
plus simplement qu’Il ne puisse ou ne veuille empêcher
le mal absolu, l’insupportable qu’est la mort
d’un enfant qui laissera ses parents brisés.
Il
faudrait savoir : si la liberté de l’homme
est effective,
s’il est bien responsable de tous ses actes alors il n’est pas “ dans
la main de Dieu ” qui le guiderait au quotidien. Quel mérite
sinon ?
Il me suffit de savoir - au vu des dernières
connaissances scientifiques
disponibles - que la naissance de la vie sur terre était statistiquement “ hautement
improbable ” si on avait du s’en remettre au seul hasard pour
aboutir à la 1ère étincelle de la vie à partir
de la matière inerte diffuse dans le Cosmos. Tant la recette de cette
origine de la vie monocellulaire pourtant la plus “ basique ” était
complexe : aussi bien en termes de facteurs composants que de dosages.
Si
des astrophysiciens et des généticiens de la pointure d’Hubert
Reeves et d’Axel Kahn se disent eux-mêmes a-gnostiques sur la
question (au sens premier), qu’ils n’ont pas encore forgé leur
conviction définitive sur le pourquoi et le comment de “ l’impulsion
initiale ” - donc sur l’origine de la vie - je ne me considère
pas du tout obscurantiste en attribuant à Dieu (ou à “La Conscience
primordiale ” si on préfère cette dénomination
beaucoup moins “ connotée ”) l’initiative
première d’où a pu naître la Vie.
Dès lors,
je n’ai pas à faire de complexe face à la
commisération de certains athées “ négationnistes ” vis-à-vis
de nous les croyants (“ les pauvres, ils en sont encore
là… ”).
Qui donnent dans l’agressivité sectaire, comme les croisés
de je ne sais quelle “ religion du néant ”.
Accueillant
pour ma part leurs convictions avec tolérance et respect j’aimerais
bien pouvoir compter aussi sur la réciproque à l’égard
de ma philosophie personnelle. D’autant que cette dernière
- ni plus ni moins que la thèse opposée du “ ciel
vide ” -
est parfaitement compatible avec les connaissances scientifiques avérées à ce
jour. Rien à voir avec le mouvement “ créationniste ” des
néo-évangélistes américains qui conteste
(entre autres) la théorie avérée de l’évolution
de l’espèce
et nous rétrograderait pour un peu à la fatwa Vaticane
au XVIème
siècle à l’encontre de Galilée contraint de
choisir entre la rétractation et le bûcher (“ E
por si muove…)
Mais avec une Conscience primordiale aussi “ lointaine ” par
rapport à notre quotidien, sommes-nous pour autant des orphelins
sans secours spirituel face aux épreuves qui trament notre vie
terrestre ?
Pour ma part (mais chacun fait comme il veut !),
je ne me sens ni orphelin ni abandonné puisque j’ai
trouvé ma
voie dans l’enseignement
de Ieshua, pleinement homme comme moi, mais prophète
au sens premier, inspiré par le Père et s’exprimant
en son Nom. Personne sur terre (ni avant lui dans l’Ancien
Testament, ni après… sans
vouloir médire du Coran !) n’aura délivré un
message approchant seulement cette transcendance inhumaine, au-delà de
l’humain.
Tel que je le ressens à chaque page
des Evangiles (canoniques ou non), ce Père-là n’est
ni lointain ni insensible dès lors
que je m’en approche via Jésus mon “ médiateur ”. “ Dieu
nous accepte tels que nous sommes ” (la formule est
du pasteur André Gounelle)
et Jésus-Christ est (…si j’ose dire) mon “ agent ” auprès
de Lui…
En tout cas, c’est là mon modeste “ Pari
de Pascal ”…
Informations
Le blog de l’AFCU a été lancé le
6 décembre
2006, les “ Actualités unitariennes ” le 13 février
et “ la Besace ” le 16 février. Les statistiques comptent,
pour chaque jour et avec récapitulatif mensuel, le nombre de visiteurs
(à raison d’une visite par jour, à savoir qu’un
visiteur qui reviendrait plusieurs fois par jour n’est compté qu’une
seule fois – c’est ce que les statistiques entendent par “ visiteur
unique ”), celui des messages lues (= pages), enfin une note appelée “ blog
rank ” par la plate forme (Over-blog) qui nous accueille et qui note
sur 100 la performance selon un indice complexe (en articles publiés,
audience, etc.).
Avec un note variant de 42 à 61 au
mois de mai, nos “ Actualités
unitariennes ” se classent, au sein de cette plate-forme, dans les
20 premiers blogs qui se consacrent à la religion.
Tous les textes
d’Albert Blanchard-Gaillard et de Roger Sauter
Le site documentaire “ La
besace des unitariens ” s’étoffe
progressivement. Vous y trouverez entre autres les sommaires des “ Approches
unitariennes ”, le bulletin interne de l’Association
unitarienne francophone (AUF) qui exista de juillet 1986 à janvier
2006 ; également
tous les textes d’Albert Blanchard-Gaillard, historien, fondateur
et maître
d’œuvre de cette association de 1986 à 1996, et de
Roger Sauter, théologien laïc, membre actif de l’Union
protestante libérale
(UPL) de Genève, qui adhéra à l’AUF depuis
1990 et qui en fut le président d’honneur à partir
de 1998. Le site donne les références sur Internet lorsque
les articles ont déjà été mis
en ligne, et publie ceux qui ne le sont pas encore. http://labesacedesunitariens.over-blog.com
Libres
propos
Le commentaire de Bernard Sesboüé s.j.
sur le texte de Michel Jamet
J’essaie de réagir à ton
papier sur Dieu. Dieu anthropomorphe :
tu fais référence au bon mot de Voltaire ; en
fait c’est
un philosophe grec qui l’avait dit la 1ère fois -
tel que relaté par
le P. de Lubac aux premières lignes de son beau livre Sur
les chemins de Dieu (Cerf, 1983) : “ Est-ce
Moïse
qui a raison ou est-ce Xénophane ? Dieu a-t-il fait
l’homme à son image, ou
n’est-ce pas plutôt l’homme qui a fait Dieu à la
sienne ?
Les apparences sont pour Xénophane, - et néanmoins
c’est
Moïse qui dit vrai. Et au fond Xénophane en convient ”.
Dieu
interventionniste, d’accord. Dieu “ Pantokratôr ”,
oui à condition de ne pas oublier qu’Il a renoncé à sa
Toute-Puissance en créant l’homme libre. C’est
l’idée
de l’Allemand Jonas dans Dieu après Auschwitz. C’était
aussi l’idée d’Edith Stein, morte dans le
même
camp d’extermination d’Auschwitz. La liberté de
l’homme est
la seule chose devant laquelle la volonté de Dieu s’arrête.
Dieu, plus toute la création, c’est moins que Dieu
tout seul... Dieu se “ retire ” d’une
région de l’être
pour faire apparaître la création, tout comme la
mer se retire pour faire apparaître la plage...
Cela dit,
il est vrai que nous sommes toujours au rouet pour parler de
Dieu :
parce que nous devons toujours partir de nos représentations
pour les affirmer en un premier temps, afin de dire quelque
chose, pour les nier ensuite,
car elles sont inappropriées à leur sujet (“ voie
négative ”)
et enfin pour les réaffirmer selon la visée d’un
point de fuite qui intègre la négation (voie
dite d’éminence).
L’agnosticisme est une
grande vertu. Parce qu’il est modeste et respectueux
du mystère du monde. L’athée “ condescendant ” ne
mérite pas le respect, pas plus d’ailleurs que
le croyant “ supérieur ”.
Le véritable athée est celui qui se “ bat ” avec
la question de Dieu qui le tarabuste sans cesse. Proudhon
- athée
par excellence - avouait qu’il avait réfléchi à la
question de Dieu tous les jours de sa vie... N’était-il
pas à sa
manière un homme profondément respectueux du
mystère de
notre destinée ?
Rahner dit au contraire que
si le nom de Dieu était complètement “ oublié ” de
toute l’humanité, s’il n’y avait
même plus aucun
athée (c’est-à-dire des hommes qui prennent
position “ contre ” Dieu),
alors l’humanité pourrait bien continuer à additionner
des prouesses techniques : elle serait devenue une fourmilière.
Le mot de Dieu, confié à l’homme,
est aussi une écharde dans
sa chair. L’écharde qui le fait vivre, la blessure
qui le fait marcher.
Nous devons respecter tous ceux qui se
positionnent (d’une
manière
ou d’une autre) à l’égard de Dieu.
Mais nous n’avons
pas à avoir mauvaise conscience de notre foi, comme
s’il s’agissait
d’une faiblesse.
Nous ne sommes pas des “ primitifs ”.
La reconnaissance du Christ envoyé du Père “ révèle ” en
quelque sorte ce que nous pressentions obscurément.
Je sais bien que Comte-Sponville fait au christianisme le
grand reproche d’être “ trop
beau pour être vrai ” ( !). Oui certes,
le christianisme répond à mon attente d’homme
la plus profonde. Mais aussi il la dépasse, la déplace,
la “ déstabilise ”.
Voilà j’en
resterai là pour aujourd’hui. J’ai
bien aimé le ton de ton texte. “ Il
n’y
a qu’une
seul Médiateur entre Dieu et les hommes, un homme,
le Christ Jésus ” (1
Tm 2,5).
A quel saint se vouer ?
Jean-Claude Barbier
À l’occasion de
ces prochaines vacances d’été, en déambulant
au travers de nos provinces, vous aurez peut-être l’occasion
de tomber sur un pardon breton ou une fête paroissiale.
Mais faut-il y voir encore un “ culte des saints ” ?
Certains
voudraient supprimer ces idolâtries bien païennes
au nom de notre monothéisme radical. Mais le rabbi
Iéshoua, que je sache,
lui qui participait aux fêtes (Cana et autres bons
repas), n’était
pas un rabat joie. Non merci aux réformes iconoclastes
introduites par Calvin et autres dictateurs ecclésiaux,
aux cures d’amaigrissement
voulues par les biblistes d’aujourd’hui qui voient
des idoles partout (je fais ici allusion aux “ néo-évangélistes ” de
style pentecôtiste), ou encore aux rationalistes (çà c’est
dans nos rangs !), aux programmes de modernisation qui
veulent balayer ce que les générations antérieures
ont fait et vécues
(comme de vieux parents dont on aurait honte ?), aux
intégrismes
de tout bord y compris de ceux qui se parent de “ progressisme ”.
Bien
entendu, les unitariens n’ont cure pour eux-mêmes
de ces cultes qui reposent sur la croyance d’un dieu
providentiel, de ses anges et de ses saints, sans oublier “ la
maman de Jésus ”,
mais, que diable, laissons les gens concernés exprimer à leur
façon
leur reconnaissance et leur chérissement vis-à-vis
de leurs “ devanciers ”,
des fondateurs (réels ou mythiques) de leur communauté,
de leurs supposés protecteurs et protectrices, de
ceux qui, à leurs yeux,
ont fait leur histoire, ont forgé leur identité.
L’unitarisme est un christianisme libéral
(une religion libérale
en ce qui concerne l’unitarisme-universalisme) et implique
le respect des autres croyances et pratiques religieuses,
dès lors que celles-ci ne contredisent
pas l’humain, à l’opposé de l’intégrisme
bête et méchant de ceux qui veulent instaurer
leur ordre au détriment
des autres.
Certains voudraient que l’unitarien
soit un être qui, à force
de démystification des Ecritures (comme par une ascèse
moderne), se serait dépouillé des illusions
d’antan, des pratiques
erronées, de tout anthropomorphisme. Certes oui !
mais ne jetons pas pour autant le bébé avec
le bain pour reprendre un proverbe populaire, ne jetons pas
l’humain que nous sommes, l’Adam de la glèbe,
notre propre culture car nos enfants ont aussi besoin de
notre fierté en
face des symboles.
Cela me fait penser à Platon qui,
un jour antique, pluma un poulet et le jeta au milieu de
l’agora en contradiction à un autre philosophe
qui, lui, prétendait que l’homme était
un bipède sans
plume. Eh oui, comme les oiseaux du bon Dieu nous avons des
plumes colorées !
Gardons les très précieusement.
C’est
pour cela que nous avons à retrouver nos traditions,
y compris “ païennes ”,
et à les vivre avec intelligence. Ce n’est pas
là une question
de foi, mais d’enracinement culturel.
Et puis, si les
saints de nos terroirs ne nous plaisent pas, pensons à nos
martyrs des XVI°et XVII° siècles grâce à qui
l’anti-trinitarisme
s’est manifesté. Ne les oublions pas, à commencer
par Michel Servet dont le village natal, Villanueva de Sijena
en Aragon, entretient si bien
la mémoire. Allons fleurir leurs monuments et disons
haut et fort que nous en sommes les fiers héritiers… en
compagnie d’autres
personnes venues de divers horizons car nous ne sommes pas
les seuls à les
aimer.
Alors que le théisme en France, pris dans la
tourmente révolutionnaire,
s’est fait résolument anti-religions particulières
avec le culte de Dame Raison, il fut aux Etats-Unis érigé en
religion officielle sans pour autant niées celles-ci.
L’unitarisme-universalisme en
est l’héritier, qui pratique volontiers à l’occasion
les fêtes religieuses des uns et des autres sans nul
syncrétisme
ou état d’âme.
Voir
la CU n° 48, octobre 2005 “ Les
monuments à Michel
Servet … ”,
et n° 60, octobre 2006 “ Michel Servet à Paris ; une
statue comme point de ralliement ”.
Voir aussi notre article sur le site de Profils
de libertés
“ le
culte communautaire et les festivités pour tous ”
Le “ Cahiers
Michel Servet ” n° 8 présente les “ Itinéraires
spirituels ” de Yves Lecornec, Michel Jamet, Jacques
Gourc et Alain Dupuis. Au prix de 5 euros, à commander à la
CU.
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