Oui, Nicolas Sarkozy est dangereux
Jusque-là, nous ne l'avions pas écrit. Parce
qu'il demeure exceptionnel que Le Soir prenne position dans
une élection, comme il l'avait fait pour soutenir John
Kerry face à George Bush aux Etats-Unis.
Cette fois pourtant,
on ne peut plus rester sans le dire. Oui, Nicolas Sarkozy
est dangereux. Parce que le candidat de l'UMP à l'Elysée
a franchi
la ligne rouge. Ses propos sur le caractère inné de la pédophilie
ou de la tendance suicidaire bouleversent tous les principes de l'humanisme.
La société ne servirait donc à rien ? A quoi bon alors l'éducation,
la famille, l'amour, l'apprentissage de la tolérance, si le seul destin
décide de faire d'un homme un héros ou un monstre ?
Ses propos
sur l'Allemagne, prédisposée à s'abandonner au
nazisme, sont tout aussi écoeurants. Et que dire de cette phrase, entendue
en meeting : « La France n'a pas à rougir de son Histoire. Elle
n'a pas inventé la solution finale. » Aurait-il oublié que
la France a collaboré ? Que Vichy a livré des Juifs aux nazis ?
Jacques Chirac a beaucoup de torts. Mais il a eu ce courage, lui, de reconnaître
la responsabilité de l'Etat français pour la collaboration.
Ce virage
complète chez Nicolas Sarkozy une posture résolument
populiste. Combien de fois, lorsqu'il était à l'Intérieur,
n'a-t-il pas accusé les juges de ne pas en faire assez, violant ouvertement
la séparation des pouvoirs ? Sa mainmise sur les médias ne laisse
pas d'inquiéter, elle aussi, obtenant ici le limogeage d'un directeur
dérangeant, discutant là de l'embauche d'un journaliste chargé de
couvrir l'UMP. Et que dire de ses déplacements de campagne ? Non seulement
il ne peut plus se rendre en banlieue, là où Jean-Marie Le Pen
se promène désormais, mais même dans des quartiers moins
chauds comme la semaine dernière à la Croix-Rousse à Lyon,
il doit reculer par crainte des manifestants.
«
Prendre des voix au Front national, est-ce mal ? », interroge Nicolas
Sarkozy. Non, bien sûr, au contraire. Mais à condition de ne pas
séduire
ses électeurs avec les mêmes mots. Au soir du premier tour, le
candidat de l'UMP se félicitera peut-être d'avoir asséché le
terreau électoral de Jean-Marie Le Pen. Mais à quel prix ? Celui,
affolant, d'une lepénisation des esprits.
Joëlle Meskens, Le
Soir du samedi 4 avril 2007 |
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