CORRESPONDANCE UNITARIENNE    mai 2003

Congrégations, associations et réseaux
à la disposition des unitariens

Actualités
unitariennes


n° 19

L'histoire de l'unitarisme est celle d'une liberté religieuse retrouvée, émancipée des dogmes, mais aussi le refus d'une mise en tutelle par des appareils cléricaux. Nous suivons notre maître spirituel, le rabbi Yéshoua de Nazareth, un point c'est tout ! Nous en sommes fiers, même si cela entraîne pour certains d'entre nous une solitude cultuelle.

Il convient de rappeler cette liberté institutionnelle dont nous disposons, legs historique d'une Réforme radicale où les unitariens côtoyèrent les anabaptistes - anarchistes de l'époque ! Puis, au Siècle des lumières ils se mirent à fréquenter des philosophes qui n'avaient de cesse de dénoncer les formes autoritaires d'encadrement, notamment celles du christianisme de l'époque. Que faisons nous de cette belle liberté que nous nous accordons au nez et à la barbe des autres chrétiens ?

Dans les pays européens et francophones (France, Belgique wallone et Suisse romane) nous avons une congrégation, celle de Nancy (nous n'oublions pas toutefois l'existence d'une congrégation anglophone à Paris), deux associations, l'Association unitarienne francophone (AUF) fondée en 1986 et l'Assemblée fraternelle des chrétiens unitariens (AFCU), fondée en 1996 et issue de la première, un réseau animé par le présent bulletin "Correspondance unitarienne", plus des unitariens qui, individuellement, s'inscrivent au sein de communautés protestantes de sensibilité libérale. Cette dispersion semble faire désordre dans le paysage et il y eut effectivement des crises et des conflits de personnes et d'idées - et surtout aussi une forte dose d'individualisme - au sein de notre mouvance unitarienne. En fait, cette diversité de formes institutionnelles n'est pas forcément synonyme de pagaille. Elle peut refléter aussi la richesse des sensibilités qui coexistent au sein de l'unitarisme. Voyons comment ces diverses formes institutionnelles peuvent répondre à nos besoins sociaux et spirituels.

La congrégation est une communauté de vie localisée, agrégeant des personnes habitant un même lieu ou du moins à proximité. Elle est moins contraignante qu'une paroisse car celle-ci s'appuie sur un territoire bien délimité et renvoie à d'autres paroisses ceux qui ne sont pas ses paroissiens. Dans un paysage confessionnalisé, la congrégation appartient généralement à une Eglise et peut développer, dans certaines limites, sa propre sensibilité religieuse. Par exemple, au sein de la mouvance unitarienne-universaliste nord-américaine, des congrégations maintiennent la Cène, d'autres ont adopté la "communion des fleurs" afin de ne pas froisser leurs membres qui ne sont pas de tradition chrétienne, d'autres enfin, à dominante "humaniste", pratiquent seulement la méditation en commun. La congrégation peut affirmer un credo à l'entrée de son lieu de réunion ou au contraire, tout en affirmant sa sensibilité, être accueillante aux sympathisants, voire à d'autres sensibilités. Le fait de ne pas exiger un nouveau baptême, de pratiquer l'hospitalité eucharistique (ce que l'Eglise catholique vient de condamner catégoriquement) et de bénir des unions mixtes entrent dans cette dernière attitude.

L'association a elle aussi la possibilité de définir d'une façon restrictive les conditions d'entrée. L'AUF demande - et elle en a parfaitement le droit - d'être monothéiste, l'AFCU demande d'être chrétien - elle aussi avec ses raisons -, etc. Les orientations d'une association sont prises lors d'assemblées générales annuelles. N'étant pas chargée de l'organisation d'un culte régulier comme l'est une congrégation, l'association peut tout aussi bien élargir ses conditions d'entrée et accepter des différences de sensibilité en son sein. Elle sera d'ailleurs d'autant plus représentative de l'unitarisme que les diverses sensibilités y seront reconnues, acceptées et présentes au sein de son bureau et lors de la rédaction de ses bulletins.

Le réseau peut lui aussi être l'affirmation d'une seule sensibilité, de plusieurs ou de toutes. Notre réseau "Correspondance unitarienne", quant à lui, a essayé de prendre contact avec toutes les sensibilités de l'unitarisme, sans aucune exclusive ni jugement de valeur. Nous pensons qu'il faut laisser les gens exprimer leurs convictions en toute liberté et tant pis si cela ne cadre pas parfaitement avec l'idée qu'on peut se faire de l'unitarisme ! Nous croyons que l'unitarien est en général un être sincère puisqu'il a dû rompre avec les dogmes qu'on lui a enseignés durant son enfance et faire un choix qui l'éloigne de toute "carrière" militante ou ecclésiastique.

Par rapport à l'association, le réseau peut avoir l'avantage d'une plus grande souplesse. Il n'atteint cependant sa pleine efficacité que lorsque les informations commencent à circuler entre les membres (et pas seulement du haut en bas, entre un animateur et les autres). Nos précédents bulletins nous font espérer qu'une telle dynamique est entrain de s'opérer au sein de notre réseau. Nous sommes persuadés qu'avec la messagerie électronique et internet, les réseaux sont appelés à un très bel avenir.

Toutes ces formes institutionnelles sont complémentaires les unes les autres. Du moins peuvent-elles être vécues ainsi. Bien sûr, dans un tel contexte aucune ne peut s'arroger le monopole et dire qu'elle représente à elle seule l'unitarisme, à moins qu'elle prouve que toutes les sensibilités sont bien représentées en son sein. La culture unitarienne nous invite d'ailleurs à la plus grande des modesties et à trouver l'unité dans notre ouverture aux autres, dans nos relations sans exclusive, également dans des activités communes. L'unité est alors au bout d'un chemin, à un point de convergence, et non au point de départ. C'est là toute mon espérance d'unitarien en pays francophone. Nous serons unis lorsque nous serons capables, avec nos différences, d'agir néanmoins ensemble ; mieux, d'enrichir l'œuvre collective de nos diverses sensibilités. Que notre réseau soit capable de proposer de telles actions communes …

Jean-Claude Barbier