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 Les chroniques



    Daniel Parotte

 

 

 

   

 


Les lois fondamentales
de la stupidité humaine

 

 

Sous le titre « Allegro ma non troppo », l’historien italien Carlo M. CIPOLLA a rassemblé deux textes très courts, dont le second justifie le sous-titre : « les lois fondamentales de la stupidité humaine ». L’ouvrage a été traduit en 1992 et publié aux éditions Balland à Paris. Le premier texte, à la veine humoristique marquée, traite du rôle du poivre dans l’histoire du moyen-âge. Nous ne rendrons compte que du second, encore plus ironique, qui prolonge une réflexion antérieure que nous avions engagée sous la bannière de la connerie…

D’avance nous nous excusons de manquer de l’esprit qui préside de part en part à la rédaction de l’essai, que l’on voudrait pouvoir reproduire de la première à la dernière ligne. Nous en ferons néanmoins de larges citations.
L’auteur distingue cinq lois fondamentales qu’il exprime en peu de mots, que nous nous efforcerons de synthétiser encore ;

- 1. « Toujours et inévitablement, chacun d’entre nous sous-estime la quantité d’individus stupides en circulation »
- 2. On trouve la même proportion d’individus stupides dans tout groupe social quel qu’il soit
- 3. Cet individu se définit par le fait « qu’il fait du tort à un autre ou à d’autres sans en tirer aucun avantage pour (lui-même) » voire pour en subir une perte
- 4. « Les individus qui ne sont pas stupides sous-évaluent toujours le potentiel de nocivité des personnes stupides » et commettent trop souvent l’erreur majeure de traiter ou de s’associer avec elles
- 5. « Les gens stupides sont les personnes les plus dangereuses qui soient. La personne stupide est plus dangereuse que le bandit »

Si l’on excepte la Seconde Loi qui gagnerait à être démontrée, je souscris pleinement aux autres ainsi qu’aux conséquences qui s’y attachent. Ainsi, les gens stupides sont effectivement plus dangereux que les gangsters car ils sont imprévisibles et ils sont plus nuisibles car, au contraire de ces derniers qui, de quelque façon, se bornent à redistribuer autrement les richesses, ils appauvrissent globalement la société en causant des pertes sans avantage pour eux-mêmes.

Abordons la question du pouvoir. « Les classes et les castes (…) furent les institutions qui, dans les sociétés préindustrielles, permirent à un flux constant de gens stupides d’accéder à des positions de pouvoir. Dans le monde industriel moderne, classe et caste perdent de plus en plus d’influence. Mais à leur place, on trouve partis politiques, bureaucratie et démocratie. Au sein d’un système démocratique, les élections au suffrage universel sont un instrument d’une grande efficacité pour assurer le maintien stable de la fraction (de personnes stupides) parmi les puissants. Il nous faut ici rappeler qu’en vertu de la Deuxième Loi, une fraction (constante) de gens qui votent est stupide et les élections offrent à celle-ci une magnifique occasion de faire du tort à tous les autres, sans tirer de son action le moindre bénéfice pour elle-même. En réalisant cet objectif, cette fraction contribue à maintenir une proportion (constante) de personnes stupides parmi celles qui sont au pouvoir. »

« Toute estimation chiffrée (du nombre de gens stupides) se révélerait n’être qu’une sous-estimation ». C’est là le corollaire de la première loi, qui doit nous inciter à la plus grande vigilance. Une personne avertie en vaut deux ! Mais, en toute hypothèse, « les affaires humaines sont, de l’avis de tous, dans un état déplorable. Ce n’est d’ailleurs pas là une nouveauté. Aussi loin que l’on regarde en arrière, il en a toujours été ainsi. »

Daniel Parotte, juriste, athée, Liège le 26 janvier