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Bible et Liberté |
Lire la Bible - 8. Histoire et parole | Imprimer |
Mais pour raconter les événements antérieurs à ceux qui ont lieu aujourd’hui, la langue biblique utilise un mot étonnant (davar) qui signifie tantôt «parole» et tantôt «chose». Cela ne signifie pas qu’en hébreu, le mot soit la chose même, comme l’ont cru (ou feint de le croire) quelques exégètes égarés dans la métaphysique. Les hébreux, gens concrets, sont des nominalistes (9) à l’état natif. L’image est reine : l’image verbale, non l’image taillée laquelle en devenant fixe a perdu son pouvoir d’aimantation. L’image taillée, comme l’idée fixe, appartient aux horreurs de la pensée religieuse monothéiste. Une formule très courante du récit biblique est: «Il arriva après ces événements (choses, paroles...)». C’est une manière habituelle de commencer le nouveau récit qui fait suite à celui que l’on vient d’entendre. Mais ces «choses», c’est la narration même qui les fait arriver… pour l’auditeur. La récitation (la re-récitation) seule anime les «événements». Ainsi seulement, les événements prennent vie en «paroles». Des événements mis en forme de parole. Car un événement ancien n’a lieu que dans les paroles qui le rapportent. Là où le texte seul existait, la lecture fait retentir une «parole». C’est ainsi que la parole donne à l’événement sa réalité pour les générations à venir. Et ce que nous appelons des «chroniques» des temps anciens (cf. les livres bibliques dits: «chroniques») s’appelle en hébreu les «paroles des jours», c’est à dire d’abord les paroles qui donnent sens à ce passé dont nous sommes les héritiers. Notre histoire est tournée vers le passé mais les histoires bibliques sont tournées vers l’avenir. Il en va de même aussi de ces «histoires» (anecdotes, paraboles, hadith...) qui ont, dans les anciennes traditions religieuses, une fonction essentielle d’enseignement. Jacques Chopineau, Lire
la Bible, Ed. de l'Alliance, Lillois, 1993, p.18-20 |