Dans
une conférence
prononcée devant des pasteurs
protestants,
le prieur [du monastère catholique] de Bose [en Italie],
Bruno Bianchi observait : "
Dès lors que notre être chrétien vit
la communion avec le Seigneur, il y a toujours une communion
avec les frères et sœurs,
cet espace, c'est l'Église. Toutefois, il faut le
dire, l'Église est rarement
aimée aujourd'hui. Nombreux sont ceux qui se disent
des chrétiens sans Église. ”
“
La radicalité de l’Evangile ”,
Entretiens
avec Enzo Bianchi et la communauté (Parole et Silence,
2006)
cité dans le bulletin “ Quelques nouvelles ” de
la mouvance des Amis de Marcel Légaut
(bulletin n° 194 du mois de novembre 2006)
Le christianisme Janus
par Jean-Claude Barbier
Disciples
du rabbi Ièshoua
bèn Yossef de Nazareth, les chrétiens s’engagent
par le baptême à vivre les enseignements de
leur maître et à suivre le chemin qu’il
leur montre et qui mène à Dieu. Le christianisme
se réfère à une personne, Jésus
dit le Christ, et à un Dieu qui, historiquement, s’est
révélé aux hommes, ce dont nous parle
la Bible. Comme toute autre religion, elle est centrée
sur un culte que les chrétiens libéraux pratiquant
les célébrations libres appellent le partage
de la parole, du pain et du vin. C’est une voie particulière
parmi bien d’autres.
Mais le christianisme s’accompagne,
en même temps,
d’une formidable ouverture vers les autres – ni
plus ni moins vers les “ païens ” -
qui commença lorsque Pierre vit une grand nappe tombée
du ciel et pleines de bonnes victuailles (Actes des apôtres
chap. 10), après qu’il eut accepté l’invitation
du centurion romain Cornelius. C’est ainsi, qu’à la
fin de chaque célébration, les participants
sont envoyés aux quatre coins du monde pour prononcer
la Bonne nouvelle et s’occuper d’autrui en toute
charité et compassion.
Mieux, la sotériologie
qui voulait que le salut passa nécessairement par
un Jésus intermédiaire,
ou encore par les sacrements de l’Eglise, ou encore
par ses directives, n’est plus de mise depuis que Faust
Socin (1539-1604) a récusé l’explication
rédemptrice de la Passion, n’y voyant que la
seule condamnation à mort d’un juste par le
Sanhédrin des Juifs et le pouvoir romain, et que l’Eglise
universaliste, fondée aux Etats-Unis en 1779 à Gloucester
dans le Massachusetts par le prédicateur wesleyen
et immigré anglais John Murray (1741-1815), tourna
résolument le dos à la prédestination
augustinienne et calviniste en présentant un Dieu
Amour tellement bon qu’il ne pouvait plus condamner
personne !
La voie du salut désormais
grande ouverte à tous,
le christianisme cultuel s’est mué en un christianisme
d’ouverture, acceptant de côtoyer toutes les
autres grandes sagesses pour un chemin ensemble, invitant à Assise
ou ailleurs tous les responsables religieux du monde entier
pour prier pour la paix et convier tous les croyants au développement
de ce monde. Continuant cette ouverture aux autres, l’humanisme
chrétien s’adresse à tous les hommes
de bonne volonté, non croyants y compris, proposant
une morale dite naturelle comme base d’une éthique
universelle, sans plus de condition de foi. Le prochain est
alors le plus loin de nous : le plus pauvre, la victime
d’une discrimination, l’étranger, voir
l’ennemi, etc.
Donc, à la fois, regard
vers l’intérieur
du temple, au creux de la chambre la plus secrète
de la maison, afin d’y prier Dieu en toute intimité,
là où le chrétien prononce le Notre
Père que lui a enseigné le rabbi Ièshoua
(Mt 6, 1-18), et regard porté au loin et embrassant
l’humanité toute entière, sans halte
ni repos à l’exemple du Maître qui, prêcheur
itinérant en Galilée, n’avait où poser
sa tête ; et à sa suite l’apôtre
missionnaire Paul de Tarse.
Le christianisme aurait-il donc
deux faces comme l’un
des plus anciens dieux, récupéré par
la mythologie romaine, Janus (ou Dianus), dont la fonction
principale était de garder les portes et qui, pour
cela, était doté de deux visages, joints en
recto verso.
Mais comment passer concrètement
d’un
regard vers l’intérieur à un regard vers
l’extérieur ;
du christianisme cultuel, à cette ouverture à l’universel ?
Alors que les confessions n’ont eu de cesse de se séparer à coups
de credo, le christianisme unitarien, conjointement avec
d’autres mouvances libérales, notamment celles
réunies en France par la Fédération
des réseaux du Parvis, propose des célébrations
libres où chacun peut exprimer sa foi, individuellement,
en dehors de tout discours confessionnel particulier. Tous
les chrétiens qui se reconnaissent mutuellement, qui
acceptent une théologie plurielle, peuvent dorénavant
faire Eglise, s’assembler pour prier et partager dans
un contexte post-confessionnel.
Mais
jusqu’à quel point pouvons nous ainsi ouvrir
nos assemblées cultuelles ? S’il n’y
avait que l’enseignement de la Parole par un ministre
chargé de cela, l’assistance, comme pour une
conférence intéressante, pourrait être
totalement ouverte, y compris à des athées
en recherche spirituelle, sauf toutefois à des contradicteurs
qui viendraient pour polémiquer. En cela la tradition
protestante pourrait être des plus ouvertes puisqu’elle
insiste précisément sur l’enseignement
en chaire. On pourrait penser aussi à des assemblées
qui valoriseraient la seule méditation des textes
bibliques, sinon des textes spirituels d’origine
variée
ainsi que le font les congrégations unitariennes-universalistes.
Seulement, voilà, pour
les chrétiens, il
n’y
a pas seulement le partage de la parole, mais celui – aussi – du
pain et du vin. Or, la pratique d’une communion (chrétienne
ou autres) veut que les mêmes aliments circulent
entre tous les présents sans exception puisqu’il
s’agit
précisément de créer du lien social,
au nom d’un ancêtre ou d’un dieu, entre
tous les présents. Dans le cas de la communion chrétienne,
c’est donc une même coupe qui circule et la
même
miche de pain qui est rompue. Et si l’un des participants,
pour une raison ou une autre, ne peut pas prendre d’alcool,
la cérémonie doit alors passer du vin au
jus de raisin ! Nous ne sommes donc plus dans le contexte
d’une distribution individuelle faite par un ministre
du culte et pouvant se moduler selon les personnes (par
exemple la communion sous les deux espèces aux clercs
et l’hostie
seule aux laïcs). Liées à cette communion,
les Eglises ne peuvent guère s’ouvrir au delà des
seuls chrétiens, sinon en ne la faisant pas à certaines
occasions (mariages, enterrements, rencontres inter-religieuses,
etc.).
Le christianisme unitarien permet
de faire un pas en plus puisque la communion se fait au nom
de Iéshoua
(et non pas au nom de Dieu). Iéshoua n’étant
plus Dieu dans notre théologie, d’autres croyants
(les musulmans et les baha’is notamment qui le vénèrent
eux aussi) ou des non-croyants (agnostiques, voir des athées)
qui s’intéressent à lui d’une
façon
ou d’une autre, peuvent alors participer à ce
rite de communion en lui donnant le sens qu’ils lui
accordent ; pour certains ce sera un simple signe
de fraternité
Et si la personne ne s’intéresse
pas particulièrement à Iéshoua ?
La réponse n’est plus alors dans une ouverture
encore plus grande du champ chrétien car les élastiques
cassent lorsqu’elles sont trop tendues, mais dans
une autre approche du religieux cette fois-ci d’emblée
universelle, acceptant toutes les croyances religieuses,
spirituelles et philosophiques, et non plus à partir
d’une religion particulière comme c’est
le cas du christianisme. Une telle approche nous est proposée
entre autres par le théisme, la franc-maçonnerie
ou encore l’universalisme-unitarisme. Le christianisme
n’est pas nié dans sa contribution à l’universel
et Iéshoua continue à faire partie des grands
sages de l’humanité, mais il se trouve dépassé par
une approche qui se veut plus large. Des chrétiens
apprécient une telle démarche et sont partie
prenante. C’est par exemple le cas de ceux qui, aux
Etats-Unis, sont regroupés au sein de l’Unitarian
Universalist Christian Fellowship (UUCF),
ce qui prouve bien que, s’il y a bien différence
d’approche, il n’y a pas forcément contradiction
ni incompatibilité entre le christianisme unitarien
et l’unitarisme-universalisme, même si l’on
est passé d’un particulier ouvert jusqu’à l’universel à un
accès direct à l’universel.
Encore faut-il
que les règles du jeu soient clairs
et nets pour tous et qu’on évite tout confusionnisme,
car il ne faudrait pas que le dieu Janus devienne une girouette !
Bibliographie
Le buste de Théodore
Monod
Vous pouvez voir le buste de
Théodore Monod au
Jardin des plantes à Paris et, en attendant, sur le
site Wikipedia,
François Papin
le 26 septembre
Michel Servet : suites
1) à Genève
Pour
compléter le dossier du mois précédent
sur Michel Servet, le pasteur Roger Parmentier nous signale
une pièce essentielle qui vient de paraître
en août à Genève sous la plume de Frédéric
Amsler, professeur d’histoire du christianisme à l’université de
Lausanne (à qui l’on doit déjà le
précieux Evangile inconnu. La Source
des paroles de Jésus chez
Labor et Fides en 2001) : “ L’Affaire
Servet et la naissance de l’unanimisme protestant
genevois ”,
n° 4-5, pp. 1-40, août 2006, Bulletin du
Centre protestant d’études, Centre protestant d'études
(CPE), case postale 3158 - 1211 Genève 3, tél.
022 807 27 37, fax 022 807 27 38, courriel : cpe-geneve@swissonline.ch
; on peut payer par chèque au CCP français
: Grenoble 2.398.57 X pour le CPE.
“
En bon connaisseur du protestantisme genevois, il y fait
une excellente présentation des tensions politico-théologiques
et ecclésiales à Genève à l’époque
de Calvin. “ Frédéric Amsler, à travers
les personnages clés de la condamnation, se risque à nous
livrer la radiographie (le décryptage !) des
responsabilités de chacun, y compris de Servet lui-même.
Si la décision finale de l’Espagnol de revenir à Genève
ressemblera toujours à un geste suicidaire, on suit
avec attention les tergiversations complexes entre Calvin,
le Magistrat, l’époque et la religion ” (Ph.
Chanson dans la préface de cet article) ”.
Message
du pasteur Roger Parmentier, 3 octobre.
2) à Barcelone
“
Je reviens de Barcelone où la Servetus
International Society, animée
par le professeur Juan Naya, a organisé ces 20-21
octobre, un congrès
international intitulé “ Michel Servet,
de tout notre cœur ” (Miguel Servet con todo
el corazon). N’étant pas spécialiste
de la vie et de l’œuvre de Michel Servet,
j’ai choisi
d’intervenir sur l’après Michel Servet,
du côté de ses héritiers spirituels
dont nous faisons partie, et faisant suite mon article “ Qui
sont les héritiers spirituels de Michel Servet
? ”,
paru dans l’“Hommage à Michel Servet ” de
la revue Théolib (n° 24, décembre 2003,
pp. 49-58), article mis en ligne sur le site de cette
revue.
Ce projet de communication
fut agréé et je me suis finalement retrouvé avec
d’autres qui parlaient de leur propre corpus religieux
en le reliant, eux aussi, à Michel Servet (3ème
session : Parallelisms with other historical characters
and religious movements), entre autres Andrew M. T. Dibb
qui
vient d’écrire un livre sur l’Eglise
fondée
par Emmanuel Swedenborg, un Suédois mystique du
XVIIIème
siècle dont l’Eglise se développa
aux Etats-Unis et en Afrique du Sud.
En ce qui me concerne,
j’ai parlé de l’accès à l’universel
chez les unitariens (les chrétiens unitariens
et les unitariens-universalistes). J’ai fait ma
communication en espagnol afin d’être compris
par le maximum des participants. Jaume de Marcos, président
de la Sociedad unitaria universalista de España
(SUUE), présent à cette manifestation,
m’a donné un
coup de main pour la traduction de mon texte en cette
langue. A noter une autre participation française
en la personne de Valentine Zuber, professeur à l’Ecole
pratique des hautes études à Paris (EPHE),
dont les travaux historiques sur l’érection
des monuments en hommage à Michel Servet au début
du XXème
siècle (à Genève, Annemasse, Vienne
et Paris) sont connus. Les actes du congrès seront
publiés en anglais et en espagnol. ”
c. r. de J-C Barbier fait au
groupe de discussion “ Unitariens
francophones ” le 27 octobre.
3)
suite en français
Mme Rolande-Michelle Benin,
agrégée
de lettres classiques et docteur en patristique grecque,
et Mme Marie-Louise
Gicquel, agrégée de lettres classiques,
se sont attelées à la tâche de traduire
en français le “ De trinitatis erroribus ” ;
Information donnée par Fabien Girard en complément
de celle parue sur le site de l’Instituto
de estudios sijenenses Miguel Servet. Le manuscrit
a été déposé à la
Librairie Champion depuis une dizaine de mois, mais sa
publication n’est pas encore programmée.
Mme R.-M. Benin continue à traduire toute l’œuvre
de Michel Servet. Elle a reçu la distinction de
conseillère
de l’Instituto de estudios sijenenses Miguel Servet
basé à Villanueva de Sijena.
Tribune libre
unitarienne
La revue électronique
montréalaise,
mise en ligne sur le site du Mouvement universaliste
unitarien au
Québec (MUUQ),
vient de sortir un numéro
sur la Tolérance (vol. 2, n° 2,
2006), qui a été piloté par Maurice
Cabana-Proulx . Cette revue a été fondée
en 2005 par Léo Poncelet et Ray Drennan (pasteur
de l'EUM de 1995 à 2005). A noter, dans
ce numéro,
l’article de Joshua Snyder, ministre du culte de
la Second Unitarian Church of Omaha qui, lors
d’un
sermon prononcé le 9 décembre 2001 et intitulé “ Hanoucca,
fête des lumières ”, émit
son avis sur la dissidence chrétienne qui donna
naissance à l’American
Unitarian Conference (AUC)
en 2001. Nous reviendrons sur ses propos car ils sont
au cœur
d’un débat intéressant qui nous
concerne : comment concilier le congrégationalisme,
où chaque communauté locale ou mouvement
est en principe indépendant, avec des instances
nationales unitaires ?
Signalons que le site du MUUQ
a été rénové.
Il indique bien son lien avec l’Eglise unitarienne
de Montréal (ce qui n’était pas perceptible
auparavant), avec une photo de l’église
(“ sanctuaire ” en
langue française du Québec) à l’appui.
Le mouvement est maintenant personnalisé, avec
une présidente, Mme Hannelore Poncelet, un webmestre,
et un logo (un oiseau sur fond bleu qui s'échappe
du calice à la flamme). Sa rubrique des "Nouvelles" est
enfin régulièrement actualisée.
Une
pluralité de formes de vies et de consciences
dans l’univers est-elle possible ?
David Dubois,
docteur en théologie systématique,
après avoir soutenu, en juin 2000, une thèse à la
Faculté libre de théologie protestante
de Montpellier sur “ Consciences
au pluriel et sens, pluralité de formes de vies
et de consciences dans l’univers, sens et finalité :
tentative d’approche théologique ”,
a touché le grand public par son livre La
Question extraterrestre et le christianisme aux éditions
Paradigmes (Orléans), livre que nous avons signalé dès
sa parution dans notre bulletin n° 53, mars 2006.
Il multiplie également articles de presse et conférences
sur cette question. Il poursuit la promotion de son livre
sur un de ses sites.
Quelles
sont les conséquences philosophiques, théologiques, épistémologiques,
d’une pluralité probable de formes de vies
et de consciences extraterrestres dans notre univers ?
Un nouveau dialogue science-foi loin des dogmatismes,
inscrit dans une laïcité en dialogue, soucieux
du respect de la vie et de la sauvegarde écologique
de notre planète…
Pour en savoir plus , deux autres sites "perso"
Invitation à la
théologie buissonnière
Après La
Source intérieure et un Petit lexique
des hérésies chrétiennes, Michel
Théron
poursuit son invitation à l’hétérodoxie
en nous invitant cette fois-ci à la Théologie
buissonnière avec 50 mots clé de culture
religieuse. Vous avez jusqu’au 15 décembre
pour bénéficier
du prix de souscription de 22 euros port inclus en écrivant à l’éditeur :
Golias, B.P. 3045, 69605 Villeurbanne cedex.
Informations
Congregazione Italiana Cristiana
Unitaria (CICU)
“
Cari Amici, Abbiamo un nuovo sito ” http://www.unitariani.splinder.com/,
Voici le cri de joie de notre ami Roberto Rosso quelques
semaines après que son site précédent
eut été détruit par des hackers. Nous
souhaitons longue vie et paix à ce nouveau site. En
complément, le groupe de discussion : http://it.groups.yahoo.com/group/unitariani/
Théologie et Libération
Le 2ème Forum mondial Théologie et libération
aura lieu à Nairobi en janvier 2007 et aura
pour thème “ Une
spiritualité pour un autre monde possible ”.
Le Réseau européen Eglises et Libertés
y participera, en partenariat avec l’IMWAC (le
mouvement international dont la filiale française
s’appelle
Nous sommes aussi l’Eglise NSAE). Du fait de
sa présente
au sein de la Fédération des réseaux
du Parvis, laquelle fait partie de ce réseau
européen,
l’Assemblée fraternelle des chrétiens
unitariens (AFCU) se trouve concernée par cette
manifestation.
Libres propos
Louanges
par David Renom (Fort-de-France), message du 6 octobre
2006 au groupe de discussion “ Unitariens
francophones ”
Merci à vous, Marie,
de ne pas avoir attendu le mariage pour concevoir,
dans l'intimité de vos fiançailles
avec Joseph, cet enfant dont la vie adulte nous a bouleversés,
parti malheureusement trop tôt.
Merci à Toi, YAH, de nous laisser Te tutoyer avec
cette familiarité sans égal, mais non sans
le plus grand respect,
et de nous permettre de T'invoquer par ce diminutif
chargé pour
nous de plus de force et d'amour qu'aucun autre nom
de dix mille syllabes.
l’Assemblée fraternelle
des chrétiens
unitariens (AFCU)
est membre de la Fédération
des réseaux du Parvis
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