On divorce de plus en plus.
Un couple sur deux vole en éclats. On s’en plaint
souvent à juste
titre parce que l’on en connaît les conséquences
quand bien même on ferme souvent les yeux sur la cause
de l’accroissement de cette pratique. Il existe, nous
y avons participé, des cérémonies de
divorce, très ritualisées et chargées
d’un symbolisme dont le bon goût n’est
pas forcément toujours au rendez-vous.
Le divorce est
représentatif de la douleur de l’éclatement,
de la séparation, de la division. Lorsque l’officiant
annonce que l’homme et la femme sont unis désormais
par la volonté de Dieu, nous pouvons demander légitimement
quelles sont les limites de cette volonté et dans quelle
mesure les actes volitifs des créatures ne l’emportent
pas sur ceux du Créateur. Nous rappellerons ici le fameux “Dieu
démuni” qui contraste avec l’omnipotence
divine reléguée dans les coulisses du théâtre
ecclésiologique.
La question qui se pose effectivement à la
suite d’un
divorce est de savoir si Dieu a vraiment uni ce que l’homme
entend séparer.
Le rêve de l’unité remonte à la
nuit des temps. La franc-maçonnerie, relayant le mythe égyptien
osirien, a placé au centre du troisième échelon
de ses degrés dits “bleus” ou symboliques,
la thématique du “nécessaire” rassemblement
de ce qui est épars.
Plotin dont certains d’entre
nous se rappellent les Ennéades,
dans une ligne inspirér de Platon, d’Aristote,
de quelques stoïciens aussi, s’était fait
d’une certaine manière le chantre de l’Unité:
l’être se dégrade progressivement à partir
de l’Un et notre âme est appelée au terme
d’une démarche que nous pourrions qualifier
de sotériologique, à retrouver cette unité originelle
puis à se fondre en elle.
L’unité retrouvée,
c’est aussi le
fondement des thématiques les plus populaires de la
littérature ou du cinéma. Elle se cristallise
souvent en ce qu’il est convenu d’appeler “happy
end”.
L’enfant, nous assurent les psychologues,
aspire presque toujours à la réconciliation
des parents séparés
ou divorcés.
Il en va de même de l’Eglise,
conçue comme
corps du Christ, éparpillé entre les mouvances
nées des aléas de l’histoire et des conflits
des autorités représentatives du christianisme.
C’est ainsi qu’après tant d’oppositions,
des esprits se sont mis à rêver au retour à l’unité.
Pour le moins, à une forme de réconciliation,
car il ne faut pas confondre le regroupement des chrétiens
en une seule Eglise (l’unionisme) avec le dialogue
interreligieux et les travaux en commun des Eglises chrétiennes
qui caractérisent l’oecuménisme.
Lars
Olof Jonathan Söderblom, évêque d’Uppsala
(prix Nobel de la paix 1929) est traditionnellement considéré comme
le père fondateur de l’oecuménisme moderne
quand bien même, dans la dernière décennie
du 19e siècle, sous l’impulsion d’un unitarien,
Jenjin Lloyd Jones et de Swami Vivekananda, un hindou, un
souffle de dialogue interreligieux avait déjà pris
naissance au Canada, sorte de préfiguration selon
d’aucuns,
de la rencontre d’Assise qui nous reste encore en mémoire.
Quel
besoin les chrétiens ont-ils de se rencontrer, de
collaborer, à organiser
des rassemblements en tous genres, en dépit des divergences
qui les séparent parfois cruellement (on songe aux
guerres de religions, à la situation irlandaise, etc.)?
Ne chercheraient-ils pas tout simplement à se donner
bonne conscience à travers
une commune aspiration à l’unité, compte
tenu que l’unité véhicule toutes les
valeurs traditionnellement considérées comme
des fleurons de la sagesse : le pardon, l’amour, la
réconciliation,
etc.?
Craindrions-nous de ne pas correspondre à la
formulation fameuse de Saint Exupéry et de la transformer
en disant: “si
tu diffères de moi, mon frère, loin de m’enrichir,
tu me lèses”?
Jacques Herman. le 02 septembre 2007
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