« Le
porte-parole du Vatican, Joaquin Navarro-Valls, a déclaré que "la
cohabitation des hommes exige un climat de respect mutuel
pour favoriser la paix entre les hommes et les nations" et
que le droit à la liberté d'expression ne
comprend pas "le droit de heurter les sentiments religieux
des croyants". » (Courrier International du
5 février 2006)
Et de quel droit peut-on ainsi
mettre, dans nos sociétés occidentales, une
muselière à la liberté d’expression
? Et pourquoi ce droit ne comprendrait-il pas celui du risque
de heurter ? Si tel était le cas, il ne devrait pas être
reconnu non plus le droit à la malédiction
et à l’anathème. Ou celui d’inonder
les ondes et les médias de « vérités » religieuses – toutes
croyances confondues – et autres formules bénites
qui pourraient
«
heurter » ceux qui ne sont pas croyants.
Evidemment, lorsqu’on
intente des procès pour faire interdire la publication
d’une publicité inspirée de la Cène
de Leonardo da Vinci,
que l’on excommunie un laïque parce qu’il n’entre pas
dans le moule dogmatique ou que l’on traîne un humoriste devant
les tribunaux, il devient malaisé de défendre la liberté d’expression.
Autant nous considèrons
que l’on ne peut exiger de l’Islam, ou lui imposer,
d’adhérer à des valeurs purement occidentales,
dont la liberté d’expression – avec son
bémol : le délit d’opinion ! – autant
il nous semble déplacé, de la part de nos représentants,
de faire des déclarations aussi peu respectueuses
de nos libertés, si chèrement acquises au fil
des siècles.
Ce qui, pour nous, est une erreur
professionnelle, une faute de goût, une indélicatesse… est
un péché grave pour d’autres. Peut-on
leur en vouloir ? Peuvent-ils nous en vouloir ?
La presse s’enflamme, la rumeur fait son œuvre malfaisante, les
drapeaux et les ambassades s’enflamment à leur tour… C’était à prévoir
et tout le monde se trompe de cible : ce n’est pas la parole, le dessin,
le texte – dérangeants pour certains – qu’il faut
combattre mais tous ceux qui les utilisent à leur profit. Le seul reproche,
au demeurant, qu’aient pu mériter les journaux frondeurs est d’avoir
donné, plus par ignorance que par provocation, du grain à moudre
aux manipulateurs, de quelque bord qu’ils soient.
La vue est différente
si l’on monte sur la table mais la plupart des gens
préfèrent rester assis sur leur chaise !
Les
criquettes et les criquets, le 5 février
2006 |
|