CORRESPONDANCE UNITARIENNE    juin 2005

Croire à la Trinité ?

Actualités
unitariennes


n° 44

"Quand une bribe de vérité est tombée de la bouche d'un Maître saint,
ceux qui le suivent s'empressent d'en faire un principe rigide,
et si possible de la couler dans un système.
Ainsi est née toute la théologie"
Michel Guillaume, réflexions soufies, Carnet de bord, énigmes et paradoxes (inédit)

l'Eglise évangélique réformée du canton de Vaud (EERV)
maintient sa liberté de croire

par Claude Schwab, pasteur de l'EERV
" Croire à la Trinité ?", édito de Bonne nouvelle, bulletin mensuel de l'EERV, avril 2005

Faut-il croire à la Trinité pour être protestant ? C'est la question délicate que devait trancher le synode de l'Eglise évangélique réformée du canton de Vaud au début d'avril.

D'un côté, il s'agissait d'être solidaire avec la plupart des Eglises chrétiennes ; cette exigence poussait à traduire dans nos principes constitutifs les décisions prises par les états-majors d'Eglises signant des chartes œcuméniques ou des formules de concorde. Selon ces textes, être chrétien, c'est confesser un Dieu trinitaire : Dieu unique en trois personnes, le Père, le Fils et le Saint-Esprit, tel que défini par les conciles œcuméniques de Nicée et de Constantinople au IVè siècle.

D'un autre côté, il s'agissait des respecter les convictions des membres mêmes de l'Eglise réformée. Si beaucoup confessent un Dieu trinitaire, d'autres ne s'y reconnaissent pas, insistant sur le caractère postérieur au Nouveau Testament du développement du dogme trinitaire ou sur les conditions pour le moins troubles de son acceptation par une Eglise aux ordres des empereurs romains.

Mais derrière cette question, qui peut paraître byzantine, il y a la question de la liberté de croire. Pour le meilleur ou pour le pire, l'Eglise réformée n'impose pas de confession de foi contraignante à ses ministres et à ses fidèles ; elle "remet à Dieu le jugement des cœurs". Tenté d'imiter d'autres Eglises revendiquant une doctrine unique de la foi, le Synode a finalement décidé de ne pas imposer à ses membres la manière et les mots pour dire ce que l'on croit. Dans sa sagesse, il n'a pas voulu entrer dans la surenchère à l'hypocrisie qui consiste à passer des accords sur des mots et aussitôt à les renier par des exercices de restriction mentale. Il reconnaît à chaque personne "l'art de douter et de croire, d'ignorer et de savoir", selon la formule de Sébastien Castellon. Il n'impose pas de réponse toute faite à la question posée par Jésus : "Et vous, qui dites vous que je suis ?"

Déjà un autre pasteur de la même Eglise, Bernard Reymond, dans un article publié par Le Protestant (Genève) de septembre 2004 (p. 6), avait prévenu de son désaccord si le Synode imposait le dogme trinitaire : "Désolé, mais je ne confesse pas "Dieu, Père, Fils et Saint-Esprit"… .

Dans le même bulletin "Bonne nouvelle", Vincent Volet rappelle qu'en situation de pluralisme il est important que chacun dise qui il est afin de mieux dialoguer avec les autres : "Pendant longtemps, l'EERV a été l'Eglise de référence du canton. Cela dit sans forfanterie. L'histoire a créé ce lien particulier entre une Eglise, un Etat, une population. Il en demeure quelque chose, mais les temps ont changé. La société vaudoise est devenue pluraliste et l'Eglise réformée une Eglise avec d'autres. La nouvelle Constitution en témoigne. Elle place sur pied d'égalité les Eglises réformée et catholique ; elle s'ouvre à la reconnaissance d'autres Eglises et communautés religieuses. L'adoption des nouveaux Principes constitutifs par le Synode, après ceux de 1966, s'inscrit dans ce contexte. En situation de pluralisme, il faut pouvoir dire "qui on est". Non pour se barricader, mais pour être une communauté identifiable, au clair de sa foi et les valeurs qu'elle engage dans le dialogue".

Ces "Principes constitutifs" sont consultables sur le site de l'EERV. Nous autres, unitariens, nous nous réjouissons de cette décision, non seulement parce que nous n'adhérons pas au dogme trinitaire, mais aussi, comme le rappelle Claude Schwab, au nom de la liberté de croire. L'International Council of Unitarians and Universalists (ICUU) recommande aux congrégations et associations membres de ne pas mettre en avant un credo. Nos communautés, à chacune d'elles de savoir s'identifier, doivent être ouvertes à tous, y compris aux autres croyants, aux agnostiques et aux athées, sans aucune discrimination.