Faut-il inviter les autres à faire
partie
de nos communautés
chrétiennes ?
Jean-Claude Barbier
Le christianisme est
porteur d’un
altruisme radical. Aller toujours vers les plus loin – le
prochain (qui n’est pas le voisin comme le mot le suggérerait,
mais le semblable qu’on ne connaît pas encore,
l’inconnu et pourtant mon frère), l’étranger,
celui qui est à l’autre bout de la planète – mais
aussi les plus démunis, les plus pauvres, les plus
malades, les sans papier, les sans logement, les sans travail,
etc.
Toutes les religions ne vont pas jusque là,
loin de là ! l’islam s’arrête à l’aumône,
le bouddhisme à la compassion, etc. Il y a donc bel
et bien, parmi les religions existantes, une spécificité chrétienne
qui s’est manifestée très tôt par
les œuvres caritatives, sociales et aujourd’hui
humanitaires. Le modèle par excellence en est Jésus
dit le Christ qui, par sa Passion, porte le poids des souffrances
des autres sur lui, prend sur lui les péchés
de son peuple s’affirmant ainsi comme bouc émissaire
volontaire selon la grande et forte figure messianique du
Serviteur souffrant dont parle le Livre d’Isaïe.
Nous savons que la tradition paulinienne en fera un acte
de rédemption métaphysique rachetant la faute
originelle de la Chute. Ce dévouement aux autres va
jusqu’à l’abnégation de soi, de
sa propre famille (vive le célibat !), le don de ses
richesses et propriétés. Jésus lave
les pieds de ses disciples pour bien dire que la responsabilité est
un service aux autres et non point la recherche des honneurs.
Et puis, il nous montre un Dieu père qui aime, qui
pardonne à son fils prodigue et nourrit jusqu’aux
plus petits des oiseaux.
Jésus n’a pas fixé de
limite à cet
amour. Le message est de toute évidence universel.
Pierre le comprendra très tôt avec sa vision
d’une nappe remplie de bonnes et délicieuses
victuailles habituellement interdites aux Juifs (les Actes
des Apôtres qui relatent l’événement
parlent alors de prophétie et non de gourmandise !).
Paul également qui dépossèdera les Juifs
de leur monopole de peuple soit disant élu, tout en
les respectant en leur qualité de premiers dépositaires
de la Parole.
Mais, par ailleurs, les premiers chrétiens
mettront en avant la conversion et le baptême. La Bonne
nouvelle est annoncée à tous, mais l’entrée
de la communauté reste réservée aux
convertis. Les païens qui s’entêtent à rester
païens sont rejetés. Les pseudo convertis (ceux
qui ne se sont pas engagés de tout cœur dans
la bonne voie ou qui se sont égarés chemin
faisant) sont vite taxés de syncrétistes, de
faux prophètes, d’antéchrists, d’hérétiques,
de Satan en personne, etc.
Il a fallu beaucoup de temps pour
que les chrétiens
acceptent que leur Dieu soit aussi celui des autres ; que,
de toute évidence, si Dieu existe, il est universel
par définition. Ils peuvent en remercier les théistes
du Siècle des lumières. De là tous les
croyants sont unis à Dieu. Et par cette référence à Dieu,
la fraternité entre chrétiens – l’Eglise – est
invitée à s’élargir à l’ensemble
des croyants, voir à toute l’Humanité puisque
les non-croyants sont estimés être en recherche
spirituelle. C’est l’universalisme inconditionnelle.
Déjà, l’Eglise universaliste (1779-1961),
qui s’est développée à la fin
du XVIII° siècle en Nouvelle-Angleterre jusqu’à sa
fusion avec les congrégations unitariennes américaines,
considérait que, Dieu étant amour et Jésus
(1) ayant posé son acte rédempteur, tous les
hommes accédaient au salut – de là le
nom de la dénomination puisque le salut était
désormais universel.
À la fin du XIX° siècle,
après un siècle
de lutte contre les credo hérités de l’anglicanisme
et du calvinisme, nombre de congrégations unitariennes
américaines et d’autres chrétiens libéraux
en étaient venues à prôner les seules
vertus morales comme référence obligée
: l’honnêteté, l’amour, etc. De
longue liste de “ principes ” éthiques à valeur
universel remplacèrent les credo des Eglises. Et
certes, les chrétiens n’ont nullement le monopole
des vertus humaines et du dévouement aux autres.
Ils ouvrirent en conséquence les portes de leurs églises
aux autres croyants et aux non-croyants.
Sur ces bases généreuses,
les chrétiens
unitariens américains furent rapidement mis en minorité.
Comment en effet imposer les rites chrétiens (le
baptême,
la communion) à des non-chrétiens ? Comment
s’adresser à Dieu si une partie de la communauté est
athée ? On tomba rapidement dans la culture religieuse – fort
sympathique mais devenue exotique : le solstice d’hiver
pour les néo-païens, le “ Christmas Tree ” pour
les chrétiens avec un zest de lecture de l’Evangile
le dimanche de Noël, les enfants habillés en
rois mages (bien que l’Evangile ne parle pas de rois
en cette occasion, mais de mages, mais on s’en fout
et de la théologie et de l’exégèse
!), les bougies allumées pour chanter la paix entre
les hommes, les euphémismes pour s’adresser à Celui
ou à ce qui serait à l’origine de la
Vie, etc.
Certes, tant que les chrétiens restent
très
majoritaires (ils seraient encore 64% dans les congrégations
unitariennes britanniques), ils peuvent continuer à lire
la Bible et à faire des prédications dessus,
ou encore à discuter du destin du christianisme
en notre temps. Mais lorsqu’ils ne sont plus que
9% comme aux Etats-Unis, la communauté bascule dans
un autre système religieux : c’est l’unitarisme-universalisme
où les héritages religieux des uns et des
autres sont mis au second plan pour une approche d’emblée
universelle. Certes, on peut conserver son christianisme,
mais on ne peut plus l’exprimer au sein de l’assemblée
que sur le seul plan moral et culturel. Les unitariens-universalistes
prônent l’inclusivité, luttent contre
toute forme de discrimination et sont des militants de
l’universel
(2)
On peut imaginer que beaucoup de chrétiens quittèrent
subrepticement les congrégations unitariennes qui
empruntèrent cette voie d’ouverture inconditionnelle.
En effet, le chrétien n’adhère pas
tant à un
ensemble de croyances (qui, elles, sont en pleine évolution
/ révolution, se sont “ modernisées ” grâce
aux acquis scientifiques et se sont fortement individualisés)
qu’à Jésus lui-même (3). Dès
lors, peut-il abandonner la main de Jésus ? Interrogation
que se posait le mouvement “ Jésus simplement ”,
pris lui aussi par le vertige de l’universel, dans
son bulletin de mars 2005, en reprenant celle de Bernard
Feillet dans son livre “ L’arbre dans la mer ”.
Michel Benoît,
avec son style de prophète contemporain,
nous rappelle très fortement cette adhérence à la
personne même de Jésus (4): “ Car Jésus
- nous dit-il - ce n'est pas seulement un maître à penser
: celui d'une époque révolue, marqué par
elle et catalogué dans les rayonnages de l'Histoire,
comme tant d'autres pédagogues et philosophes du
passé.
Jésus, c'est un mouvement, une façon d'être,
une façon de voir, une attitude face à la
vie et aux questions qu'elle suscite. Il ne demande qu'une
chose,
dialoguer avec nous : encore faut-il que nous nous adressions à lui,
et non pas à une icône, recouverte par la
fumée
des cierges d'une Église ”.
En déclarant ses membres “ pour la plupart
chrétiens ”,
l’Association unitarienne française (AUF),
fondée
en juillet 1986 sous la houlette de Théodore Monod,
s’est exposée au débat interne et perpétuel
et sombra dans des crises successives : en 1992, faut-il
accepter, au sein de l’association, les unitariens
non-croyants (puisque qu’effectivement il y en a)
? en 1996, faut-il n’accepter que les unitariens
qui croient en Dieu et qui se réfèrent explicitement à l’enseignement
de Iéshoua ? après 1996, un unitarien qui
s’entête à se
dire encore chrétien est-il encore un unitarien “ comme
il faut ” ? (5). Puis elle termina son existence
(juillet 1986-janvier 2006) avec un président et
trois vice-présidents,
mais sans plus guère de militants.
Ceci
dit, si nos assemblées ne doivent pas se transformer
en auberges espagnoles, certes sympathiques et joyeuses,
nous avons aussi à inventer les gestes d’amitié qui
relient, les cérémonies et les fêtes
qui réunissent, les rites modernes qui peuvent porter
un sens universel chaque fois que nous sommes avec d’autres
croyants et des non-croyants. En cela, la cérémonie
des fleurs mise au point en 1923, en Tchécoslovaquie,
par le révérend unitarien Norbert Capek (6) à l’usage
de la Religious Society of Czech Unitarians, est tout à fait
opportune. Nous l’avons pratiquée (pour la
première
fois en France) à l’occasion du mariage d’un
couple canadien de sensibilité unitarienne-universaliste,
le 21 septembre 2006 (7). Elle a été adoptée
avec bonheur par la Fraternelle unitarienne pour ses célébrations
(8) conformément à son orientation post-chrétienne
et de sortie des religions. Pour nous, dans n’importe
quelle situation, le christianisme d’ouverture ne
saurait se diluer que ce soit par œcuménisme
ou par universalisme, mais par contre se dire sans complexe
avec son identité et son histoire afin de mieux établir
le dialogue avec les autres, accueillir le langage et les
rites des autres mais sans syncrétisme ni confusionnisme,
pratiquer la démocratie et la laïcité et
se montrer capable d’être avec tous sur l’agora
afin d’y construire la cité. C’est cette
voie claire et nette qu’à choisi, entre autres,
l’Assemblée fraternelle des chrétiens
unitariens (AFCU) au sein d’un unitarisme contemporain
accusé à tort, mais parfois avec quelque
raison, d’être tout azimut dans ses croyances
et dans ses pratiques !
Informations
Les blogs de l’AFCU
L’Assemblée
fraternelle des chrétiens
unitariens (AFCU) anime désormais trois blogs qui
sont comme des modules complémentaires les uns par
rapport aux autres. D’abord un blog “ officiel ” où ne sont déposés que les documents
de base pour faire comprendre l’identité de
notre mouvement et ses principales activités. Démarré le
6 décembre 2006, il reçoit plus de 450 visiteurs
par mois qui lisent quelques 1 500 pages.
Le blog de l’AFCU présente une longue liste
de liens renvoyant à d’autres sites unitariens
et de chrétiens libéraux (classés
par pays), si bien qu’il peut servir d’outil
de travail pour accéder à eux. Plusieurs
de ces sites ont établi la réciprocité des
liens.
Le second, “ Actualités unitariennes ” donne
des informations sur l’actualité de
notre mouvance, les livres et revues qui viennent de sortir
et
qui nous interpellent, les conférences et activités
de nos associations ou, plus largement, celles de nos mouvances
libérales, etc. Un “ Agenda pour unitariens
et sympathisants ” y est régulièrement
mis à jour. Après 15 jours seulement d’activité,
il a déjà un bon rythme de croisière
avec une moyenne de 150 visiteurs par semaine (soit de
500 à 600
par mois et plus de 1 600 pages lues). 1 000 visiteurs
sont attendus en ce mois de mars !
Le troisième, “ La
Besace des unitariens ” est un site documentaire
où vous trouverez les sommaires
des bulletins de nos diverses associations unitariennes
françaises
, la référence de textes déjà publiés
et l’intégralité de ceux qui n’ont
pas encore été mis en ligne. Il est encore
largement en construction.
Il va sans dire que ces blogs
sont référencés
et que les moteurs de recherche (voir par exemple Google
http://www.google.com) les trouvent tout de suite. La Correspondance
unitarienne transmettra bien volontiers à ces blogs
toutes les informations que vous souhaitez y voir publiées
et qui pourront y être valorisées. Les unitariens
de Nantes se mobilisent
Après la fondation d’une
Fraternelle unitarienne à Paris,
le 28 novembre 2006, voilà le manifeste d’un
nouveau groupe unitarien, celui des Nantais, qui se veut
lui aussi ouvert à toutes les sensibilités.
Il le fait en toute clarté. La Correspondance unitarienne
et l’AFCU lui souhaitent un plein succès.
Voici le message de Jean-Marc Van Hill daté du 2
mars.
Création du groupe unitarien Nantais(GUN)
Nous vous informons de la création
du Groupe unitarien nantais (GUN) dont les premiers membres,
se réclamant
essentiellement du protestantisme libéral ainsi
que du catholicisme réformateur, souhaitent rassembler
les diverses mouvances unitariennes existant dans la région
nantaise : chrétienne, humaniste ou universaliste.
Ce
groupement n'a aucune structure associative de façon à conserver
son indépendance et sa mobilité. Individuellement
ses membres peuvent se rattacher soit à l'Assemblée
fraternelle des chrétiens unitariens (AFCU), soit à la
Fraternelle unitarienne, mais conservent leur liberté de
pensée et d'action. Ils sont ouverts à tout
dialogue constructif pourvu qu'il soit adogmatique, fondant
leurs recherches sur les textes sacrés, tant canoniques
qu'apocryphes, dans un esprit de tolérance et de
fraternité ”. Contact
Libres
propos
C’est curieux quand même
!
par Jean-Pierre Babin,
intendant de l’AFCU
et membre du Groupe unitarien nantais, le 14 mars 2006
Dieu,
au singulier, avec un D majuscule, c’est le “ Tout
autre ”, celui que l’on ne peut nommer, ni
même
concevoir. Il est une question bien plus qu’une réponse
!
Le croyant monothéiste entre en relation avec Dieu
librement et par amour.
Sa perception débarrasse l’univers des dieux
et démons ombrageux qui le peuplaient
Ce “ Tout autre ” s’est fait particulièrement
connaître à des hommes peut-être choisis
par lui, des “ amis de Dieu ”. Mais aucun parmi
ces hommes n’a affirmé être Dieu lui-même.
Ainsi, chez les croyants :
Aucun parsi ne prétend que Zoroastre était
Dieu,
Aucun juif ne prétend qu’Abraham ou Moïse était
Dieu,
Aucun musulman ne prétend que Mahomet était
Dieu,
Aucun babi ne prétend que Le Bab était Dieu,
Aucun bahaï, ne prétend que Baha’U’Allah était
Dieu,
Aucun sikh ne prétend que Gourou Nanak était
Dieu,
Aucun chrétien pré-nicéen ne prétend
que Jésus était Dieu,
Aucun unitarien ne prétend que Jésus était
Dieu,
Et on pourrait continuer avec tous les futurs prophètes à venir
!
Alors ! Pourquoi certains prétendent-ils que Jésus était
Dieu ?
Ne serait-ce pas tout simplement
pour pouvoir affirmer que leur secte très particulière est ainsi
la religion supérieure, dans le but de l’imposer,
avec la complicité des autres pouvoirs, aux masses
de fidèles
bien soumis, bien craintifs, qui ne chercheront plus à se
poser des questions dérangeantes ?
Qui sait ? Va savoir ?
ndlr : Jésus lui-même
ne s’est jamais
déclaré Dieu. Voir le livre de Michel Benoît
Dieu malgré lui chez Robert Laffont, 2002
N’oubliez pas de consulter régulièrement
notre “ Agenda à l’usage des unitariens
et sympathisants ” sur notre blog “ Actualités
unitariennes ”
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