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 Les chroniques



    Jacques Chopineau

 

- La dérive de l’Europe

- La dérive onusienne

 

   

 


Les chemins de l’Europe

 

 

La dérive de l’Europe

L’Europe a, pendant des siècles, été déchirée par des oppositons fratricides, voire des guerres sanglantes. L’actuel grand projet européen a mis un terme à ces folies. Chacun s’en réjouira. Mais pour que ce projet prenne définitivement forme, il faut que cette Europe soit populaire. Ce qui n’est pas toujours le cas. Il ne suffit pas de dire : l’Europe-l’Europe ! Encore faut-il savoir de QUELLE Europe on parle.

En effet, une supercherie consiste à répéter, avec conviction, que l’on est pour l’Europe sans dire pour quelle Europe on est. Et pourquoi les peuples européens sont-ils aussi peu consultés sur « leur » Europe qui n’en finit pas de s’étendre. N’aurait-il pas été nécessaire d’approfondir l’Europe avant de l’étendre ? On a préféré passer ainsi de 6 à 15, puis de 15 à 25, puis de 25 à 27… et ce n’est, certes, pas fini ! Et cela sans jamais demander aux peuples européens ce qu’ils pensaient… Cela relève du paradoxe. Une Europe sans frontière n’est, à terme, pas crédible. A moins de penser que l’on peut effacer les frontières « intérieures » sans définir des frontières extérieures.

Disons le mot : cela n’est un bien que pour l’OTAN à laquelle adhèrent tous les nouveaux membres de cette Europe alignée. Comment s’étonner, dès lors, que ce grand projet soit en panne, malgré les discours officiels.

Il est clair que deux projets différents s’affrontent. D’une part, une Europe européenne et démocratique (laquelle se voudrait certainement sociale). Une Europe des peuples européens. D’autre part, un grand marché, toujours extensible, dans lequel la liberté est d’abord celle des affaires.

Cette dernière Europe est une Europe alignée, sur l’OTAN pour sa défense et, comme par hasard, sur le libéralisme à l’américaine pour son économie. Dans les deux cas, qu’il serait vain de dissocier, la « vérité » est perçue comme une sorte de fatalité. L’OTAN serait le passage obligé pour continuer d’être et le libéralisme serait un choix obligé du fait de la mondialisation de l’économie.

La mondialisation semble, pour beaucoup, être une sorte de fatalité ou de réalité tombée sur nous du haut du ciel. En réalité, elle est largement le résultat de choix économiques et de décisions politiques. Mais qui dit cela ?

Ces questions (l’Europe, la mondialisation…) sont étrangement absentes des débats électoraux actuels en France. Et l’Europe actuelle semble incapable de faire des choix différents. Ce en quoi elle suit la pente d’une grande organisation : l’ONU.

La dérive onusienne  

L’ONU est, en un sens, dans une situation semblable à celle de l’Europe. Ou bien elle sera capable de se renouveler profondément, ou bien elle est appelée à être remplacée. Comme, en son temps, la SDN qui était une belle idée mais qui n’a pu s’opposer ni au nazisme, ni au fascisme, ni au Japon d’alors… Cette SDN est morte ! L’ONU, si elle veut durer, doit se réformer. Changer de siège serait, d’ailleurs, gagner en crédibilité. Créée en 1945, l’ONU était adaptée à un monde fort différent de ce qu’il est aujourd’hui. Certes, ni l’Allemagne, ni le Japon, vaincus, ne pouvaient alors prétendre faire partie des grandes puissances. L’’Inde n’était pas encore un pays indépendant. Le Nigéria était, pour longtemps encore, dans son statut de colonie. Le Brésil était beaucoup moins peuplé qu’aujourd’hui et largement sous-développé. Et la fiction d’une Chine « légale » identifiée à Formose a été maintenue longtemps !

Est-il cohérent qu’un pays comme l’Inde ait, aujourd’hui, la même voix qu’un petit pays qui n’a aucun poids ni démographique , ni économique ? C’est pourtant ce qui se passe. Au sein de l’assemblée générale, toutes les nations -à moins d’être « membre permanent »- ont la même « voix ». Il s’agit, dit-on, de la sécurité du monde. Mais c’est alors que les nations les plus importantes du monde actuel doivent avoir une voix importante. Elles devraient être des membres permanents de cette institution. Que ces membres permanents disposent ou non d’un droit de veto est une question qui devrait être discutée.

Mais il faudra aller plus loin. En particulier, il faudra tenir compte des groupes humains existants. L’Amérique latine, l’Afrique, le monde arabe… sont, comme l’Europe, des réalités qui dépassent les cadres nationaux.
Qui s’opposerait à une telle réforme ? D’abord les Etats-Unis pour qui, idéalement, l’ONU new-yorkaise aurait vocation à être une sorte de chambre d’enregistrement de décision prises à Washington.

Comment la « communauté internationale » s’opposerait-elle à des orientations justes et démocratiques –selon Washington ? Qui m’aime me suive. Restez groupés derrière la grande démocratie : « qui n’est pas avec nous est contre nous », a-t-on entendu.

L’ONU new-yorkaise est une représentation atomisée des nations du monde. Elle ignore les solidarités ethniques ou religieuses comme si les états constitués étaient des réalités intemporelles -voire éternelles. Cependant : peut-on ignorer la vérité ? Bien des frontières arbitraires seront remises en question. Sans parler de pays qui n’existent pas sur la carte. Par exemple un Kurdistan que les partisans de l’inclusion de la Turquie dans l’Europe voudraient, sans doute, voir coupé entre une partie européenne et une partie non-européenne.

Mais on peut également citer des pays qui ont disparu depuis la création de l’ONU. Ainsi, la Yougoslavie ou la Tchécoslovaquie. Dautres dont les frontières actuelles ont été fixées sans demander l’avis des populations (Hongrie, Albanie etc…). Que de « problèmes » actuels ou à venir ! Et que de conflits prévisibles dans les balkans, au Moyen Orient, en Afrique…

Autre absurdité : des entités comme le FMI ou l’OMS sont censées être des instances mondiales « naturelles ». Ne sont-elles pas, elles aussi, sensibles aux orientations politiques données par les nations qui sont aujourd’hui les plus riches et les plus puissantes ?

Europe et ONU sont certes des entités fort différentes, mais elles ont ceci en commun qu’elles sont un découpage arbitraire qui ne correspond ni à la réalité actuelle, ni aux besoins des peuples. Elles sont donc appelées, l’une et l’autre, à se réformer –malgré les résistances de ceux qui sont les bénéficiaires du système actuel.

Réveille-toi, Europe, et prends ta place dans la gouvernance d’un monde multipolaire. Le pire des choix serait de s’aligner sur un seul pôle. Comme si le passé indiquait le chemin de l’avenir.

Jacques Chopineau, Genappe le 10 mars 2007