Il y a foule aux « Urgences
du Saint-Esprit »
« Nous sommes dans son Service des urgences
spirituelles. Il va vous soigner de vos tumeurs, rhumatismes,
problèmes
aux yeux. Ce soir, je vous laisse entre les mains du Chirurgien. »
Ironie
de l'Histoire, les Occidentaux, après avoir évangélisé l'Afrique,
accueillent des prédicateurs de ce continent, prêchant la Bonne
Parole dans un langage décomplexé. À l'image de Mamadou
Karambiri, pasteur évangélique de la plus grande Eglise du Burkina
Faso, selon l'Association internationale des ministères de guérison
(AIMG), basée à Oron (VD). Celle-ci l'a invité à l'occasion
d'une Conférence internationale de la guérison qui se tient pour
la troisième fois dans le canton de Vaud. Jusqu'à dimanche, ce
rassemblement de quatre jours à la patinoire de Malley devrait attirer
6000 à 8000 personnes, selon les pronostics des organisateurs. Une cinquantaine
d'orateurs des quatre coins du monde (USA, Chine, Suisse...) sont de la partie.
Ce mercredi soir, le prédicateur Karambiri,
djellaba orange et cheveux grisonnants, intime aux démons
de quitter la salle. Sa voix est impérieuse.
Elle tonne lorsqu'il «commande aux oreilles malades de fonctionner
parfaitement: oreilles, ouvrez-vous!»
Face à lui, 2.500 chrétiens – en
majorité évangéliques – boivent
ses paroles. Il y a là des jeunes et moins jeunes, des familles
et plusieurs personnes handicapées.
Séances de guérison,
prêches et chansons s'alternent. Des écrans
géants ont été dressés et les interventions
sont traduites en anglais ou en français. Certains orateurs gémissent
de joie en glorifiant Dieu, les alléluias et les mains s'élèvent
vers le ciel tandis que des croyants sont front contre sol. En retrait,
une femme exaltée, pieds nus, tournoie et gesticule dans tous les
sens. L'ambiance est oppressante.
Grand coeur bombé
Vice-président
de l'AIMG (laquelle s'inscrit dans les courants pentecôtistes
et charismatiques), le pasteur évangélique vaudois Werner
Lehmann nous cite dans une arrière-salle les passages du Nouveau
Testament où Jésus
opère des guérisons miraculeuses. Alors que les protestants
libéraux
y voient légendes et fantaisies, que d'autres courants théologiques
les interprètent métaphoriquement ou les dissimulent, les
fondamentalistes y croient dur comme fer.
Surtout, ils les pratiquent
encore. M. Lehmann jure avoir vu, de ses yeux vu, des sourds recouvrer
l'ouïe. Ces « guérisons surnaturelles » sont
l'un des éléments qui contribuent le plus au succès
des mouvements charismatiques et pentecôtistes. Pour preuve,
dans le public, on trouve bon nombre de catholiques et de réformés. « L'esprit
du rassemblement se veut oecuménique », assure Werner
Lehmann.
Suzanne, mariée à un pasteur réformé, affirme
avoir guéri d'un cancer grâce à la prière.
Ce soir, cette retraitée accompagne son petit-fils. L'enfant
est assis sur les genoux de son père, à côté de
son fauteuil roulant. Il souffre d'un retard mental, mais «grâce à Dieu,
son cerveau se reconstruit peu à peu», se réjouit
Suzanne. Sa fille met toutefois les points sur les i. «On ne
vient pas ici comme à Lourdes. Nous ne
réclamons pas un miracle. Si la guérison vient, super.
Mais notre relation avec Dieu, c'est un parcours de vie.» «J'aime
Dieu pour lui-même, pas pour ce qu'il offre», ajoute Suzanne,
avec un sourire qu'on ne peut que qualifier d'évangélique.
Dans la salle, quelqu'un agite un drapeau figurant un grand coeur bombé.
Un pari risqué
Même remplis d'amour,
les coeurs sont fragiles. Sur le site internet de l'AIMG,
une femme raconte qu'un jour, à l'église, elle
a senti comme des aiguilles se planter dans le sien. Une «femme
de prières» lui
propose alors de prier pour elle. La souffrante renonce alors à se
rendre à l'Hôpital
et affirme avoir été guérie.
Un pari risqué? «Nous
n'avons pas la prétention de nous substituer à la
médecine traditionnelle, que nous respectons et avec laquelle
nous collaborons»,
assure Werner Lehmann. D'ailleurs, à Malley, des médecins – chrétiens – sont à disposition
pour répondre aux questions.
Leur stand est vide quand nous
nous y rendons...
Entre-temps, l'évangéliste burkinabé a
ordonné à l'Esprit
Saint de s'occuper des yeux, des épaules, des genoux et
autres articulations défaillantes. Au pied du podium, il
a rassemblé quelques fidèles.
L'un d'eux affirme au micro: «Mes oreilles ne me font plus
mal.» Dans
le public, une vieille dame, s'appuyant sur une canne, fait pivoter
son genou pour vérifier s'il grince moins. |
|